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Le vin entre en diplomatie

FRÉDÉRIQUE EHRHARD - La vigne - n°273 - mars 2015 - page 60

Laurent Fabius, le ministre des Affaires étrangères, veut accroître le rayonnement de la gastronomie et des vins français dans le monde. Il recommande d'amener des PME de la filière vin dans les voyages officiels du gouvernement.
L'OUVERTURE DES VOYAGES DIPLOMATIQUES aux PME du vin s'inscrit dans une volonté de Laurent Fabius (ici en dégustation avec Gérard Collomb, le maire de Lyon) de développer la diplomatie économique de la France. © J.-P. KSIAZEK/AFP PHOTO

L'OUVERTURE DES VOYAGES DIPLOMATIQUES aux PME du vin s'inscrit dans une volonté de Laurent Fabius (ici en dégustation avec Gérard Collomb, le maire de Lyon) de développer la diplomatie économique de la France. © J.-P. KSIAZEK/AFP PHOTO

À côté des PDG d'Airbus, d'Areva ou des grandes maisons de vins et spiritueux, on pourrait bientôt voir des vignerons dans les délégations officielles françaises en visite à l'étranger. Le ministère des Affaires étrangères a en effet décidé d'élargir le profil des personnes accompagnant les membres du gouvernement dans leurs déplacements.

« Nous voulons inviter des chefs cuisiniers, des vignerons ou des sommeliers pour redonner leurs lettres de noblesse à ces métiers », affirme Philippe Faure, ambassadeur de France et président délégué du Conseil de promotion du tourisme. « Ces invitations concerneront de préférence des voyages où une partie du programme porte sur la gastronomie et les vins français. Et elles s'adresseront à des entreprises, vignerons ou négociants, déjà implantées dans le pays concerné », précise Michel Durrieu, directeur du pôle tourisme au ministère des Affaires étrangères.

Pour repérer les entreprises actives à l'exportation, celui-ci compte s'appuyer sur les interprofessions, mais aussi sur les bureaux de Business France (anciennement Ubifrance) ou encore sur les attachés agricoles des ambassades de France. « Nous voulons donner un coup de pouce à des entreprises dynamiques, qui auront la capacité de tirer profit de leur participation à un voyage officiel pour accroître leurs ventes. »

Déjà, des chefs d'entreprise accompagnent les délégations gouvernementales. Ils prennent en charge leurs propres frais de déplacement et d'hébergement. Mais ils participent aux visites et aux réceptions officielles. Ils profitent du travail préparatoire des ambassades qui cherchent pour chaque voyage les bons interlocuteurs pour les entreprises invitées. « C'est l'occasion de nouer beaucoup de contacts en peu de temps, et de se constituer un bon carnet d'adresses », note Philippe Faure. « Faire partie de la délégation officielle aide à ouvrir des portes », souligne Michel Durrieu.

L'ouverture des voyages aux PME du vin s'inscrit dans la volonté de Laurent Fabius de développer la diplomatie économique de la France. Dès son arrivée à la tête du ministère des Affaires étrangères, il a regroupé tout ce qui concerne le tourisme et le commerce extérieur. Et il a donné l'instruction à tous les postes diplomatiques français de se concentrer désormais sur l'appui aux entreprises. Tous les produits sont concernés. Le message que porte Laurent Fabius est clair, « la gastronomie et l'oenologie font partie de notre identité, elles contribuent au rayonnement de notre pays, soyons-en fiers ! ».

« C'est la première fois qu'un ministre de cette stature prend position aussi fermement en faveur de notre filière », note avec satisfaction Jean-Louis Salies, président d'honneur du Cniv. Il reste à voir comment cette mesure va être mise en pratique. « Les interprofessions souhaitent travailler en concertation avec le ministère des Affaires étrangères », note-t-il.

Des vignerons à l'affût des opportunités sont déjà sur le coup. C'est le cas de Terroirs originels, une SARL qui rassemble une trentaine de producteurs du Beaujolais et du Mâconnais. « En cherchant des informations sur les restaurateurs étoilés, je suis tombé sur le site de Guy Savoy, qui fait partie du Conseil de promotion du tourisme. Il y parlait de l'opération Good France, prévue le 19 mars. J'ai demandé à Cyrielle Rizzo-Jacquet, notre chargée de relations publiques, de le contacter pour voir comment nous pouvions y participer », raconte Robert Perroud, vigneron à Odenas, dans le Rhône.

« Nous avons réussi à entrer en contact avec la personne qui organise, à Strasbourg, le repas où seront invités les ambassadeurs étrangers auprès du Conseil de l'Europe. Les vins blancs seront alsaciens, bien sûr. Mais nous avons un espoir pour nos rouges », confie Cyrielle Rizzo-Jacquet.

Terroirs originels serait aussi partante pour accompagner un voyage officiel. « Nous sommes en plein développement à l'exportation. En nous regroupant, nous avons pu prendre un commercial aux USA, qui y fait découvrir nos vins aux sommeliers et aux restaurateurs. Nous prévoyons de faire de même en Chine. Et nous sommes prêts à nous déplacer pour aller présenter nos vins. Les vignerons sont leurs meilleurs ambassadeurs. Si nous voulons développer la notoriété à l'étranger des crus du Beaujolais, c'est à nous de bouger ! », affirme Robert Perroud.

Place aux PME du vin

Le Conseil de promotion du tourisme a été créé dans la foulée des Assises du tourisme, à l'automne 2014. « Nous nous réunissons tous les mois sous la présidence de Laurent Fabius, et nous planchons sur six thèmes, dont la gastronomie et l'oenologie », explique Philippe Faré, président délégué de ce conseil. En octobre dernier, celui-ci a remis un premier rapport sur ce thème, qui comprend vingt propositions pour 2020. Parmi celles-ci, l'invitation des PME du vin aux voyages officiels, l'opération Good France, le développement de l'hébergement pour l'oenotourisme, ou encore l'organisation de journées sur l'artisanat culinaire et vigneron. La quinzième proposition recommande que « l'interprétation de la loi Évin ne soit pas plus rigoureuse que le texte ».

Goût de France / Good France

Le 19 mars, l'opération Goût de France, initiée par le restaurateur Alain Ducasse et le ministère des Affaires étrangères, va mettre un grand coup de projecteur sur notre gastronomie et nos vins. Dans 150 résidences d'ambassadeurs et 1 100 restaurants de 152 pays, des dizaines de milliers de convives vont déguster un repas à la française. Et de même, dans 200 restaurants en France. « Dans le palmarès 2014 du Worlds'50 Best Restaurants, il n'y avait que cinq établissements français. Nous devions riposter ! », affirme Philippe Faure, l'ambassadeur en charge du tourisme. Du bistrot convivial jusqu'au restaurant haut de gamme, des chefs du monde entier ont répondu à la proposition et ont été sélectionnés par un jury. Libre à eux d'exprimer ensuite leur créativité pour le menu, qui doit néanmoins reprendre les étapes du repas à la française, et y associer les vins français de leur choix. Un grand dîner est également prévu à Versailles, où le gouvernement va inviter tous les ambassadeurs étrangers en poste à Paris, et un autre à Strasbourg, avec ceux qui sont en poste auprès du Conseil de l'Europe. Avec le décalage horaire, l'événement commencera en Australie et fera le tour de la planète en 24 heures. TV5 Monde, France 24 et RFI le relayeront. Si les retombées médiatiques sont bonnes, le ministère des Affaires étrangères envisage de renouveler l'opération tous les ans. « C'est une bonne façon de fêter l'arrivée du printemps ! », note Philippe Faure.

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