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VIN

Smart Oak révolutionne le boisage alternatif

MARION BAZIREAU - La vigne - n°274 - avril 2015 - page 56

Cet appareil boise le vin en quelques jours et permet une meilleure réactivité face aux acheteurs. Les premiers utilisateurs décrivent un boisage précis et fondu, obtenu avec moins de manutentions au chai.
STÉPHANE POUYET (à gauche), directeur de la coopérative de Cuxac-d'Aude, et son caviste, Roland Schiarante, dégustent un chardonnay en cours de boisage. © M. BAZIREAU

STÉPHANE POUYET (à gauche), directeur de la coopérative de Cuxac-d'Aude, et son caviste, Roland Schiarante, dégustent un chardonnay en cours de boisage. © M. BAZIREAU

Boiser son vin en quelques jours avec des copeaux, staves ou oenoblocks, c'est le défi relevé par le Smart Oak. Pour y parvenir, les créateurs de la machine, Olivier Zébic (Inozy) et Bruno Kessler (Œnovia), se sont inspirés du thé. Olivier Zébic s'explique : « L'infusion est plus rapide si on remue le sachet de thé. Selon un principe similaire, avec le Smart Oak, le vin à boiser circule dans une cuve tampon contenant des sacs de copeaux, des staves ou des oenoblocks, pour les lessiver. »

D'après Bruno Kessler, « nos clients parviennent ainsi à un boisage en 5 à 10 jours avec des copeaux, contre 2 à 4 mois traditionnellement. Avec des oenoblocks ou des staves, 17 à 23 jours sont nécessaires, contre 4 à 5 mois en temps normal ».

Concrètement, le Smart Oak se positionne entre la cuve à boiser et la cuve tampon. Cette cuve d'une capacité de 10 hl peut contenir jusqu'à 150 kg de copeaux. Si l'on souhaite boiser à 1,5 g/l, on peut donc traiter jusqu'à 1 000 hl.

Au début d'un cycle, la machine pompe du vin de la cuve à boiser et l'envoie dans la cuve tampon. Grâce à des capteurs cachés sous son capot, le Smart Oak calcule l'impédance du vin. Cette signature électrique évolue selon le boisage. Lorsqu'elle se stabilise, c'est le signe que le boisage n'évolue plus. Il est alors temps pour la pompe de s'activer et de faire circuler le vin en circuit fermé entre le Smart Oak et la cuve tampon, histoire de bien lessiver les copeaux. Puis, lorsque cette impédance n'évolue plus malgré ce brassage, l'appareil renvoie le vin boisé dans la cuve d'élevage et y prélève un nouveau volume de vin à traiter.

À l'arrière du Smart Oak, un piquage à l'azote inerte en permanence le circuit. La cuve tampon, hermétique, résiste aux légers changements de pression induits par ces injections d'azote. Ce genre de cuve n'existant pas dans l'industrie du vin, Olivier Zébic est allé la chercher dans le monde de la parfumerie. Comme l'azote ne peut pas s'en échapper, il reste dissous. Mais lorsque le vin retourne dans la cuve d'élevage, il se dégaze, entraînant l'oxygène éventuellement dissous dans le vin et, surtout, inertant le creux qui apparaît après chaque prélèvement de vin par le Smart Oak.

Une réactivité inégalée. L'ordinateur embarqué du Smart Oak propose trois programmes : court (3-5 jours), classique (6-8 jours) ou intense (9-12 jours). Stéphane Pouyet, directeur de la coopérative de Cuxac-d'Aude (Aude), utilise le programme court et boise à 1 g/l de vin. Avec ses cavistes, il déguste régulièrement la cuve d'élevage afin de décider du bon moment pour arrêter le Smart Oak. « Généralement, un cycle suffit, mais il nous est arrivé de relancer la machine pour un jour ou deux. Nous traitons ainsi des lots de 350 hl en 5 à 8 jours, ce qui nous permet d'être extrêmement réactifs face à nos acheteurs, en boisant à la demande. » Le Smart Oak lui permet en outre de « caler des recettes », parfaitement reproductibles sur un même millésime.

Jean-Charles Terencio, maître de chai chez le négociant Grand Sud Vins, à Sète (Hérault), peut lui aussi répondre très précisément aux demandes des clients. « Il nous est arrivé d'arrêter un cycle de boisage pour envoyer un échantillon au client. En 4 heures nous avions son retour. Il souhaitait davantage de bois. Nous avons donc relancé le programme. » Il apprécie également la facilité d'utilisation du Smart Oak, même si la manutention de la cuve tampon peut encore être améliorée (voir encadré).

Un boisage plus fondu. Autre bonne surprise pour les premiers utilisateurs du Smart Oak, la qualité du boisage. Celui-ci se révèle plus fondu, plus fin et moins agressif. Si aucune explication scientifique ne peut encore être donnée à ce phénomène, Bruno Kessler y voit néanmoins deux raisons : la rapidité du boisage et l'inertage du circuit. « Lors d'un boisage statique, le bois réagit comme une éponge. Il cède ses composés avant de les réabsorber. Cette réabsorption n'a pas lieu avec le Smart Oak, le vin fraîchement boisé étant tout de suite renvoyé dans la cuve d'élevage. De plus, les composés du bois ne se fixent pas sur les lies, puisqu'il n'y en a pas dans la cuve tampon. Et surtout, tout se déroule dans des conditions réductrices. »

À ce sujet, Oliver Zébic précise que « le Smart Oak conduit à un boisage réducteur, plus frais et sans notes oxydatives » et aussi que « on ne retrouve jamais le goût de planche que l'on constate souvent en cours d'élevage avec les boisages traditionnels ».

Enfin, Stéphane Pouyet a observé que pour une même intensité de boisage, la machine lui permettait de diviser par deux les quantités de copeaux utilisées pour les vins blancs et d'en gagner un tiers pour les vins rouges. Depuis août 2014, la coopérative a déjà boisé près de 9 000 hl de vins de cépage, soit un dixième de sa production annuelle.

Le Smart Oak semble être promis à un bel avenir, même si on l'imagine mal entrer dans tous les chais, tant cette innovation est loin des codes traditionnels du boisage.

Peu de manipulations

Pour lancer un boisage, il suffit de brancher le Smart Oak à une prise électrique, de le raccorder à la cuve à boiser et à la cuve tampon, de connecter la bouteille d'azote à l'arrière, d'indiquer le volume de vin à boiser, le programme désiré - court, classique ou intense - et d'appuyer sur « marche ».

La machine démarre et indique une durée approximative jusqu'à la fin du boisage. Elle peut travailler de jour comme de nuit. Lorsque l'opérateur décide d'arrêter le boisage, la vidange du circuit se met en route, le vin présent dans la cuve tampon est renvoyé dans la cuve d'origine et, une fois les copeaux retirés, un prénettoyage à l'eau peut être réalisé en circuit fermé entre le Smart Oak et la cuve tampon. Ce nettoyage est d'autant plus facile qu'il n'y a pas de lies dans la cuve tampon, car elles n'ont pas le temps de se déposer du fait du mouvement du vin. Restera ensuite au caviste à nettoyer la cuve tampon plus en profondeur. Quant à la cuve d'élevage, comme elle ne comprend pas de copeaux, elle se nettoie elle aussi plus facilement que lors d'un boisage traditionnel.

Jean-Charles Terencio, maître de chai à Grand Sud Vins, à Sète (Hérault), apprécie ce confort. Néanmoins, il pense que la manutention pourrait encore être facilitée. « On pourrait imaginer une trappe autovidante en bas de la cuve tampon pour retirer plus aisément les sacs de copeaux. » D'autres ont trouvé la parade. C'est le cas de la coopérative de Cuxac où les cavistes se sont équipés d'une sorte de fourche pour attraper les sacs. Ils aimeraient des roulettes pour déplacer la cuve tampon.

Un démarrage en trombe

Olivier Zébic ne s'attendait pas à un tel accueil. Gérant d'Inozy, jeune société montpelliéraine qui fabrique et commercialise le Smart Oak, il en a déjà écoulé une dizaine depuis l'été dernier. Une nouvelle série de 25 machines, qui devrait embarquer des nouveautés, est en cours de production et sera disponible en mai. À l'heure actuelle, le Smart Oak a séduit des grosses caves, coopératives et négoces, et quelques châteaux bordelais. Mais, compte tenu des services rendus et de son prix, 16 400 € pour l'automate et 2 500 € pour la cuve tampon, il pourrait tenter les structures de taille plus modeste.

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