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L'École de la vigne

COLETTE GOINÈRE - La vigne - n°276 - juin 2015 - page 73

Cinq châteaux du Médoc ont lancé l'École de la vigne. Ils forment de futurs ouvriers sous la responsabilité d'un tuteur. C'est ainsi que Pauline Bahain a pris Émilie Penaranda sous son aile. Reportage.
PAULINE BAHAIN (à gauche) accompagne Émilie Penaranda tout au long de sa formation.

PAULINE BAHAIN (à gauche) accompagne Émilie Penaranda tout au long de sa formation.

« Je suis engagée à fond. » Voix chaleureuse, sourire rassurant, Pauline Bahain, 32 ans, joue pleinement son rôle de tutrice. Cette assistante maître de chai au château Beaumont, cru bourgeois du Haut-Médoc, à Cussac-Fort-Médoc, en Gironde, a pris Émilie Penaranda sous son aile. Elle accompagnera la stagiaire durant le temps de sa formation.

Tout démarre en 2014. Confrontés à la difficulté récurrente de trouver des candidats motivés pour les métiers de la vigne, cinq châteaux du Médoc concoctent l'idée d'une « École de la vigne des châteaux du Médoc ». Une formation où chaque château accueille un ou plusieurs stagiaires et l'encadre par un tuteur. Le parcours dure dix-huit mois à l'issue desquels le stagiaire obtient un certificat de qualification professionnelle ouvrier viticole qualifié et l'embauche dans la propriété.

Au château Beaumont, Pauline Bahain est naturellement retenue pour devenir tutrice. La jeune femme dispense déjà de la formation en interne. Désormais, elle a aussi en charge celle d'Émilie Penaranda. À 35 ans, caractère bien trempé, Émilie affiche un CV fourni. Cette ancienne militaire (dix ans dans l'armée de l'air), employée depuis septembre 2014 par un prestataire de travaux viticoles, cherchait un CDI. « Tout me plaît dans la vigne. On voit l'avancement de son travail. En taillant, on fait un pari sur la prochaine récolte. Mon souhait, c'est d'aborder toutes les facettes du métier. Je veux être ouvrière spécialisée. C'est une première marche », lâche-t-elle.

Dès son arrivée, le 2 mars dernier, le courant passe entre elle et sa tutrice. « S'il y a un problème, elle est là », confie-t-elle. De son côté, Pauline estime que sa mission est d'accompagner Émilie dans sa réussite. « C'est une vraie responsabilité. » Mais pas question de la couver. « Je lui ai dit : je ne vais pas être sur ton dos tout le temps, on est entre adultes. » À Émilie de se prendre en mains.

Le premier module que la stagiaire doit accomplir concerne la conduite et l'entretien du matériel. C'est ainsi qu'elle a broyé des sarments dès le lendemain de son arrivée. Un ouvrier lui a montré comment diriger son tracteur sur un rang. « Il m'a laissé son numéro de portable. "Si tu as un problème, tu m'appelles", m'a-t-il dit. Et il est parti faire son travail », explique Émilie. « Elle a su très vite se débrouiller pour entrer dans les rangs sans accrocher de pied », rapporte Pauline.

La tutrice organise le travail de la stagiaire avec le chef de culture et les tractoristes censés lui montrer le métier. « Je dois dégager du temps tout en jonglant avec l'organisation de mon propre travail au chai où j'ai la responsabilité de quatre personnes », explique-t-elle. Chaque vendredi matin, les deux femmes se retrouvent en tête à tête pour faire le point. « Nous abordons les questions techniques, mais surtout son état d'esprit. Il est crucial qu'elle se sente bien, assure-t-elle. Au fil de ces rendez-vous hebdomadaires, j'ai senti qu'elle avait envie d'apprendre. »

Pauline a déjà commencé à remplir le livret d'évaluation des compétences d'Émilie relatives à l'attelage et au dételage des outils et à la conduite du tracteur. Un sans-faute pour l'apprentie sur ces trois points. Reste encore à apprécier sa capacité à effectuer les opérations de petite maintenance du matériel pour achever son évaluation sur ce premier module sur la conduite et l'entretien du tracteur. « Je vais trouver un tracteur qui a besoin d'une maintenance. Pas question qu'Émilie ait une case vide », indique sa tutrice.

Des aides pour diminuer le coût de la formation

Pour monter leur École de la vigne, les châteaux Beaumont, Beychevelle, Lagrange, Larose Trintaudon et Pichon Baron, tous du Médoc, ont obtenu le soutien du conseil régional d'Aquitaine, de Pôle Emploi et du FAFSEA. Dans un premier temps, de décembre à février dernier, 18 stagiaires se sont rendus dans chacun des cinq châteaux pour suivre trois mois de préparation opérationnelle à l'emploi collective (POEC). Le FAFSEA a financé 60 % de ce module, le conseil régional d'Aquitaine les 40 % restant. À l'issue de cette période, les châteaux ont retenu 12 stagiaires pour un contrat de professionnalisation de 18 mois. Ils ont opéré leur sélection selon des critères de comportement - ponctualité, respect de la hiérarchie, politesse - plutôt que de savoir-faire. C'est ainsi que le château Beaumont a retenu Émilie Penaranda. Les stagiaires sont salariés des propriétés et payés au Smic. Leur enseignement théorique est assuré par des formateurs de la maison familiale rurale de Saint-Yzans-de-Médoc et du lycée agricole de Blanquefort, sur le lieu de travail dans chacun des châteaux. Le FAFSEA rembourse à l'employeur 21 % du montant total des salaires versés pendant les 18 mois.

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