En Savoie et dans le Bugey, la fin du régime des droits de plantation n'anime pas encore les débats. Les professionnels sont davantage préoccupés par les départs à la retraite sans repreneur, la récente reconnaissance de l'AOP Crémant de Savoie et la restructuration du vignoble vers les coteaux. Pour Éric Angelot, directeur du Syndicat des vins du Bugey, « plus que l'augmentation des surfaces, notre vrai sujet est la rentabilité de la production ».
Questionnée sur l'arrivée des autorisations de plantation en 2016, la profession est unanime : cela ne va pas bouleverser la donne. Bon an mal an, les surfaces plantées devraient continuer à avoisiner la dizaine d'hectares chaque année. Michel Bouche, directeur du Syndicat régional des vins de Savoie (SRVS), pense toutefois que la communication autour des autorisations de plantation « incitera quelques vignerons à planter ». Michel Quenard, viticulteur à Chignin et président du SRVS, veillera au grain. « L'important est de ne pas avancer les yeux fermés et de continuer à se baser sur notre observatoire des prix et des marchés pour planter », explique-t-il. Selon Pierre Abry, président de la cave coopérative de Chautagne, « les autorisations nouvelles doivent en priorité être accordées aux Jeunes Agriculteurs ».
Autre priorité, « planter sur les coteaux, gage de qualité », comme l'indique Gilbert Perrier, président du syndicat du négoce. D'après Jean Vullien, viticulteur, « la réforme du système est une bonne chose, les procédures de plantation sont aujourd'hui compliquées, mais 1 %, c'est trop ambitieux pour la région ».
D'autres ont un avis plus tranché. Frédéric Péricard, viticulteur à Challex (Ain), se dit « totalement contre les autorisations de plantation, même limitées à 1 % ». Il fait le parallèle avec la fin des quotas laitiers, qui « a tué le marché du reblochon ».
Certains viticulteurs redoutent également la plantation de vignes sans IG à proximité des aires classées AOP. Ils craignent un détournement de notoriété. Aucun ne veut voir arriver « de multinationale », qui viendrait ternir l'image de la région.
Les AOP essayent de se protéger contre d'éventuelles dérives. Le SRVS a, par exemple, obtenu depuis 2012 l'interdiction de mentionner les cépages locaux altesse, jacquère et mondeuse sur les étiquettes de vins sans indication géographique.
Gilbert Perrier pense en revanche « qu'il y a un marché pour les IGP ». Cette catégorie ne concerne aujourd'hui qu'une petite centaine d'hectares, mais pourrait se faire une place plus importante du fait des contraintes administratives et des coûts de production induits par l'AOP. Un viticulteur témoigne : « Les particuliers ne voient pas la différence et mes clients ne veulent pas acheter plus cher. Cette année, j'ai déclassé une partie de mes vins. »
Le Point de vue de
ET VOUS, PENSEZ-VOUS QU'IL FAUT PLANTER ?
Denis Fortin, Domaine de Rouzan, 5,75 ha, Saint-Baldoph (Savoie)
« Je me considère comme un artisan vigneron. Je ne fais pas la course à la surface. J'ai 5,75 ha de vigne. J'ai déjà des droits en portefeuille, mais je ne les utiliserai sûrement pas car cela suppose de trouver un bon terrain à proximité de mon exploitation. Or, étant en zone péri-urbaine, c'est loin d'être facile. Je possède une parcelle en IGP. Pour moi, c'est une opportunité. L'IGP n'est pas une menace pour la région si l'on propose un produit de qualité, avec une offre commerciale adaptée. »
Le Point de vue de
ET VOUS, PENSEZ-VOUS QU'IL FAUT PLANTER ?
Philippe Tiollier, Domaine de l'Idylle, 22 ha, Cruet (Savoie)
« La réforme illustre une fois de plus le repli libéraliste de nos dirigeants européens. En Savoie, la géographie et le développement de l'urbanisme limitent la croissance. La tendance est plutôt à l'arrachage-replantation, pour diminuer les coûts de production ou réimplanter de vieux cépages tels que le persan ou la mondeuse. On assiste également à un regroupement des exploitations. De mon côté, je plante en moyenne 50 ares par an. Je conserverai ce rythme après 2016. »