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VIGNE

La complantation sans complications

MARTIN CAILLON - La vigne - n°262 - mars 2014 - page 42

Pour faire face aux dégâts croissants de l'esca, un vigneron de Bourgueil (Indre-et-Loire) a mis au point trois outils pour préparer la complantation. Efficaces, ils permettent à l'opérateur de travailler plus rapidement et sans s'éreinter.
François Goré au volant de son tracteur équipé d'un arrache-cep et d'un combiné tarière/distributeur d'engrais. L'équipement permet de réaliser trois opérations pour préparer la complantation en moins de trente secondes. © PHOTOS M. CAILLON

François Goré au volant de son tracteur équipé d'un arrache-cep et d'un combiné tarière/distributeur d'engrais. L'équipement permet de réaliser trois opérations pour préparer la complantation en moins de trente secondes. © PHOTOS M. CAILLON

Un vérin commande le déplacement latéral du tiroir doseur au-dessus du tuyau qui oriente les engrais vers le trou. Un compteur enregistre le nombre de doses libérées et de trous réalisés.

Un vérin commande le déplacement latéral du tiroir doseur au-dessus du tuyau qui oriente les engrais vers le trou. Un compteur enregistre le nombre de doses libérées et de trous réalisés.

Le châssis de la tarière, renforcé, supporte une trémie de 300 litres. Un couvercle protège son contenu de la pluie.

Le châssis de la tarière, renforcé, supporte une trémie de 300 litres. Un couvercle protège son contenu de la pluie.

L'arrache-cep est équipé d'un vérin double effet. Il commande l'extension latérale du bras sur 50 cm.

L'arrache-cep est équipé d'un vérin double effet. Il commande l'extension latérale du bras sur 50 cm.

La vrille de la tarière possède deux ailerons pour mieux sectionner les racines. Trois tiges métalliques verticales l'enserrent pour éviter qu'elle n'attrape les fils.

La vrille de la tarière possède deux ailerons pour mieux sectionner les racines. Trois tiges métalliques verticales l'enserrent pour éviter qu'elle n'attrape les fils.

Les doigts de la fourche, en V et dentelés, saisissent la souche. Le chauffeur termine de l'arracher en rétractant le bras et en avançant.

Les doigts de la fourche, en V et dentelés, saisissent la souche. Le chauffeur termine de l'arracher en rétractant le bras et en avançant.

Monté devant le tracteur sur le bras d'une minipelle, le râteau permet de reboucher les trous en moins de vingt secondes sans se fatiguer.

Monté devant le tracteur sur le bras d'une minipelle, le râteau permet de reboucher les trous en moins de vingt secondes sans se fatiguer.

Le râteau est constitué de versoirs de charrue recyclés. Il est doté d'un vérin qui permet de le faire osciller.

Le râteau est constitué de versoirs de charrue recyclés. Il est doté d'un vérin qui permet de le faire osciller.

«Depuis l'interdiction de l'arsénite, nous regardons nos ceps crever et nous nous tuons à les remplacer. L'an dernier, dans une vigne de 1,20 ha, j'ai complanté deux cent vingt ceps. Il y a sept ans, dans la même parcelle, j'en avais remplacé seulement cinq. »

Nous sommes le 6 janvier 2014 chez François Goré, viticulteur à Benais (Indre-et-Loire). L'homme, qui cultive 22 ha en AOC Bourgueil, nous reçoit dans une vigne de cabernet franc plantée à deux mètres. La parcelle d'une cinquantaine d'années compte des dizaines de souches atteintes par l'esca. Il faut les arracher, puis complanter.

D'ordinaire, la tâche est fastidieuse, harassante et prend un temps infini. Depuis peu pour François Goré, elle ressemble presque à une promenade de santé. Car le viticulteur, bricoleur-né, a conçu plusieurs outils pour mécaniser l'arrachage des ceps et la préparation des trous de plantation.

Il a d'abord fabriqué un arrache-cep. L'outil, très simple, est constitué d'un bras télescopique oblique se terminant par une fourche. Dotée de deux doigts dentelés, elle ressemble à une mâchoire. Monté à l'avant de son Landini sans cabine, l'équipement permet d'extirper les souches.

À l'arrière du même tracteur, François Goré a attelé une tarière Rabaud sur laquelle il a installé un distributeur d'engrais. Ce deuxième outil permet simultanément de forer le trou et de distribuer une dose d'engrais pour le futur plant.

Efficacité et célérité. En démonstration, le matériel se révèle épatant. Le chauffeur avance dans le rang et ralentit lorsqu'il arrive à hauteur d'un pied mort. Il étend hydrauliquement le bras sur la droite pour faire légèrement piquer la fourche en terre devant le cep. Il avance un peu, tourne légèrement le volant pour attraper la souche entre les doigts. Une fois celle-ci prise entre les deux mâchoires, il avance à nouveau, doucement, tourne un peu à gauche en rétractant simultanément le bras. Le pied est arraché !

L'opération, qui requiert un peu d'habileté, a pris dix secondes au plus. Une troisième dent, soudée contre le doigt extérieur de la fourche et orientée vers l'arrière, permet, si la souche échappe à la première prise, de déraciner cette dernière en marche arrière. « Si le cep mort se situe juste avant un piquet, c'est plus commode de l'arracher en reculant », observe François Goré.

Trois secondes plus tard, lorsque la tarière se trouve au niveau de l'emplacement du pied fraîchement arraché, François Goré stoppe son tracteur. Il fait pivoter le bras de la tarière pour l'amener au-dessus du trou, enclenche la prise de force, accélère un peu et creuse un trou de 45 cm de profondeur environ. En même temps que la tarière s'enfonce, le chauffeur ouvre le tiroir doseur de la trémie du distributeur. Mû par un vérin, ce dernier glisse alors de dix centimètres sur le côté et laisse tomber l'engrais dans un tuyau en plastique qui l'envoie jusque dans le trou. La rotation de la vrille le mélange à la terre. « Dans la trémie, j'ai fabriqué un agitateur avec des petites d'ailettes pour éviter tout bouchage », ajoute François Goré. Le creusement du trou ne prend guère plus de temps que l'arrachage du cep, une quinzaine de secondes.

Le viticulteur déracine ainsi une quarantaine de souches et creuse autant de trous dans la foulée, à chaque fois avec la même efficacité et la même célérité. L'opération dure trente secondes maximum par pied.

François Goré marque ensuite une pause et nous explique la suite normale du chantier. « Avec un ouvrier, je passerai dans les rangs avec un tracteur et une benne que j'ai fabriquée pour ramasser les ceps arrachés et les racines restantes. Elle est installée sur un lève-palettes attelé sur le trois points. Quand elle est pleine, je la lève et l'incline à l'aide d'un vérin pour la vider directement dans une remorque en bout de rang. »

Outil inédit. Sans attendre de débarrasser la vigne des bois morts, le vigneron poursuit la démonstration et passe reboucher les trous. Pour cette opération, il ne s'éreinte plus avec un manche de pelle. Il se sert d'un gros râteau monté sur un bras articulé installé au nez d'un autre tracteur vigneron, un Case JX 1075 N, stationné au bout de la parcelle.

Pour fabriquer cet outil inédit, François Goré s'est procuré un bras de minipelle chez un fabricant spécialisé de Poitou-Charentes. Puis il l'a adapté pour le fixer sur le porte-masses et le bloc moteur de sa machine. Enfin, au bout du bras de la minipelle, il a installé le râteau composé de deux paires de fers opposés en forme de croissant de lune, soudés sur une traverse triangulaire. Cet outil permet de ratisser et de niveler la terre autour du trou creusé par la tarière. Deux skis, fixés de part et d'autre du râteau, contrôlent la profondeur de travail.

Le tout est commandé par cinq vérins. Deux d'entre eux assurent l'extension et le repli de la flèche et du balancier. Un autre maintient le râteau à l'horizontal. Un quatrième dirige son oscillation pour mieux égaliser la terre. Enfin, un dernier vérin commande le pivotement latéral du bras. « J'ai soudé une butée de chaque côté pour éviter d'endommager le palissage par un mouvement de translation incontrôlé », précise François Goré.

Se jouant habilement des manettes, le viticulteur pose le râteau devant le trou et pousse délicatement la terre en avançant le tracteur. Puis il enclenche l'inverseur et, tout en reculant, fait osciller le râteau pour égaliser la terre. Le tout prend une vingtaine de secondes par trou. « C'est trois fois moins de temps qu'avec une bêche et c'est moins fatigant », commente-t-il, satisfait de son invention. Le terrain ameubli, il ne reste alors plus qu'à planter les jeunes pieds, à la main.

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