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DOSSIER - Bonnes nouvelles de nos régions

Champagne Des records à l'export

AUDE LUTUN - La vigne - n°282 - janvier 2016 - page 52

Alors que le marché français est en baisse depuis 2008, les ventes à l'export sont à la hausse en volume mais surtout en valeur. L'an dernier, elles ont atteint un niveau record.
LES VIGNERONS ET LES MAISONS DE CHAMPAGNE lors d'une dégustation à San Francisco, aux États-Unis. © DAKOTA FINE

LES VIGNERONS ET LES MAISONS DE CHAMPAGNE lors d'une dégustation à San Francisco, aux États-Unis. © DAKOTA FINE

SIMON NOMINÉ, viticulteur à Villevenard, dans la Marne.

SIMON NOMINÉ, viticulteur à Villevenard, dans la Marne.

MARTINE GOULARD, viticultrice à Prouilly (Marne).

MARTINE GOULARD, viticultrice à Prouilly (Marne).

« Ils ont les armes, on a le champagne... » La Une de Charlie Hebdo, publiée quelques jours après les attentats du 13 novembre à Paris, rappelle que le champagne est l'un des symboles de la France. Cette notoriété est entretenue par tous les acteurs de la filière pour développer les ventes à l'étranger. Car, si le marché français reste en tête des ventes avec 162 millions de bouteilles vendues en 2015, soit 52,7 % des volumes, il perd du terrain chaque année depuis 2008.

Chacune des trois familles - négociants, coopératives et viticulteurs - voit ainsi ses ventes stagner dans l'Hexagone. Sans renier ni délaisser ce marché, les professionnels se tournent de plus en plus vers l'export. Les ventes vers l'Union européenne ont progressé de 5,6 % entre la période allant du 1er novembre 2013 au 31 octobre 2014 et celle allant du 1er novembre 2014 au 31 octobre 2015. Celles vers les pays tiers ont progressé de 3,8 % pendant la même période. Le cap des 70 millions de cols vers ces pays plus lointains vient d'être franchi.

Dans les pays tiers, « la croissance est tirée par le Japon, l'Australie et les États-Unis, dans une moindre mesure ». C'est ce qu'a précisé Jean-Marie Barillère, président de l'Union des maisons de champagne, lors de l'assemblée générale de l'Association viticole champenoise (AVC), le 2 décembre. « La récession, ou plutôt la moindre croissance en Chine et au Brésil, ne permet pas cette année d'y obtenir de bons résultats. Mais ce sont nos marchés de demain, et il faut y investir. »

S'agissant des exportations de champagne vers le Japon et les États-Unis, la chute de l'euro par rapport au yen et au dollar constitue un facteur positif.

Les négociants occupent historiquement une place importante à l'export, grâce à la notoriété de leurs marques et à l'efficacité de leurs réseaux de distribution. Mais les viticulteurs y sont également présents de manière significative. Ils commercialisent presque 7 millions de cols hors de France, dont 4 millions au sein de l'Union européenne.

À Villevenard, dans la Marne,Simon Nominé exporte 70 000 des 100 000 cols qu'il produit annuellement. « Notre domaine est présent à l'export depuis plus de vingt ans, précise-t-il. Les États-Unis représentent 20 % de nos ventes à l'étranger, de même que l'Asie, avec le Japon et, plus récemment, Singapour et Hong Kong. L'Angleterre, la Norvège et l'Italie pèsent chacune 10 % des expéditions hors de France. Je me rends une fois par an en Asie pour rencontrer mes importateurs. Ils en profitent pour organiser une soirée avec leurs principaux clients, qui apprécient de rencontrer le viticulteur. Mon objectif est d'essayer de conquérir de nouveaux marchés dans des pays non matures comme le Brésil. »

Chez Martine Goulard, viticultrice à Prouilly (Marne), l'exportation ne concerne pour l'instant que 20 % des ventes. Ce domaine produit 70 000 cols par an. « Nous souhaitons développer l'export car le marché français est difficile, témoigne la viticultrice. En France, nous conservons le même nombre de clients, mais le panier moyen baisse. Nos ventes à l'étranger ont bien augmenté depuis deux ans. Nous sommes présents en Allemagne, aux Pays-Bas, en Italie et au Danemark et, depuis trois ans, en Colombie. La valorisation est supérieure à l'exportation. De plus, les petites cuvées particulières plaisent aux importateurs. »

La valorisation est le point fort de l'export. Sur les douze derniers mois, à fin septembre, les ventes ont progressé de 5,7 % en volume dans les pays tiers et de 11,2 % en valeur. Dans l'union européenne, la hausse en volume est de 4 % et de 6,7 % en valeur. Alors qu'en France, les volumes baissent de 1 % et le chiffre d'affaires ne croît que de 0,3 %.

Les vignerons cherchent des marchés à l'export, épaulés par le Syndicat général des vignerons qui organise plusieurs salons à l'étranger chaque année. Mais reste-t-il de la place pour les néophytes ? « Oui, répond, confiant, Simon Nominé. Les Américains sont attirés par les champagnes de vignerons alors qu'auparavant, ils cherchaient surtout des grandes marques. Il faut faire jouer son réseau, notamment avec les viticulteurs des autres régions, pour savoir si leurs importateurs seraient intéressés par un champagne de vigneron. »

Pour doper l'exportation, la certification viticulture durable est un atout. Cette certification volontaire, proposée depuis un an et demi par l'interprofession, repose sur le respect de 90 % des 125 mesures du cahier des charges de l'interprofession. « La certification nous aide dans nos relations avec les acheteurs étrangers, mais également français, souligne Xavier Muller, président de la coopérative Mailly Grand Cru. Cette exigence de certification et de traçabilité est très forte dans les pays nordiques. Nos acheteurs nous questionnent sur ce que nous faisons pour limiter l'usage des produits phytosanitaires, améliorer la biodiversité et réduire le bilan carbone. Il faut être en mesure de prouver ce que l'on affirme. »

Mailly Grand Cru commercialise entre 450 000 et 500 000 bouteilles, dont 56 à 58 % à l'export. « Nous sommes présents sur les marchés européens traditionnels, ainsi qu'en Russie et aux États-Unis, où le taux de change nous est favorable, poursuit Xavier Muller. Mais le marché français reste important. Il ne faut pas le négliger, d'autant que des marchés étrangers peuvent s'effondrer pour des raisons politiques, comme ce fut le cas récemment avec la Russie. »

70 millions

C'est le chiffre record de ventes de bouteilles de champagne dans les pays tiers en 2015. Source : CIVC

ÇA POURRAIT ALLER MIEUX...

- Les ventes des viticulteurs ont baissé. « Depuis la crise de 2008, nous déplorons sept années consécutives de recul des ventes des viticulteurs, déplore Pascal Férat, président du SGV. Cela commence à créer une tendance de fond préoccupante pour nos équilibres interprofessionnels. » En sept ans, les viticulteurs ont vendu 16 millions de bouteilles de moins, soit une baisse de 20 %. Aujourd'hui, ils écoulent près de 20 % d'une récolte. Cette situation s'explique par la chute des ventes en France depuis 2008, leur marché de prédilection.

ÇA MARCHE AUSSI...

- Les caves, coteaux et maisons de champagne ont été inscrits au patrimoine mondial de l'Unesco, le 4 juillet 2015. Cette reconnaissance mondiale présente de nombreux atouts que la profession compte faire fructifier. « Les hôteliers de Reims et d'Épernay annoncent une hausse de la fréquentation de 15 % depuis juillet, précise Pierre Cheval, viticulteur et président de l'association qui a porté la candidature de la Champagne. Tout n'est pas dû à l'inscription à l'Unesco, mais cela a dû y contribuer. » Ce que confirme Xavier Muller, président de Mailly Grand Cru : « Le classement à l'Unesco a relancé nos ventes au caveau. C'est un joli coup de projecteur sur notre appellation qu'il va nous falloir entretenir. » Cette bonne nouvelle permet aussi de se différencier des effervescents italiens et espagnols...

L'essentiel de l'offre

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