« Vins naturels : un nivellement des saveurs

Un phénomène aux antipodes d'une viticulture industrialisée grandit en France avec l'essor d'une viticulture alternative, bien au-delà de la dénomination retenue de « vins naturels ». Au terme d'un procédé de vinification par grappes entières, de nombreux vins naturels présentent un goût presque identique - évoquant un panier de fruits rouges -, tout en étant pourtant issus de cépages et de terroirs différents. Une telle typicité gustative va dans le sens d'un nivellement des saveurs. Phénomène que l'on rencontrera autrement, dans une viticulture standardisée [...]. De fait, les faibles teneurs en soufre des vins naturels encouragent à les boire à court terme. [...] Étant donné qu'il est exclu de patienter des années avant de déguster, ce sont de facto des gammes de goûts - évolués et liés au temps - qui disparaissent. À terme, en tarissant une source de diversité gustative, ce sont nos propres aptitudes à juger qui s'émoussent. Toute simplification des saveurs et du jugement, poussée à l'extrême au nom de la démocratisation d'une culture élitiste, fait le jeu de la massification d'un marché. [...] On ne saurait négliger que le vin est un jeu culturel sérieux, à l'aune de ses enjeux écologiques et sanitaires, et également un loisir [...] avec les obligations qui lui incombent : enrichir, densifier, exercer la sensibilité gustative, éveiller et renforcer le sens critique, étendre et parfaire une palette gustative, rendre la dégustation réjouissante. Sans quoi, au lieu de goûter tel ou tel vin, l'on consommera « du vin nature » comme une marque, réduite au rang d'une qualité relativement constante et d'un segment de marché, sous-ensemble intégré d'un système toujours dominant.