Imaginez un puits, à cheval entre deux parcelles. Si les deux voisins ne s'entendent pas sur son usage, l'action en justice est inévitable. Alexandre installe une pompe éolienne sur ce fameux puits mitoyen. Yannick, son voisin, réagit aussitôt : il demande la suppression de l'éolienne, qu'il estime implantée sur sa propriété.
Pour résoudre le différend, Alexandre entreprend une procédure de bornage devant le tribunal d'instance. Malheureusement pour lui, l'expert désigné par le tribunal lui donne tort. Dans son opération de bornage, ce géomètre inclut l'éolienne sur la propriété de Yannick. Le tribunal d'instance et l'arrêt confirmatif de la cour d'appel donnent satisfaction à ce dernier : Alexandre se voit ordonné de supprimer l'éolienne qu'il avait bâtie.
Il décide alors de consulter un avocat à la Cour de cassation en vue d'un pourvoi. Ce juriste opère alors une distinction subtile entre le bornage et la preuve de la propriété. En effet, la délimitation résultant du travail du géomètre expert suffit-elle à en déterminer la propriété ?
Cette argumentation a triomphé devant la Cour de cassation : « L'action en bornage (...) a eu seulement pour effet de fixer les limites des fonds contigus sans attribuer aux consorts (Alexandre ou Yannick, NDLR) la propriété de la portion de terrain sur laquelle se trouvait [l'éolienne]. » Autrement dit, le bornage ne vaut pas preuve de propriété. La Cour de cassation dit encore qu'un juge « ne peut statuer au seul visa de la délimitation opérée (le bornage, NDLR), sur une action en revendication de propriété ».
Dans cette affaire, il appartenait à Yannick de saisir le tribunal de grande instance en revendication de propriété sur la parcelle dont il s'estimait propriétaire. Concrètement, cela signifie remonter aux origines de la propriété, s'appuyer sur le cadastre - encore qu'il ne soit pas non plus une preuve de propriété - et rechercher sur le terrain s'il n'existe pas d'éléments matériels susceptibles de fournir des preuves de propriété. Une chose est sûre, la procédure promet d'être longue. Sans exagérer, on peut l'évaluer à plusieurs années.
Cette affaire est une nouvelle illustration de la jurisprudence de la Cour de cassation sur les effets du bornage. On trouve dans un arrêt en date du 23 mai 2013 (n°12-13898) le même principe : « L'accord des parties sur la délimitation des fonds contigus n'implique pas à lui seul accord sur les limites de propriété ».
Un autre arrêt du 31 octobre 2012 (n°11-24602) va dans le même sens. Dans cette dernière affaire, il s'agissait d'un bornage amiable accepté par l'un des propriétaires qui n'était que l'usufruitier d'un terrain. Les enfants, nus propriétaires, contestaient ce bornage amiable. La justice l'a reconnu valable, le considérant comme un acte d'administration, c'est-à-dire de gestion courante du patrimoine, et non comme un acte de disposition, lequel modifie la composition du patrimoine. Autrement dit, là encore, le bornage a seulement délimité des parcelles sans préciser qui est propriétaire de quoi.
Autre cas de figure : une partie admet un bornage, mais elle fait valoir que sa propriété s'est agrandie au-delà de cette limite du fait de la prescription trentenaire. Dans ce cas, le tribunal d'instance, juge du bornage, doit renvoyer au tribunal de grande instance pour que celui-ci se prononce sur la validité de la prescription (article R 321-22 du code de l'organisation judiciaire).
Quant à la mitoyenneté, elle se définit comme l'état d'un bien sur lequel deux voisins ont un droit de copropriété et qui sépare des immeubles. Ainsi, tout mur servant de séparation entre deux bâtiments jusqu'au niveau des toits est présumé mitoyen s'il n'y a pas titre ou marque du contraire (article 653 du code civil). Et si le mur de l'une des maisons est plus élevé que la toiture de l'autre, à partir de là, le mur est privatif.