BALADE. Une boucle de 6 km entre Magrie et Cournanel relie les quatorze cabanes déjà restaurées et permet de découvrir le vignoble. F. EHRHARD
EN ÉQUIPE. Les bénévoles de l'association se retrouvent avec plaisir tous les samedis matins pour rénover ensemble de nouvelles cabanes. F. EHRHARD
Tous les samedis matins, les vignerons de Magrie et de Cournanel, deux communes voisines de Limoux, dans l'Aude, lâchent leurs vignes pour se faire bâtisseurs. En cinq ans, avec d'autres bénévoles, ils ont déjà restauré quatorze cabanes ! « Il y en a dans toutes les parcelles éloignées. Les vignerons s'en servaient autrefois pour se mettre à l'abri en cas d'orage, ou simplement pour le repas de midi », raconte Jean Fau, président de l'ODG Limoux.
En 2009, avec quelques vignerons, il a créé l'association « Entre Magrie et Cournanel » pour restaurer ce patrimoine bâti qui tombait en ruine. Ces maisonnettes sont construites en pierres sèches, sans aucun ciment. « Nous avons eu la chance de rencontrer Anne Cerf-You, une spécialiste de cette technique de construction traditionnelle. Elle nous forme et nous conseille. »
« Après les vendanges, nous ramassons des pierres dans les vignes et nous constituons des stocks pour l'année », explique Pierre Ciancian, un des membres de l'association. Toute la difficulté est ensuite de trouver comment les assembler pour former un mur bien stable. « Il faut visualiser la forme de chaque pierre avant de lui trouver sa place », explique Anne Cerf-You.
Les anciens utilisaient les pierres trouvées sur place, calcaire ou schiste. Ils n'employaient aucun engin de levage, mais travaillaient en équipe et s'entraidaient pour monter les plus lourdes. Ils arrivaient ainsi à les lever jusqu'au niveau des épaules, mais pas au-delà. « C'est pour cette raison que ces cabanes ont un linteau bas », note-t-elle.
Le travail est très physique. « Pour chaque cabane, il faut charrier entre 20 et 25 tonnes de pierres », note Bernard Guilhem, lui aussi vigneron. Mais maintenant qu'il a découvert le plaisir de bâtir, il ne s'arrête plus ! « Heureusement, il nous reste encore des cabanes éloignées et des bergeries à restaurer, lance Pierre Ciancian, tout aussi passionné. La cabane nous ramène à l'enfance. »
Au sein de l'association, les viticulteurs côtoient des bénévoles de tous les milieux. « C'est très convivial. Nous travaillons en équipe, en plein air. Et quand la restauration d'une cabane est terminée, c'est une grande satisfaction », notent Joseph Barboteu, intendant dans un lycée, et Christian Weibel, rebouteux. Chaque abri arbore le nom de son propriétaire sur une enseigne en métal. Le nom du lieu-dit est gravé sur une belle pierre polie dressée devant la vigne la plus proche. « Nous conservons ainsi la mémoire des lieux et des hommes », relève Jean Fau.
L'association a balisé un chemin pour mettre en valeur ce travail. Il permet également de faire découvrir le vignoble. Ce circuit forme une boucle de six kilomètres qui relie les deux villages. En le parcourant, les promeneurs peuvent découvrir les cabanes, se reposer sur un banc pour admirer le paysage, ou encore pique-niquer au bord de la rivière.
C'est aussi un support d'activités oenotouristiques. Un petit amphithéâtre est en cours de construction pour accueillir les visiteurs au point de départ. « Le dernier dimanche de juin, nous organisons aussi une fête qui attire plus de 1 500 personnes, note Jean Fau. Nous présentons alors les cabanes restaurées durant l'année. »