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DOSSIER - Bonnes nouvelles de nos régions

Cognac sont au vert

CHRISTINE CROIZET - La vigne - n°282 - janvier 2016 - page 46

2015 s'annonce comme l'année de tous les records : vendanges exceptionnelles, marchés en forte progression et investissements massifs. La bonne santé du cognac donne le sourire à toute la filière.
DOMINIQUE DAVY, distillateur à Gondeville (Charente), a investi dans un nouvel alambic de 25 hl pour faire du cognac. © J.-M. NOSSANT

DOMINIQUE DAVY, distillateur à Gondeville (Charente), a investi dans un nouvel alambic de 25 hl pour faire du cognac. © J.-M. NOSSANT

EMMANUEL RULLIER, vigneron et distillateur, à Sonnac, en Charente-Maritime. © C. CROIZET

EMMANUEL RULLIER, vigneron et distillateur, à Sonnac, en Charente-Maritime. © C. CROIZET

STÉPHANE ROY, président de l'UGVC, et exploitant en Grande et Petite Champagne. © S. CHARBEAU / UGVC

STÉPHANE ROY, président de l'UGVC, et exploitant en Grande et Petite Champagne. © S. CHARBEAU / UGVC

Avec 2,3 milliards d'euros de chiffre d'affaires au départ des chais lors de la campagne 2014-2015, le cognac a rapporté à la France autant que la vente de 47 airbus A320 ! Sur les marchés, les signaux sont au vert. Désormais, les États-Unis tirent la croissance. Ils ont pris le relais d'un marché chinois brutalement affaibli par les mesures anticorruption de 2013.

Les grands noms du cognac - Hennessy (LVMH), Martell (Pernod-Ricard), Rémy Martin (Rémy Cointreau) et Courvoisier (Beam Suntory) - jouent les locomotives. Ces maisons écoulent à elles seules 80 % des 168 millions de bouteilles de cognac vendues chaque année dans le monde.

Du côté des viticulteurs, la confiance s'installe peu à peu. Plutôt habitués à se serrer la ceinture dans les années de crise, ils ouvrent les cordons de la bourse, encouragés par l'augmentation des rendements autorisés et par un signal fort donné par le négoce : depuis 2007, le prix du vin de distillation, sous contrat revalorisé chaque année, a augmenté de 20 %.

Il était temps car les vignes destinées à la production de vin blanc pour le cognac se sont affaiblies durant les années de disette (1992-2004), faute d'entretien. Mais cette époque est révolue. « Les viticulteurs ont d'abord acheté du matériel et, depuis 2012, on note une accélération du renouvellement du vignoble », explique Stéphane Roy, le président de l'Union générale des viticulteurs pour l'AOC Cognac (UGVC). Un syndicat unique qui regroupe 2 500 adhérents et représente 65 % des surfaces en production.

Il y a quinze ans, 0,49 % seulement du vignoble était renouvelé chaque année. En 2015, le taux de renouvellement est passé à 3,2 %. Outre l'amélioration des revenus, les aides européennes à la restructuration du vignoble boostent le rajeunissement des parcelles, en subventionnant jusqu'à 30 % les dépenses de plantation. Les demandes d'aide affluent à l'UGVC. Pour le bassin Charentes-Cognac, 1 322 dossiers ont ainsi été déposés pour une surface concernée de 1 635 hectares sur la campagne 2014-2015.

Dominique Davy, bouilleur de cru à Gondeville (Charente), distille le vin produit sur ses 50 ha. « Pour investir, il faut de bonnes récoltes. On rattrape le temps perdu et on met les bouchées doubles pour répondre à la demande importante du négoce », explique le vigneron de Grande Champagne, le cru roi de l'appellation Cognac.

En six ans, il a renouvelé 25 % de son vignoble, avec l'aide à la restructuration individuelle, soit 6 000 à 8 000 €/ha. Ces primes ont financé l'achat des plants et le palissage. Cette année, c'est au tour de la distillerie de se refaire une beauté. Dominique Davy termine l'installation d'un alambic flambant neuf de 25 hl pour remplacer celui de 15 hl, en bout de course. Un investissement de 100 000 euros financé sur quinze ans. Et il continue de se moderniser. « Je viens d'acheter un pulvérisateur avec des panneaux récupérateurs. C'est une démarche environnementale mais aussi économique. Grâce à cette machine de nouvelle génération, je peux récupérer jusqu'à 40 % de produits phytosanitaires. »

Du côté de Sonnac, en Charente-Maritime, Emmanuel Rullier exploite 33 ha de vignes. Il est aussi distillateur de profession. À ce titre, il travaille principalement en sous-traitance pour d'autres distilleries en manque de capacité. Il distille également les vins de son exploitation qu'il vend aux chefs de file du cognac.

Depuis 2008, Emmanuel Rullier a replanté 10 ha de manière anticipée dont six pour la seule année 2015. À cette fin, il a bénéficié de l'aide à la restructuration individuelle qui a couvert 30 % de son investissement. Lui aussi veut remettre sa distillerie aux normes. « Au plus dur de la crise, je vendais seulement le vin de ma propriété, et mes alambics n'ont pas fonctionné pendant plusieurs années. »

Le vigneron situe les débuts de l'embellie entre 2005 et 2007. « J'ai commencé à investir en 2010 avec l'achat d'un groupe de froid. J'ai pu profiter des subventions de l'Agence de l'eau (bassin Adour-Garonne) en vue d'installer un circuit fermé d'eau chaude et une rétention de 1 000 m3 ainsi que la construction d'un bassin à vinasses. » Le viticulteur-distillateur attend l'arrivée d'un chef de culture en janvier. « C'est aussi un investissement, mais je souhaite avoir plus de temps à consacrer à la vente en bouteilles que j'ai lancée en 2003 pour sortir de la crise. »

« En dix ans le chiffre d'affaires d'une propriété de 20 ha en Fins Bois a augmenté de 66 %. Il est passé de 120 000 euros en 2005 à presque 200 000 euros aujourd'hui, illustre Stéphane Roy. En 2002, une telle exploitation vendait en dessous de son coût de revient. » Ces trois dernières années, le rendement autorisé n'a jamais été aussi élevé. Avec 11,70 hl d'alcool pur par hectare en 2013 et 2014 et 10,83 hl en 2015, ainsi qu'une hausse des prix d'achat des eaux-de-vie, les comptes d'exploitation ont repris des couleurs. Le vignoble de Cognac aussi.

+ 7,2 %

C'est la hausse en volume des ventes sur les douze derniers mois (déc. 2014 à nov. 2015). Au cours de la même période, le chiffre d'affaires du cognac départ chai atteint 2,5 milliards d'euros. Source : BNIC

ÇA POURRAIT ALLEZ MIEUX...

- Les maladies du bois et la flavescence dorée font des ravages. On estime que 15 % du vignoble est improductif à cause de ces deux fléaux, soit environ 12 000 ha qui manquent à l'appel. Autant de capacité de production perdue ! Mais la filière se mobilise. En octobre, Hennessy a débloqué 600 000 euros pour financer des recherches sur les maladies du bois. Martell, lui, lance un programme de recherche ambitieux pour trouver des plants résistants (le Vidal 256 en ligne de mire) et adaptés au changement climatique. La station viticole (l'antenne technique du Bnic) y consacre aussi de nombreux travaux.

- Autres défis pour l'avenir : le réchauffement climatique et le développement durable.

ÇA MARCHE AUSSI...

- Le business plan du Bnic est un outil inédit de prospective. Il tient compte des perspectives de marché à long terme et du taux de couverture des besoins du négoce pour établir le niveau annuel de récolte et le rythme de croissance du vignoble. Les derniers chiffres sont très optimistes. Ils prévoient 250 millions de bouteilles vendues à l'horizon 2030, soit une hausse des expéditions de presque 60 % en quinze ans.

- Comme la production, le négoce prépare l'avenir avec confiance. Hennessy, le n° 1 du cognac, se lance dans la construction d'une nouvelle unité de conditionnement d'une capacité de 10 millions de caisses pour un coût de 85 millions d'euros (première tranche des travaux). De son côté, Martell vient d'annoncer une nouvelle augmentation de 10 euros (+ 1 %) par hectolitre de ses prix d'achat pour tous les crus.

L'essentiel de l'offre

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