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JULIEN CHEVALLIER, gérant du domaine de Miselle, à Caupenne-d'Armagnac (Gers), protège ses 25 ha de vignes avec le Provigrêle, un système de son invention.
LE WHAILEX permet de relever 100 m de filets en quelques tours de manivelle.
LE PALIGRÊLE, très utilisé en raisin de table, est testé dans les vignes étroites et basses de Bourgogne.
Provigrêle : Inventé par un producteur gascon
Le domaine de Miselle, à Caupenne-d'Armagnac (Gers), cultive 25 ha en IGP Côtes de Gascogne. « Notre vignoble est d'un seul tenant. Nous avons été ravagés par la grêle à 70 % deux ans de suite, en 2010 et 2011 », raconte Julien Chevallier, le gérant. Le domaine était assuré contre ce fléau, mais la formule n'était pas satisfaisante. « L'assurance coûte cher (400 euros/ha/an) et applique une franchise de 10 à 15 % en cas de dégâts », explique-t-il.
Le viticulteur a donc changé d'optique. En deux ans, il a posé sur toutes ses parcelles des filets anti-grêle. Et « les nouvelles plantations seront systématiquement équipées », annonce-t-il. Il s'est fourni chez Emis France, basé dans les Bouches-du-Rhône, et a opté pour des filets blancs, en PEHD, stabilisés aux UV. « Ils ont moins d'impact sur la vigne que les filets verts ou noirs. » Les protections sont fixées aux deux piquets de tête. Elles mesurent 80 cm de haut et descendent entre 30 et 40 cm en dessous du fil porteur.
Julien Chevallier n'a pas fait que les poser : il a développé ses propres accessoires pour rendre l'installation pratique. Sur chaque piquet, il a placé deux demi-écarteurs indépendants, un par côté, qui tiennent les filets éloignés de la végétation et à distance des grappes. Surtout, ils s'abaissent pour permettre le passage des machines. Ainsi, avant un effeuillage, le viticulteur relève les filets d'un côté du rang, puis rabat les écarteurs le long des piquets.
Ce système est aujourd'hui commercialisé par Provigne Acacia France, à Bordeaux (Gironde) sous le nom Provigrêle. Selon Philippe Jackz, gérant de la société, l'installation de filets dans une vigne plantée à 2 m de largeur coûte 10 000 euros par ha, accastillage inclus, sans compter 100 heures de pose à deux personnes en sus.
« Du point de vue sanitaire, nous n'avons pas noté d'incidence négative. Les produits passent à travers les mailles », indique Julien Chevallier. La pousse des rameaux semble un peu plus rapide et la maturité paraît retardée de quelques jours. Mais sur le plan qualitatif, le viticulteur ne note pas de différence. « Nos cuvées ont été récompensées par des médailles d'or et d'argent, aussi bien avant qu'après la pose de ces filets », souligne-t-il.
Sur le plan pratique, les filets sont relevés à deux reprises : avant le passage de l'effeuilleuse et avant les vendanges. « Cela prend un peu de temps. Mais, la vigne poussant entre les filets, il n'est plus nécessaire de la relever », observe-t-il. En fin de saison, ils restent enroulés en boudins au niveau du fil supérieur. S'ils ne gênent pas la taille manuelle, ils ralentissent légèrement le tirage des bois. Principal inconvénient : ils sont incompatibles avec le prétaillage. « Si l'on s'approche trop des filets, on risque de les accrocher. Et si on baisse trop la prétailleuse, on obtient des baguettes trop courtes », résume le viticulteur.
Whailex : Un relevage astucieux
La société LJ Prestations, basée à Westhalten (Haut-Rhin), installe le système créé par l'entreprise allemande Whailex. Ici, l'opérateur n'a pas à arpenter les rangs pour relever ou abaisser les filets. Il se place en bout de rang, se saisit d'une manivelle et la fait tourner. Il peut alors relever jusqu'à 100 m de filets. Lionel Miclo, viticulteur et cogérant de LJ Prestations, a couvert 2 ha chez lui et affirme ne passer que 30 min pour relever un hectare dans ses vignes plantées entre 1,80 et 2 m.
LJ Prestations emploie un filet noir à mailles de 3 sur 6 mm qui retient 4 % des UV et crée 10 % d'ombre. Il est agrafé en haut du rang, de chaque côté, et fixé en bas, sur toute sa longueur, à un tube souple. Une fois abaissé, il reste tendu sous l'effet du poids de ce tube autour duquel on l'enroule pour le relever.
Il n'y a pas d'écarteurs avec ce système. La distance qui sépare les deux filets protégeant un rang dépend du diamètre des piquets de palissage. La végétation monte entre les protections. Petit inconvénient : des raisins restent en contact avec le filet et ne seront pas épargnés en cas de grêle. « Sur une parcelle grêlée à 97 %, nous n'avons eu que 5 % de dégâts », relativise Lionel Miclo.
Il faut aussi relever les filets en été, lorsque les bois aoûtent. Sinon des vrilles peuvent être prises dans les mailles et endommager l'installation. On les redescend par la suite.
Les avantages du système sont multiples. « Nos filets protègent la vigne contre la grêle mais aussi contre le vent, le gibier, les oiseaux et les piqûres de guêpe, détaille Lionel Miclo. En Provence, un viticulteur protège 70 ares depuis six ans contre les étourneaux. »
Selon le viticulteur, les filets ont tendance à booster légèrement la croissance des rameaux. Mais il n'y a pas d'incidence sur la date de maturité. On peut traiter avec les filets baissés, les produits passant très bien entre les mailles.
À ce jour, LJ Prestations a équipé 17 ha de vignes dont une douzaine en Alsace. La société vient de couvrir 20 ares en Bourgogne, au domaine Heitz-Lochardet, à Chassagne-Montrachet (Côte-d'Or). Si l'Inao donne son accord, plusieurs domaines de la région, très affectés par la grêle ces dernières années, sont prêts à investir dans ce système. « On a déjà une demande pour une centaine d'hectares. »
L'installation du système Whailex revient à 17 000 euros par ha dans une vigne plantée à 2 m, installation comprise et garantie dix ans.
Paligrêle : À l'essai dans les vignes étroites de Côte-d'Or
Début mai, le domaine Rossignol-Trapet, à Gevrey-Chambertin (Côte-d'Or), a équipé six rangs de filets pare-grêle. L'an passé, deux de ses 13 ha ont été ravagés à 95 % par la grêle. Nicolas Rossignol, le gérant, a fait appel à la société Paligrêle, située dans le Lot-et-Garonne, qui équipe déjà des vignes de raisin de table. L'objectif consiste, dans un premier temps, à étudier si le dispositif est adapté aux vignes étroites et basses.
Les filets couvrent sept ares sur un coteau de Gevrey-Chambertin. Les six rangs, plantés à 1,10 m, sont dotés de chaque côté d'un filet en polyéthylène de 80 cm de hauteur qui enveloppe la végétation. Chaque filet incorpore deux fils, un en haut et un en bas, reliés et tendus aux deux piquets de tête. À partir de la floraison, des écarteurs posés tous les 5 m sur les filets, mais pas fixés aux piquets, les maintiennent écartés de 35 cm.
Nicolas Rossignol assure ne rencontrer aucun problème pour la conduite de la vigne. Il travaille le sol sans relever les filets et ne rogne plus la vigne, se contentant de l'écimer. « Nous avons relevé les filets pour ébourgeonner et pour effeuiller. Nous ferons de même pour les vendanges en vert et avant le passage des vendangeurs », commente-t-il, notant que « des filets un peu moins hauts (70 cm) et des écarteurs moins larges conviendraient sans doute mieux ».
Afin d'évaluer l'incidence des filets sur la qualité des traitements, la chambre d'agriculture a mené une première expérience courant juillet. Elle a posé des papiers hydrosensibles dans le feuillage des rangs protégés et dans les rangs voisins. Les premiers constats ne montrent aucune différence significative entre les deux vignes. D'autres études viseront à s'assurer que les filets, pourvus de mailles fines (2,5 x 4 mm), ne provoquent pas l'effet d'une serre et qu'ils n'entassent pas la végétation, ce qui serait préjudiciable à la qualité des raisins. La mise en place du système Paligrêle sur 1 ha de vigne plantée à 2 m avec des filets de 80 cm coûte 10 000 euros (garanti 10 ans).
Une pratique non conforme aux usages, selon l'INAO
La protection des vignes par des filets pare-grêle n'est ni interdite ni réglementée en France. Cependant, en avril, le Comité national de l'INAO a jugé que cette pratique « n'était pas conforme aux usages » dans les AOC. La commission technique de l'institut a relevé, à l'occasion d'une expérimentation menée en 2009 à Buzet, que « la capture de lumière par le filet est significative et non sans impact sur le bilan hydrique, la photosynthèse et donc la maturité des raisins ». Le comité, constatant par ailleurs l'efficacité de la protection par les filets, ne ferme pas la porte à d'autres expérimentations. « Elles devront être pilotées par les ODG et devront notamment analyser l'impact des filets sur les modes de conduite de la vigne, la gestion du feuillage ou des traitements. » La pose de filet dans des vignes destinées à la production de vins IGP ne pose en revanche aucune difficulté.
