Les constructeurs ont le sourire. Le « suramortissement Macron », qui permet d'amortir les investissements en matériels sur 140 % de leur valeur, dope leurs ventes. L'Axema, le syndicat des fabricants de matériel agricoles, estimait, en octobre 2015, que cette mesure fiscale avait généré une hausse des ventes de 5 à 10 % sur le marché viticole. Cette tendance a probablement progressé depuis.
« Le suramortissement a un impact positif pour nous, témoigne Fabrice Dulor, directeur général de Boisselet, spécialiste du travail du sol, basé en Côte-d'Or. Mais nous avons eu plus d'affaires grâce aux aides PCAE (plan de compétitivité et d'adaptation des exploitations agricoles) qu'avec cette incitation fiscale. Nous avions déjà augmenté nos cadences de production avant avril 2015, car le travail du sol progresse dans toutes les régions. Le suramortissement est arrivé dans ce contexte positif. »
Chez New Holland, l'heure est également à l'optimisme. « Tous les clignotants sont au vert pour que les viticulteurs s'équipent : un parc de matériel vieillissant, des cours qui se tiennent depuis deux ans et le suramortissement, constate Alexandre Colmart, responsable de la communication pour les machines à vendanger. Grâce à cette conjonction, nous avons atteint un niveau record de ventes de machines. » En novembre et décembre 2015, elles ont progressé de 42 % par rapport à la même période en 2014. Mais elles avaient déjà augmenté de 50 % entre la fin d'année 2014 et celle de 2013.
« La hausse des ventes n'est pas uniforme selon les régions, poursuit Alexandre Colmart. C'est dans les Côtes-du-Rhône et dans l'arc méditerranéen qu'elle est la plus sensible. On avait anticipé en augmentant notre production. Mais fin décembre, nous n'avions plus de machines à vendre ! »
Même son de cloche chez les fabricants de matériel vinicole. « Le suramortissement se cumule aux subventions OCM gérées par FranceAgriMer, précise Bernard Legrix de la Salle, responsable de la communication de Vaslin Bucher. C'est sur les gros investissements, notamment les pressoirs, que l'effet est le plus visible sur nos ventes. Nous avons modifié notre planning de production pour livrer nos clients mi-avril, et non plus de mai à août comme d'habitude, pour qu'ils bénéficient de la mesure. »
Du côté des concessionnaires, l'heure est à la prudence. Certes, leurs ventes ont augmenté, mais pas autant qu'ils l'auraient souhaité, faute d'avoir des machines à vendre. Et ils redoutent que l'effet retombe.
« L'été dernier, nous avons vendu 30 enjambeurs alors que nous en vendons 10 à 15 d'habitude, indique Philippe Ravillon, PDG des Établissements Ravillon, dans la Marne. Les viticulteurs ont renouvelé leur enjambeur plus tôt que prévu. Or, ce qui est fait n'est plus à faire ! Quid des ventes en 2016 ? Je ne peux pas le dire. Je reste cependant optimiste pour mon activité car les besoins en pulvérisation et en travail du sol restent importants grâce à la mise en place de la certification Viticulture durable en Champagne. »
Anticiper, c'est l'option qu'a choisie Jean-Marie Touchais, viticulteur à Doué-la-Fontaine, dans le Maine-et-Loire. Il a acquis un tracteur vigneron en stock chez son concessionnaire. « J'avais prévu de l'acheter, mais j'ai avancé l'acquisition de quelques mois pour bénéficier du suramortissement », précise-t-il.
En Saône-et-Loire, Patrick Richy, directeur commercial des Établissements Richy, note lui aussi une anticipation des achats, surtout sur le gros matériel. « Mais qu'allons-nous vendre dans deux ans ?, s'interroge-t-il. C'est un peu comme la prime à la casse pour les voitures. Cela dope le marché momentanément. Mais ensuite ? C'est une belle occasion pour mes clients. Pas nécessairement pour notre entreprise. »
Le marché de l'occasion bousculé
Le suramortissement a fait perdre de l'intérêt au marché de l'occasion, les viticulteurs se tournant plus volontiers vers le neuf. « Il est difficile de vendre des occasions, confirme le concessionnaire Patrick Richy, mais ce marché va repartir progressivement. » Autre conséquence : une partie du matériel d'occasion est quasiment neuf, les professionnels ayant anticipé le renouvellement. Or, de l'avis des concessionnaires, un parc d'occasion récent n'est pas des plus simples à gérer et à vendre.