Né le 29 juin 1912 à Madiran, dans les Hautes- Pyrénées, Emile Peynaud démarre sa carrière professionnelle à l'âge de 15 ans, comme employé du négoce bordelais Calvet. En 1946, après la soutenance de sa thèse d'œnologie, il rejoint la station agronomique et œnologique de Bordeaux comme directeur de recherche.
« Avec le binôme Jean Ribereau- Gayon et Emile Peynaud, on assiste à la naissance de l'œnologie moderne, commente Bernard Donèche, doyen de la faculté d'œnologie de Bordeaux. J'ai eu la grande chance de recevoir l'enseignement d'Emile Peynaud à la dégustation. Jean Ribereau-Gayon était le chercheur, l'universitaire et Emile Peynaud diffusait la bonne parole auprès des professionnels. Il a porté le message dans les grandes propriétés. Il a beaucoup œuvré en faveur de la formation continue. Il assurait lui-même un cours le lundi soir. »
Exposé au soleil, un vin retrouve sa belle couleur
De fait, Emile Peynaud a conseillé plus de cent châteaux, dont de nombreux grands crus. Il fut un des premiers grands œnologues consultants. Avec son franc-parler et son accent inimitable du Sud-Ouest, c'était un sacré personnage, respecté dans les plus grands châteaux bordelais. Et lorsqu'il disait qu'il fallait écouler… la messe était dite.
« Quelques sauvetages spectaculaires ont assis ma réputation, raconte Emile Peynaud, dans le livre d'entretiens de Michel Guillard. Tenez, un ami barsacais me téléphone en catastrophe : la mise en bouteilles a mal tourné. Le vin s'est troublé tout de suite, il a pris des reflets bleuâtres. Que faire ? Je lui conseille simplement de sortir ses bouteilles et de les placer sur la pelouse, au grand jour, si possible au soleil. (...) Quarante-huit heures après, le vin a repris sa limpidité première. Il ne pouvait savoir que la casse ferrique est réversible », grâce à la lumière.
Emile Peynaud intervient ainsi de manière curative à maintes reprises. « Soigner le vin » et le sauver des vinaigreries et distilleries « fut ma grande spécialité », confie-t-il encore. Certes. Mais pas seulement. Toute sa vie, Emile Peynaud s'est battu en faveur de l'élaboration de vins de qualité et de la recherche du meilleur équilibre. « Le grand vin est une œuvre d'art évolutive (...). Sa finalité est d'être bu et de disparaître avec le plaisir qu'il procure (...) », clamait-il.
A ses yeux, tout l'art du viticulteur revenait à obtenir un vin agréable et doté d'un bon potentiel de vieillissement. Pour ce faire, Emile Peynaud a préconisé de nombreuses nouveautés : vendanger à bonne maturité, s'assurer du bon état sanitaire des raisins, trier et érafler. Il recommandait aussi de veiller à l'hygiène des chais et à la bonne réalisation des fermentations malolactiques. Il attachait beaucoup d'importance à la limpidité des vins. « Donnez-moi de bons raisins, je vous ferai de bons vins », clamait-il.
Il a transmis à la profession la nécessité de surveiller l'élaboration des vins, cuve par cuve, par l'analyse physico-chimique mais aussi par la dégustation régulière et systématique de toutes les cuves. « Quelque soit le niveau de qualité auquel on accède, on peut toujours faire mieux », martelait- il. Extraordinaire dégustateur, il préconisait : « Buvons peu, mais buvons bon pour boire longtemps. »
A la retraite, il écrit pour le grand public
En 1978, Emile Peynaud est un jeune retraité. Alors qu'il renonce à suivre beaucoup de châteaux, il accepte de conseiller Aimé Guibert dans son aventure de création de Daumas- Gassac à Aniane, dans l'Hérault. Il y voit « l'occasion rarissime d'être aux débuts d'un vin exceptionnel, alors que ma vie durant j'ai conseillé les grands vins établis ».
En 1980, il publie « Le goût du vin » un ouvrage d'initiation à la dégustation destiné au grand public, dont il connaît tous les secrets. Il poursuit en 1982 avec « Connaissance et travail du vin », un manuel pratique destiné aux professionnels où il décrit précisément les techniques d'élaboration du vin.
Emile Peynaud décède le 18 juillet 2004, à Talence (Gironde) à l'âge de 92 ans. « Au fond, l'important pour nous, hommes du vin, c'est que la civilisation du vin se perpétue », disait-il, car « le vin est le reflet du degré de raffinement d'une civilisation ».