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« Il faut être hyper réactif »

MICHÈLE TRÉVOUX - La vigne - n°276 - juin 2015 - page 58

CYRILLE SANCHEZ fait la tournée des brasseries et des restaurants nîmois en prévision de la Feria de Nîmes. Ces commerçants courant toujours après le temps, l'attaché commercial de la cave Les Collines du Bourdic sait aller droit au but.
COMMERCIAL À LA CAVE COOPÉRATIVE de Bourdic, dans le Gard, Cyrille Sanchez se lance dans ses tournées les plus importantes à l'approche de la Feria de Nîmes.  J. GOLDSTEIN

COMMERCIAL À LA CAVE COOPÉRATIVE de Bourdic, dans le Gard, Cyrille Sanchez se lance dans ses tournées les plus importantes à l'approche de la Feria de Nîmes. J. GOLDSTEIN

AU BISTRONOME, Cyrille Sanchez (à droite) profite de son passage pour présenter à Guillaume, en charge du vin, la nouvelle étiquette du rosé Éclat de gris.  J. GOLDSTEIN

AU BISTRONOME, Cyrille Sanchez (à droite) profite de son passage pour présenter à Guillaume, en charge du vin, la nouvelle étiquette du rosé Éclat de gris. J. GOLDSTEIN

EXCENTRÉ, et donc peut touché par la Feria, le Bistronome, passe rapidement sa commande.  J. GOLDSTEIN

EXCENTRÉ, et donc peut touché par la Feria, le Bistronome, passe rapidement sa commande. J. GOLDSTEIN

Le commercial poursuit donc la tournée de ses clients à bord de sa voiture, remplie d'échantillons pour la dégustation. J. GOLDSTEIN

Le commercial poursuit donc la tournée de ses clients à bord de sa voiture, remplie d'échantillons pour la dégustation. J. GOLDSTEIN

RENCONTRE AVEC JEAN-CLAUDE THEULON (À DROITE), le patron du Gambrinus, une brasserie traditionnelle du centre-ville, qui passe sa commande pour la Feria. © J. GOLDSTEIN

RENCONTRE AVEC JEAN-CLAUDE THEULON (À DROITE), le patron du Gambrinus, une brasserie traditionnelle du centre-ville, qui passe sa commande pour la Feria. © J. GOLDSTEIN

C'est par une journée quasiment estivale, ce jeudi 7 mai à 9 heures, que Cyrille Sanchez, commercial à la cave coopérative de Bourdic, dans le Gard, démarre sa première tournée de préparation de la Feria de Nîmes. À la fin du mois, la ville va accueillir près d'un million de visiteurs pendant cinq jours de festivités durant lesquels le vin sera servi en abondance. Une manne pour les bars et restaurants de la capitale gardoise, et un événement que tous leurs fournisseurs doivent préparer.

« J'attaque ma plus grosse période de l'année, confirme le commercial. Ça commence par la Feria puis on enchaîne avec l'ouverture de la saison estivale. » Lunettes de soleil, jean et polo noir, Cyrille arbore déjà une tenue de style « feria » quand il se gare devant le Bistronome. Une brasserie idéalement située dans la zone commerciale Ville active, qui draine une clientèle de commerçants, d'assureurs, de banquiers et les équipes médicales de la clinique toute proche. À cette heure matinale, la salle du restaurant est quasiment déserte. L'un des associés est en cuisine, l'autre sur le départ pour faire les courses. L'accueil est chaleureux. « Ce sont des copains, je les connais depuis mes 16 ans. On jouait au foot ensemble », confie Cyrille, Nîmois d'origine, qui tire parti de son impressionnant réseau relationnel.

Le Bistronome n'est ouvert qu'à midi du lundi au samedi. Il sert 80 couverts par jour. Les deux associés sont amateurs de vins et proposent une jolie carte d'une vingtaine de références de vins régionaux, dont deux de la cave de Bourdic. Ils ont habilement mis les plus belles bouteilles en valeur dans une cave à vins avec vitrine, en face du comptoir. À l'heure du déjeuner, un diaporama présente brièvement les différents vins de la carte. « Nous expliquons ce qu'ils sentent, ce qu'on ressent en bouche et proposons un accord mets et vin », détaille Guillaume, l'un des associés.

Guillaume, qui connaît les produits et les tarifs de la cave de Bourdic, passe sa commande rapidement : ce sera 120 cols de chardonnay Héritage pour une livraison le mardi suivant. « En ce moment, nous servons surtout des blancs et des rosés », précise-t-il. Dans cette zone commerciale excentrée, l'impact de la Feria est minime. La commande du Bistronome reste dans les volumes habituels.

Cyrille profite de son passage pour présenter la nouvelle étiquette du magnum de rosé Éclat de gris. « Superbe ! On peut l'avoir sur les bouteilles de 75 cl ? » « Ce sera l'an prochain car il faut qu'on écoule le stock », confesse Cyrille, qui laisse un échantillon de cette cuvée « qu'ils pourront déguster quand ils auront un moment tranquille », nous explique-t-il en partant. Le rendez-vous n'a pas duré plus vingt minutes !

Retour à la voiture, dont le coffre est rempli d'échantillons. Direction le centre-ville pour la suite de la tournée. « Je ne fixe jamais de rendez-vous. Je préviens juste si je prévois de passer dans la matinée ou l'après-midi. Il faut savoir s'adapter et ne pas craindre de repasser quand le client s'est absenté », prévient Cyrille.

La prochaine étape est la maison Zahard, une institution nîmoise qui gère deux établissements sur le cours Jean-Jaurès : une épicerie-traiteur avec cave à vins et une pizzeria. Durant la Feria, les patrons montent un chapiteau devant l'épicerie et servent 350 repas par jour, sans compter 100 à 200 plats à emporter. À 10 heures, la boutique est déjà pleine. Cinq à six habitués patientent alors qu'un livreur de viande, carcasse sur le dos, slalome entre les clients pour rejoindre la chambre froide.

Au milieu de cette ruche, Jean-Luc Rohard et son fils Alexandre prennent quelques minutes pour passer leur commande de vins. « Je vous ai ressorti l'historique. Vous savez ce que vous voulez ? », lance Cyrille, la commande de l'an dernier en main. « On fait pareil, sauf pour les magnums, il m'en reste », décide Alexandre. Pour la Feria, Jean-Luc Rohard a surtout besoin de bib, des vins qu'il sert ensuite en carafe. Là encore, ni dégustation, ni négociation. « Nous, on aime travailler en confiance. S'il y a un souci, on s'appelle et on mange ensemble », glisse le patron.

Cyrille présente la nouvelle campagne de publicité que la cave a prévu de mener pendant la Feria : 20 affiches « Olé Rosé », au format 4 x 3, qui mettent en scène une bouteille de rosé Grenandise dans l'ambiance de la fête, ainsi que le matériel de PLV pour la décoration des bodegas. « C'est bien. C'est sympa », commente le commerçant. « Livraison des vins la semaine prochaine et de la PLV le mercredi précédant l'ouverture de la Feria », promet Cyrille. « Parfait », opine le patron. Là encore, la visite n'a pas excédé le quart d'heure.

Nouvel arrêt à quelques centaines de mètres, à la pizzeria Le Micocoulier. La patronne, Coralie, est la compagne d'un ex-torero. Durant la Feria, elle ouvre, en plus de son restaurant, une bodega près des arènes, qui fait souvent salle comble. Hors festivités, la pizzeria achète la gamme classique de Bourdic en bib, mais pour la Feria, le choix des vins n'est pas arrêté.

« On a dégusté vos échantillons de rouge et de rosé et on les a trouvés un peu trop secs », lance de la cuisine, les mains dans la farine, la maman de Coralie. « Alors, il vous faut goûter notre rosé Grenandise, qui est beaucoup plus rond, et, en termes de prix, à peine plus cher. Pour une commande de deux palettes, je peux faire un effort », réplique Cyrille, sans se départir. « Est-il beaucoup diffusé dans les autres bodegas ? », s'inquiète la patronne. Le commercial de Bourdic la rassure, indiquant qu'une seule autre bodega le proposera. « Vous ne l'avez pas en capsule à vis ? demande Coralie. Pendant la Feria, c'est beaucoup plus facile à ouvrir. » Cyrille explique que cette cuvée n'existe qu'en bouchon plastique, un bouchon vert pomme qui a contribué au succès de ce rosé au packaging décalé.

Aller-retour éclair à la voiture pour ramener des échantillons du rosé Grenandise et d'un autre rouge. D'ores et déjà, Coralie ajoute le Grenandise rosé en bib à sa commande pour la pizzeria. Pour les achats relatifs à la Feria, Cyrille repassera après la dégustation des échantillons. Avant de partir, il vérifie si la dernière facture a bien été payée. « C'est bon, tout a été réglé », lâche-t-il juste avant de prendre congé.

« C'est un point très important : à chaque nouvelle commande, je vérifie que la précédente a bien été payée. Il faut être très vigilant car la restauration est un secteur qui souffre. En dix ans, j'ai perdu la moitié de mes clients. Dans le centre-ville de Nîmes, les fermetures sont légion », précise l'attaché commercial.

Prochaine destination : la brasserie Le Printemps située à deux pas des arènes. Là aussi, l'entreprise est familiale, avec le frère qui s'occupe du bar et de la salle et la soeur, des fourneaux. La famille Gomez est acquise à la cause de Bourdic : ils n'ont que des vins de Bourdic à leur carte, à l'exception d'un costières-de-nîmes. Jean-Philippe, le frère, est un convaincu : « Ces vins offrent un bon rapport qualité/prix », reconnaît-il. Il apprécie également la réactivité de l'ensemble de l'équipe. « Quand nous avons besoin d'être dépannés, la cave trouve toujours une solution. »

Pendant la Feria, Le Printemps sert 160 couverts par jour. « Une bonne Feria, c'est l'équivalent d'un mois et demi de travail », confie Jean-Philippe. L'effectif de la brasserie passe de 4 à 14 personnes pendant les cinq jours. L'établissement propose une carte des vins réduite, les bib représentant l'essentiel des volumes. « Les marges se font sur les bib que je sers en carafe ou au verre. C'est un conditionnement très pratique dans lequel Bourdic propose de belles qualités », précise Jean-Philippe. Pour l'édition 2015, le restaurateur se cale sur les volumes écoulés l'année passée : deux tiers en bouteilles, un tiers en bib ; la moitié en rosé, l'autre en rouge et blanc.

Retour à pied sur le cours Jean-Jaurès pour rendre visite à un autre client de poids : le Gambrinus, une brasserie traditionnelle qui sert une clientèle d'habitués. « Trop tard, annonce le patron. Il est 14 h 30, je vais déjeuner. » Cyrille ne se laisse pas démonter et sort l'historique des commandes de l'an dernier en promettant de faire vite. La négociation s'engage. « C'est comme d'habitude : trois cartons achetés, cinq gratuits ? », attaque le patron, goguenard. Cyrille répond en proposant des ice-bags et des tabliers aux couleurs de Bourdic. « Des magnums, vous en voulez ? » « Je n'ai pas la clientèle pour, assure le patron. « Mais si ! On les proposera aux grandes tables », le contredit son neveu.

Au final, sur l'ensemble des références, la commande est supérieure à l'an dernier, et Cyrille a réussi à introduire ses magnums, en en offrant un pour douze achetés. À la demande de ses clients, il offre également un carton de rosé. « Quand la commande est passée, il faut vite partir pour éviter de se faire tordre ! », plaisante le commercial.

La tournée se poursuit avec trois autres visites : Pantel, autre institution nîmoise, qui n'est pas encore cliente mais souhaite le devenir, Vatel Gourmet qui vient d'ouvrir un espace de restauration en plein coeur de la ville, et Le Pian, un caviste et bar à vins très coté, qui affiche complet tous les week-ends.

Bilan de la journée : des commandes fermes pour 900 cols de 75 cl et une palette de bib. Dès lundi, Cyrille transmettra tous les ordres au service de livraison, qui effectuera sa tournée dès mardi. Cyrille visitera à nouveau tous ces clients dans une quinzaine de jours. « La restauration est un secteur très concurrentiel. Il faut tout le temps être sur le terrain pour préserver ses positions. Si je ne passe pas régulièrement, mes clients seront tentés de tester les vins d'un autre producteur. J'ai des clients fiables qui apprécient nos vins et nos services. Je tiens à les conserver ».

Bourdic en chiffres

La cave des Collines du Bourdic a démarré sa première mise en bouteille en 1985. Trente ans plus tard, elle commercialise 1,1 million de cols et 120 000 bib, dont 17 % de ces volumes en CHR. Même si cette part est faible, la coopérative y tient. La présence en CHR lui sert de vitrine et dope ses ventes au caveau et chez les détaillants. L'offre de la cave comprend 26 références en bouteilles de 75 cl et 10 en bib. Ses ventes conditionnées atteignent 20 000 hl pour une production annuelle de 120 000 hl. Cyrille Sanchez, en charge du secteur traditionnel pour toute la France, traite en direct avec la restauration locale (Nîmes et ses environs, Uzès, les plages). Pour le reste de la France, il passe par des grossistes ou de gros cavistes qui livrent les restaurants. Il gère un fichier clients de 300 personnes dont une quarantaine sur la région nîmoise.

SIX QUALITÉS POUR VENDRE AUPRÈS DES CAFÉS, HÔTELS ET RESTAURANTS (CHR)

- Savoir s'adapter : les restaurateurs sont peu disponibles. Pour faire affaire avec eux, il faut s'adapter à leurs horaires. « Certaines semaines, je fais trois fois le tour de Nîmes avant d'arriver à voir un de mes clients », explique Cyrille Sanchez.

- Être réactif : « Les CHR minimisent leurs stocks. Quand un groupe de 120 personnes s'annonce à la dernière minute, il faut pouvoir les dépanner en urgence. Nous offrons cette souplesse car nous disposons de notre propre service de livraison. »

- Les laisser déguster tranquillement : « Il est rare que je puisse déguster avec mes clients. La plupart du temps, je leur laisse des échantillons qu'ils peuvent goûter tranquillement quand ils ont un moment. »

- Savoir dire non : « C'est toujours compliqué car le client est roi, mais il faut se fixer des limites dans une négociation. Cela vaut pour les prix et pour les services qu'on peut offrir. Nous refusons de reprendre les invendus après la Feria ou encore de livrer pendant les cinq jours de festivités car la ville est alors inaccessible. »

- Savoir se remettre en question : « Il faut être à l'écoute de ses clients et savoir se remettre en question. C'est ce que nous avons fait en 2013 quand nous avons lancé Éclat de gris, un rosé très pâle en complément de notre Grenandise. Réservé à la restauration, c'est un produit qui plaît aux établissements qui refusent de mettre à leur carte des vins vendus en grande distribution. »

- S'appuyer sur un réseau relationnel : outre son propre réseau, Cyrille s'appuie sur celui des 108 coopérateurs, toujours prêts à vanter les produits de la cave. « Quand je suis introduit dans un établissement pas un coopérateur, je n'ai aucun souci de vente. Et je sais que nous serons payés ! »

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