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événement - MALADIES : Au coeur de 3 points chauds

Mildiou en Gironde Des grappes ravagées

COLETTE GOINÈRE - La vigne - n°277 - juillet 2015 - page 6

Depuis début juin, le mildiou frappe violemment le nord du département. Le Bulletin de santé du végétal n'a pas vu venir les premières contaminations épidémiques.
PATRICK VASSEUR, 12,5 ha à Morizès, en Gironde.

PATRICK VASSEUR, 12,5 ha à Morizès, en Gironde.

PHILIPPE BETSCHART, 11,5 ha, à Pugnac, en Gironde.

PHILIPPE BETSCHART, 11,5 ha, à Pugnac, en Gironde.

« Du jamais vu ! » Patrick Vasseur, vice-président de la chambre d'agriculture de la Gironde, est formel. Du Libournais au Nord-Médoc, en passant par les Graves et l'Entre-deux-Mers, le mildiou provoque des ravages inédits. Mi-juin, les merlots étaient très touchés, avec des attaques sur 5 à 60 % des grappes dans certaines parcelles. Même les rameaux étaient atteints, ce qui est extrêmement rare.

Le domaine de Patrick Vasseur (12,5 ha) situé à Morizès n'est pas épargné. Ce 24 juin, dans certaines vignes, des feuilles sont constellées de taches brunes de mildiou. Mais les dégâts sont hétérogènes. Sur un même rang, des ceps indemnes côtoient des pieds très attaqués. Quelques rameaux sont aussi impactés, ainsi que des grappes. Patrick Vasseur va en perdre quelques-unes, mais l'impact sur la récolte devrait être limité.

Rien ne laissait présager de tels dégâts. « Le 28 avril dernier, le Bulletin de santé du végétal (BSV) indiquait que les oeufs d'hiver n'étaient pas mûrs et que le risque de contamination était faible », affirme Patrick Vasseur. Le 11 mai, il part sereinement positionner son premier traitement (un Polyram DF contre le mildiou et du soufre contre l'oïdium). Mais il a alors la très mauvaise surprise de découvrir une myriade de taches sur les feuilles dans l'ensemble de ses parcelles. En outre, les rameaux et les grappes sont déjà touchés. « À l'évidence, le modèle de prévision des risques a été défaillant », constate le viticulteur.

Le 21, il applique un produit à base de cymoxanil pour stopper la maladie. Six jours plus tard, en prévision des orages, il repasse avec un Polyram DF. Et ça marche. Après les orages du 9 juin, aucune nouvelle tache n'apparaît. Mais il reste vigilant. « S'il y a de la rosée le matin, le mildiou peut repartir. » Il surveille donc la météo et assure une lutte sans faille, n'hésitant pas à anticiper le renouvellement des traitements si des orages sont annoncés.

À Pugnac, au château Les Graves de Viaud - 11,5 ha en biodynamie, AOC Côtes de Bourg -, Philippe Betschart est lui aussi très touché. Le champignon s'est installé, par endroits, dans un peu moins de la moitié de ses vignes. L'attaque a été très virulente. avec des feuilles parsemées de grosses taches. Étonnamment, il peut n'y avoir qu'une seule feuille attaquée sur un pied, mais de manière très importante. Idem pour les grappes.

Tout avait pourtant bien démarré. Avec un mois d'avril frais et humide, l'oenologue indépendante Anne Calderoni lui a préconisé dès le 28 avril de commencer les traitements avec du sulfate de cuivre. À peine Philippe Betschart a-t-il traité 50 % des surfaces que son pulvé tombe en panne. Là dessus, les pluies s'invitent. Il finit de traiter les dernières parcelles le 7 mai. Vers le 20, les premiers symptômes apparaissent. « Les vignes que j'ai pu traiter très tôt, fin avril, n'ont pas d'attaque sur grappes. Par contre, le mildiou s'est installé là où j'ai traité après les pluies. »

Le 21 mai, il applique 300 g de cuivre. Huit jours après, sur les zones touchées, il positionne un traitement à base de 400 g d'hydroxyde de cuivre associé au Prev B2, un terpène d'orange qui a un effet séchant. Le lendemain, il applique de la bouillie bordelaise (350 g) dans les parcelles indemnes. Fin juin-début juillet, heureusement, le temps devient clément. Les fortes chaleurs conjuguées aux traitements font que les grappes sèchent. La prolifération du mildiou est arrêtée.

Dans le Nord-Libournais, chez un viticulteur à la tête de 30 ha - qui souhaite rester anonyme -, là aussi les vignes font pâle figure. Si certains rangs sont indemnes, dans d'autres, les feuilles de la base des ceps sont criblées de taches marron. Et, certaines grappes présentent des symptômes de rot gris. Y aura-t-il des pertes de récolte ? Le viticulteur, prudent, attend la véraison pour se prononcer. En tout cas, il regrette d'avoir attendu pour lancer les traitements.

Depuis quatre ans, sa propriété est suivie par la coopérative d'approvisionnement Maïsadour qui a installé dans son vignoble une station météo. Dès le 27 avril, le distributeur l'alerte d'un risque élevé de mildiou. Au même moment, le BSV, lui, indique un risque faible. « Face à ces informations contradictoires, on a hésité et on a tardé pour effectuer le premier traitement », confie-t-il. Résultat : le 18 mai, le mildiou avait envahi ses vignes... La pilule a dû mal à passer.

Une enquête en cours

Marc Raynal, en charge des opérations Écophyto à l'IFV, l'avoue : « Épicure, notre modèle de prévision du risque mildiou a échoué. » Pour quelles raisons ? Difficile d'obtenir une réponse. Restent des hypothèses. « Avril a été très sec. Le mildiou qui aime l'humidité s'est retrouvé en situation de stress. Mais la pluie du 18 avril l'a revigoré. Il s'est alors montré très agressif. » Patrick Vasseur, le vice-président de la chambre d'agriculture, a réuni une commission de travail avec des représentants du Sral, de la chambre d'agriculture, de l'Inra et de l'IFV. Objectif ? Cartographier les secteurs touchés et améliorer les pratiques des viticulteurs, comme placer des témoins non traités et mieux régler leur pulvé. Surtout, il souhaite l'amélioration d'Épicure. Sur ce point, Marc Raynal a son idée : se doter de données météo remontant plus loin dans le temps. Elles sont détenues par Météo France et ne sont pas gratuites. Pour Édouard Loiseau, à la tête de Promété, société commercialisant son propre modèle de prévision du risque mildiou : « Avec les changements climatiques, on ne peut plus se référer aux données historiques. C'est l'approche biologique qui prévaut. » La PME, qui conseille en Gironde une trentaine de domaines, avait ainsi estimé, dès le 10 avril, que les oeufs étaient matures. Soit plus de vingt jours avant les services officiels.

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