L'an passé, Bayer a introduit une véritable innovation dans la lutte contre l'oïdium avec Luna Xtend/Luna Sensation (250 g/l de fluopyram et 250 g/l de trifloxystrobine). En effet, ce produit persiste 21 jours lorsqu'il est appliqué à pleine dose, quelle que soit la pression d'oïdium. C'est le seul dans ce cas. Avoir un anti-oïdium efficace pendant trois semaines, c'est bien. Mais qu'en est-il des antimildious ? En effet, les viticulteurs associant les deux traitements, il est important d'avoir des antimildious de la même rémanence.
Regroupant seize négociants en produits phyto dans le Languedoc, en Paca et dans la vallée du Rhône, AgroSud en a cherché un. Depuis deux ans, il teste les limites du Profiler de Bayer (66,7 % de fosétyl et 4,4 % de fluopicolide). « Dans notre contexte de pression de mildiou modérée, à pleine dose et à 21 jours, ce produit a eu la même efficacité que la référence à 14 jours », note Geoffrey Hamain, responsable du service technique d'AgroSud.
Dans certaines conditions. Au vu de ces résultats, plusieurs distributeurs du réseau ont proposé une stratégie de protection antimildiou et antioïdium à 21 jours à certains de leurs clients, l'an dernier. C'est le cas de PCEB, un négociant basé à Carcassonne (Aude). Mais cette stratégie n'est possible que dans certaines conditions. Le viticulteur doit assurer une qualité de pulvérisation optimale et régler son appareil en début de campagne. Il doit également démarrer très tôt la protection contre l'oïdium : dès le stade 2 à 3 feuilles étalées sur les cépages sensibles (carignan...) et 3 à 4 feuilles étalées pour les autres cépages, compte tenu des très fortes pressions de ces dernières années. Autre condition : bien surveiller les vignes.
PCEB a recommandé les produits à 21 jours lors du troisième traitement, juste avant la floraison. À savoir : Luna Xtend à pleine dose associé à Profiler à pleine dose aussi. Lors du quatrième traitement, il a recommandé un antimildiou et un antioïdium à 14 jours appartenant à des familles chimiques différentes. Puis, pour le cinquième traitement, il a de nouveau conseillé une stratégie à 21 jours à ses clients tentés par l'aventure. Cette fois avec Luna Xtend à pleine dose, associé à un antimildiou au choix des viticulteurs. « À cette période, le mildiou est généralement bien maîtrisé », indique Jacques Chassaigne
Finalement, chez PCEB, près de 4 000 ha sur les 20 000 que couvre le distributeur ont reçu du Luna Xtend en 2014. Les résultats sont encourageants. La pression de l'oïdium a été de moyenne à forte. Celle du mildiou, de faible à moyenne. « Dans ces conditions, on n'a pas eu besoin de raccourcir les délais de renouvellement et les produits ont bien tenu 21 jours. Et, au final, l'efficacité a été au moins égale à celle des stratégies conventionnelles. » Les viticulteurs qui ont fait les deux applications à 21 jours ont ainsi économisé un passage.
Une surveillance étroite. Cependant, le distributeur reste prudent. « Luna Xtend a fait ses preuves contre l'oïdium. Mais on prend un risque vis-à-vis du mildiou entre le 14e et le 21e jour. Or, ce risque, il faut le mesurer. Pour ça, nous travaillons avec les modèles Positif et Movida. Et nous suivons les vignes de nos clients. Si le risque de mildiou est élevé et que des pluies sont annoncées entre le 14e et le 21e jour, on leur demandera de renouveler le traitement avant la pluie. »
Les Établissements Touchat, à Mauguio (Hérault), ont également testé la stratégie à 21 jours chez trois viticulteurs. Là encore, le préalable était qu'ils maîtrisent la pulvérisation, démarrent tôt les traitements, dès 3 à 4 feuilles étalées, et assurent un suivi rigoureux des vignes. « Nous avons obtenu des résultats intéressants. Et nous la proposerons à plus grande échelle en 2015 », indique Thierry Bonnaric, le directeur.
Dans le Bordelais, où la pression de mildiou est plus forte que dans le Midi, les distributeurs sont plus prudents. « Nous avons référencé Luna Xtend en encadrement de floraison mais nous avons conseillé de le renouveler au bout de 14 jours. Chez nous, la cadence des antimildious régit celle des anti-oïdiums. Et, même si des antimildious tiennent 21 jours dans des parcelles d'essai, nous n'avons pas voulu prendre le risque, car nous avons des pressions de la maladie très élevées. Nous attendons un antimildiou qui sera vraiment homologué avec un délai de renouvellement à 21 jours. Là, ce sera une révolution », indique Emmanuel Brosse, responsable technique de Raisonnance, la filiale de conseil et de service du Groupe Isidore qui couvre les vignobles de Cognac, Bordeaux et Bergerac. La stratégie à 21 jours est également difficile à mettre en oeuvre dans les zones à forte pression de black-rot. En effet, si Luna Xtend est homologué contre cette maladie, il n'assure cependant une protection que durant 14 jours.
Le Point de vue de
CHRISTIAN PELFORT, VITICULTEUR À AZILLE (AUDE), 13 HA DE VIGNES
« Des raisins impeccables à la vendange »
« Deux de mes parcelles de chardonnay, représentant 5 ha, sont situées en bord de rivière. Elles sont extrêmement sensibles à l'oïdium et au mildiou. Le technicien de PCEB les a donc sélectionnées pour tester la stratégie à 21 jours. Il y a trois ans, je me suis équipé d'un pulvérisateur Caffini de 1 000 litres à jets portés qui me permet de traiter en face par face. Il assure une très bonne qualité de pulvérisation, un préalable indispensable pour mettre en place la stratégie à 21 jours. J'ai démarré mon programme de traitement le 30 avril (premières feuilles étalées) avec un Mikal à 2,5 kg/ha et un Hoggar à 0,6 l/ha. J'ai continué le 13 mai avec un Mikal à 3 kg/ha et un Abilis à 0,25 l. Puis le 26 mai au stade H (boutons floraux séparés), j'ai démarré la stratégie à 21 jours en appliquant un Profiler à 3 kg/ha et un Luna Xtend à 0,2 kg/ha. Ces deux produits ont vraiment tenu 21 jours et je ne suis réintervenu que le 17 juin avec Acrobat à 2,5 kg/ha et Vivando 0,2 l/ha. Le 2 juillet, j'ai à nouveau appliqué Sygan associé à Luna Xtend à 0,2 l/ha. Là encore, ces deux traitements ont tenu les 21 jours. J'ai refait un passage le 24 juillet avec un Cuproxat à 3,95 l/ha et un Késys à 0,25 l/ha, car il ne fallait pas baisser la garde. Au final, j'ai fait six passages et gagné un traitement. Ces parcelles ont fait l'objet d'un suivi très rigoureux par le technicien de PCEB, Bayer et moi-même. Elles ont ainsi été visitées au moins deux fois par semaine. À la vendange, les raisins étaient impeccables, sans trace de mildiou, ni d'oïdium. Ce n'était pas le cas en 2013, où mes vignes avaient été très contaminées par l'oïdium. Certes, en 2014, la pression d'oïdium a été modérée. Et ce n'était pas non plus une année à mildiou. Cette campagne, je vais donc renouveler l'expérience et appliquer la stratégie à 21 jours sur l'ensemble de mon vignoble. Cela me permettra d'avoir plus de recul. »
Le Point de vue de
DAVID RATIGNIER, VITICULTEUR À SAINT-ÉTIENNE-LA VARENNE (RHÔNE), 32 HA DE VIGNES
« Je suis allé jusqu'au bout de la rémanence »
« L'an passé, j'ai intégré à mon programme, un traitement à base de Luna Sensation associé à l'antimildiou Tébaïde, tous deux à pleine dose. J'ai réalisé cette application le 30 mai, au moment de la floraison. Quinze jours avant, j'avais effectué un traitement à base de soufre associé à un cymoxanil + mancozèbe. J'ai choisi d'appliquer la stratégie à 21 jours fin mai-début juin car, le temps étant très sec, le risque de mildiou était faible. Et, le modèle m'indiquait que l'Épi n'allait pas bouger les huit jours suivant. C'était donc le bon moment. Huit à 10 jours après l'application, j'ai à nouveau regardé attentivement le modèle et les prévisions météo. Là encore, tout indiquait un risque mildiou faible. Je suis donc allé au bout de la rémanence avant de renouveler le traitement avec un IBS associé à un diméthomorphe au bout de 21 jours sur les premières parcelles et 23 jours sur les dernières. À partir de là, le temps a commencé à se dégrader et j'ai eu peur que des attaques d'oïdium apparaissent dans mes chardonnays. J'ai donc fait des observations dans ces parcelles deux fois par semaine tout en poursuivant la protection avec des produits haut de gamme (spiroxamine, ametoctradine...) et des cadences classiques. Et, pour assurer l'efficacité des traitements dans les vignes à forte végétation, je suis passé en application localisée sur les grappes avec une rampe AB Most. Dans les rouges, j'ai continué d'utiliser mon pulvérisateur Berthoud à canon oscillant qui, il faut le reconnaître, n'est pas le meilleur en qualité de pulvérisation. En tout, j'ai fait cinq passages anti-oïdium dans les rouges. Dans les blancs, j'en ai fait un de plus. La pression de la maladie a été modérée mais on a pu voir des sorties importantes dans certains secteurs du vignoble. À ma grande surprise, je n'ai trouvé aucun symptôme dans mes vignes. Je vais donc réitérer cette stratégie lors de cette campagne, si la météo le permet. »