« L'année 2014 a été compliquée », admet Christophe Navarre, président de la Fédération des exportateurs de vins et spiritueux et PDG de Moët Hennessy. Même s'ils ont des motifs de satisfaction, les professionnels ne se voilent pas la face. Ils constatent que la baisse structurelle des volumes échangés se poursuit.
En effet, le chiffre d'affaires des vins et spiritueux à l'exportation atteint 10,8 milliards d'euros, soit la troisième meilleure performance historique. Ce chiffre est en baisse de 2,8 %, par rapport à 2013, tout comme les volumes. Ceux-ci s'élèvent à 195 millions de caisses parties à l'export, soit la pire performance de ces quinze dernières années, après 2009. Ce retrait est la conséquence de faibles disponibilités, selon Christophe Navarre. « C'est vrai pour les vins, mais aussi pour les jeunes eaux-de-vie, précise-t-il. Les prix augmentent donc, ce qui peut fragiliser nos produits sur certains marchés. »
Les exportations de spiritueux sont très affectées par la baisse du cognac. Devancé en volume par la vodka à l'exportation (13,5 millions de caisses), il subit une baisse notable de ses ventes à l'international à 12,8 millions de caisses (soit 4,6 % de moins qu'en 2013) et y perd 7,5 % de valeur (à 2,1 millions d'euros).
Le cognac souffre avant tout d'un marché atone en Chine. La politique anti-ostentatoire menée depuis plusieurs années y sévit toujours. Le président de Hennessy tient toutefois à mettre les points sur les i : « Il faut regarder le marché chinois à long terme. Il se normalise. La montée des classes moyennes offre de bonnes perspectives d'avenir, même si elle ne compense pas encore la perte de la consommation haut de gamme des fonctionnaires. »
Les expéditions vers les États-Unis permettent par ailleurs de faire passer la pilule. Premier marché étranger pour les spiritueux français, il engloutit 13,3 millions de caisses pour près d'un milliard d'euros (971 millions), soit 30 % de la valeur des spiritueux français exportés. Mais Christophe Navarre insiste sur un point : « Les eaux-de-vie jeunes sont très dynamiques aux États-Unis. Un manque de produit serait préjudiciable à ce marché. »
Les petites récoltes, c'est ce qui inquiète en premier lieu la Bourgogne. Si la baisse du chiffre d'affaires à l'exportation est contenue pour le vignoble (710 millions d'euros, soit seulement 1 % de moins qu'en 2013), la brutale chute des expéditions interroge. « Nous avons subi une forte baisse des volumes, de l'ordre de 13 % en 2014, s'inquiète Louis-Fabrice Latour, de la maison du même nom, basée à Beaune, en Côte-d'Or. Cette situation s'explique par une accumulation de petites récoltes, qui a pour conséquence d'augmenter les prix. Le bourgogne devient un peu cher, d'où la réticence de certains marchés. »
Le vignoble signe tout de même une belle année au Japon, indique Louis-Fabrice Latour. Ce dernier insiste sur ce qui a cruellement manqué à la Bourgogne ces derniers temps : des disponibilités. « 2014 a été une très belle récolte, admet-il. Mais il en faut deux pour un retour à la normale. Nous avons fait la moitié du chemin. »
À Bordeaux, le plus gros marché d'appellation à l'export, la situation n'est pas plus encourageante. Pourtant, « elle est meilleure que les chiffres laissent paraître », assure Georges Haushalter, président du Syndicat des négociants de Bordeaux. Ces chiffres sont clairement orientés à la baisse. La région a expédié 23 millions de caisses de vin en 2014 pour 1,7 milliards d'euros, soit respectivement - 9,5 et - 17 % par rapport à 2013. Cette chute est due pour une grande part à la baisse du marché chinois.
Les exportations vers ce pays paient toujours le prix d'un « effet de stockage. Dans le passé, beaucoup d'opérateurs se sont intéressés au marché des vins de Bordeaux et ont acheté des grands crus sans réseau de distribution, déclare Georges Haushalter. Une partie de ces stocks existe toujours. Leurs propriétaires ne sont pas forcément pressés de les vendre. Ils n'ont pas de difficultés économiques et ont souvent des activités lucratives par ailleurs. Beaucoup cherchent des solutions pour valoriser ces stocks. D'autres nous assurent : « On les boira ! ».
Bordeaux devra donc attendre que ces volumes s'écoulent. Mais la situation n'est pas dramatique pour Georges Haushalter. « La Chine reste un marché d'avenir pour le Bordelais. » Le vignoble se console d'ailleurs par de bonnes performances en Europe, surtout en Allemagne, où les volumes expédiés ont augmenté de 8 % en 2014 par rapport à 2013 pour des valeurs en hausse de 16 %.
Bonne nouvelle aussi en Champagne a réalisé une très belle année 2014 en expédiant 11,5 millions de caisses (5,2 % de plus qu'en 2013) et surtout en valorisant ses produits à 2,4 milliards d'euros, soit une hausse de 7,8 %. La région représente à elle seule 32 % de la valeur des vins exportés.
Au sud, le Languedoc-Roussillon a également à son actif de belles performances à l'étranger. Le vignoble a envoyé 6,2 millions de caisses (+3,9 %) de vins en AOP et 27,7 millions d'IGP Oc (+6,8 %) pour des valeurs en hausse de 10,4 % en AOP (à 177,5 millions d'euros) et de 8,7 % en IGP Oc (527 millions d'euros).
Mais pour Antoine Leccia, du négociant héraultais AdVini, de telles performances cachent mal un manque criant de vins : « En Languedoc, la production a été faible et nous étions plutôt inquiets de la hausse de prix qu'elle a engendrée. Les vins du Languedoc ont bien tenu, mais les disponibilités restent limitées. Il faut encourager à planter. » Le but affiché est de ne pas perdre des marchés face à une concurrence toujours plus rude.
Des droits de douane pénalisants
« Nos concurrents ont conclu des accords leur permettant de supporter moins de taxes à l'entrée sur le territoire de certains pays », observe Nicolas Ozanam, délégué général de la FEVS.
Ainsi, en 2015, les vins chiliens ne sont plus taxés en Chine alors que les vins tranquilles français doivent supporter des droits de douane de l'ordre de 14 %. Pire, en Thaïlande, les vins chiliens et australiens bénéficient d'accords qui les exonèrent dès cette année alors que les vins français sont taxés à hauteur de 54 %, et à 60 % pour les spiritueux. Il appartient à l'Union européenne de négocier des accords et la filière souhaite ardemment accélérer dans ce domaine pour faire tomber les barrières douanières qui pénalisent la compétitivité des vins français à l'exportation.