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DOSSIER - Vins sans soufre : comment font-ils ?

Pierre-Henri Cosyns, propriétaire du Château Grand-Launay, à Teuillac (Gironde) « Je n'ai pas hésité à investir »

La vigne - n°278 - septembre 2015 - page 19

Table de tri, système de thermorégulation, mise en bouteille haut de gamme : Pierre-Henri Cosyns n'a pas lésiné sur les moyens pour réussir son premier vin sans SO2 ajouté.
 © P. ROY

© P. ROY

Viticulteur bio sur 24 ha au Château Grand-Launay, à Teuillac (Gironde), en appellation Côtes de Bourg, Pierre-Henri Cosyns a réalisé sa première vinification sans SO2 ajouté l'an dernier. Il a profité d'une vendange saine pour tenter l'aventure avec 185 hl de merlot issu de vieilles vignes, sa récolte totale s'étant élevée à 1 000 hl.

« J'y pensais depuis deux ou trois ans et je m'y étais préparé. » En effet, il a acquis pour 2 000 € une table de tri et d'égouttage d'occasion, spécialement destinée à sa cuvée sans soufre, voulant s'assurer de la qualité du raisin. Il s'est aussi équipé il y a deux ans d'un système de thermorégulation. « L'installation me revient à 5 €/hl sur dix ans, mais c'est indispensable pour faire du vin sans sulfites. »

Le vigneron récolte à la machine. Comme il la partage avec deux autres viticulteurs, il doit démarrer très tôt le matin. « C'est un inconvénient qui se transforme en avantage car la fraîcheur préserve la vendange. » De plus, il a la chance d'avoir un parcellaire d'un seul tenant, juste à côté du cuvier. De ce fait, « seules vingt minutes s'écoulent entre le début du remplissage des bennes et l'arrivée au cuvier ». Malgré ce bref délai, il a pris la précaution d'inerter ses bennes au CO2 et de les bâcher.

Une fois son merlot trié et foulé, il l'a versé dans des cuves inertées au tromblon avec du CO2. Puis il a rapidement ensemencé le moût avec un levain indigène issu de raisins récoltés plus tôt. Il a maintenu ses cuves entre 17 et 22 °C puis relâché le contrôle de la température dès que le moût a perdu 10 points de densité. Ensuite, il a simplement remonté un tiers du volume de ses cuves deux fois par jour à l'abri de l'air, jusqu'à 1 030 de densité. Pour avoir une parfaite maîtrise de l'oxygène apporté, il a également effectué des cliquages, avec des micro-oxygénateurs Vivelys. En fin de FA, il a mouillé le chapeau chaque jour et surveillé les niveaux d'acétate d'éthyle.

Puis, il a réalisé une macération postfermentaire de dix jours à 28 °C et écoulé les cuves en écartant le vin de presse. Enfin, il a mis le vin de goutte dans une nouvelle cuve à l'hygiène parfaite pour éviter les déviations, le temps que la fermentation malolactique (FML) se déclenche.

À la fin de la FML, les cuves ont été gardées au froid pendant deux semaines afin que les lies déposent au fond. Après une remontée en température, les vins ont été soutirés sans aération dans une cuve très propre et maintenus à 10 °C.

En février dernier, Pierre-Henri Cosyns a fait appel à un prestataire de microfiltration tangentielle pour filtrer les 185 hl de merlot sans sulfites ajoutés. « Cette opération m'a coûté environ 3 €/hl, mais a permis au vin de descendre à une turbidité de 1 NTU, facilitant sa stabilité microbienne. »

En mars, le viticulteur a embouteillé ce lot en prenant des précautions pour empêcher toute déviation microbienne ou oxydative. Il a ainsi opté pour une filtration stérile sur cartouche à 1 µm et une décarbonication en ligne, avant un tirage en bouteilles inertées sous balayage d'azote. Pour décarbonater son vin, de 1 300 à 200 mg/l de CO2, son prestataire, Saint-Émilion Embouteillage, lui a proposé de tester Pervélys, un contacteur à membrane mis au point par Ymélia. Placé en amont de la tireuse, il élimine les gaz de faible poids moléculaire dissous dans le vin : azote, gaz carbonique et, cerise sur le gâteau, l'oxygène.

Au total, « ce tirage-bouchage coûte 20 centimes par bouteille, mais il constitue la pièce maîtresse de la réussite de ces vinifications ».

Côté matières sèches, le vigneron a choisi des bouteilles plus sombres accentuant le côté « terroir » et, pour gagner en homogénéité, des bouchons Diam 5 de 49 mm de longueur contre 44 mm de liège naturel sur ses autres cuvées.

Valorisation « Près de deux fois le cours du vrac »

Pierre-Henri Cosyns n'a qu'une année de recul mais, pour lui, se lancer dans le vin sans sulfites ajoutés s'avère déjà très intéressant. Il a ainsi presque tout vendu. Une première partie en vrac, à environ 2 500 € le tonneau de 900 litres, soit 278 €/hl, alors que l'interprofession a enregistré un cours moyen de 154 €/hl pour le côtes-de-bourg en 2014-2015. Il a vendu la seconde partie en bouteilles 25 % plus cher que ses cuvées traditionnelles, ce qui a demandé beaucoup de ténacité pour convaincre les acheteurs professionnels. Il a décidé d'appliquer la même différence de prix aux particuliers pour garder une gamme cohérente et ne pas faire de tort aux cavistes et restaurateurs.

Ses surcoûts

- 3 €/hl pour la microfiltration tangentielle

- 20 cts/col pour l'embouteillage sous azote précédé d'une désoxygénation et d'une décarbonisation

- Une table de tri d'occasion à 2 000 € et un système de thermorégulation, estimé à 5 €/hl sur dix ans.

L'essentiel de l'offre

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