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VENDRE - Observatoire des marchés

CHR Les IGP et les vins étrangers s'affirment

ÉMILIE-ANNE JODIER - La vigne - n°286 - mai 2016 - page 60

Les cartes des restaurateurs et des hôteliers accueillent toujours plus de vins différents. Cette ouverture fait les beaux jours des IGP, des vins du Languedoc et des vins étrangers. Mais Bordeaux et les Côtes du Rhône reculent.

L'année 2015 n'a pas été simple pour la restauration. « Elle a même été particulièrement dure pour les établissements parisiens, rappelle Alain Fontaine, président des maîtres restaurateurs du Syndicat national des hôteliers, restaurateurs, cafetiers et traiteurs (Synhorcat). Nous avons subi une baisse du chiffre d'affaires pouvant aller jusqu'à 12,5 % à Paris et de 4,5 % pour la France. » Les attentats et la menace terroriste ont créé un « trou noir », dont les professionnels se relèvent à peine.

Baisse des volumes et hausse du chiffre d'affaires.

Le vin suit une meilleure tendance. « On constate, depuis quelque temps, une baisse des volumes vendus mais une hausse du chiffre d'affaires, indique Guillaume Galand, responsable du pôle vin de C10, grossiste-entrepositaire, leader de la distribution des vins en CHR. La premiumisation s'installe : le vin de table disparaît au profit d'une consommation plus qualitative. »

La dernière étude de CHD Expert pour FranceAgriMer, centrée sur la restauration à table, confirme cette observation de terrain. Elle constate une hausse de 16 % du « ticket moyen boisson », toutes boissons confondues (de 7,53 euros en 2014 à 8,74 euros en 2015).

Autre enseignement de cette enquête, « les quatre grands vignobles les plus représentés dans les restaurants demeurent les mêmes depuis plusieurs années, rassure Julie Rosticher, de CHD Expert. Bordeaux, la Provence, la vallée du Rhône et la Bourgogne restent des références que tout établissement se doit d'avoir à sa carte, surtout lorsqu'on monte en gamme. »

Mais sous cette apparente stabilité, les choses bougent. De nouveaux vins viennent grignoter la part des stars. C'est le cas des IGP. En 2015, ils sont présents sur 54 % des cartes des restaurants, contre 44 % en 2012. Un bond de dix points en trois ans ! Fait remarquable, les IGP blancs secs sont passés d'un cheveu devant les bordeaux blancs. Ils sont proposés sur 26 % des cartes (4 points de plus qu'en 2012) alors que les bordeaux blancs ne sont servis que dans 25 % des établissements.

Guillaume Galand décrypte : « Les IGP, avec et sans mention de cépage, connaissent un beau succès car ils offrent un excellent rapport qualité/prix et sont marqués par un territoire et donc une typicité. » Ils représentent le bon compromis entre certaines AOC trop chères et des vins sans indication géographique, sans lien avec un territoire. « Chez nos clients, le Languedoc, la Bourgogne et les vins étrangers voient leur part augmenter, ajoute Guillaume Galand. Bordeaux et la vallée du Rhône gardent une présence très forte sur les cartes, mais ces régions peuvent faire face à une diminution des volumes vendus. » Selon l'enquête CHD, ces deux régions sont effectivement à la peine. « D'autres vignobles gagnent en notoriété, déclare Julie Rosticher. C'est le cas du Languedoc dont les vins sont montés en gamme en restant accessibles et en développant une bonne image. » Des concurrents sérieux donc.

Place aux vins étrangers

Toutes ces évolutions répondent à un besoin de diversification. « Il faut apporter du choix au consommateur », résume Julie Rosticher. Y compris en offrant plus de place aux vins étrangers, ce que font les restaurateurs. Désormais, le taux de présence de ces vins atteint 29 % et devance celui des vins de France (27 %).

« Les vins étrangers progressent, surtout les vins italiens, ajoute Julie Rosticher. Ils trouvent leur place dans la montée en gamme de la restauration à thème, comme l'arrivée de bars à mozzarella qui se doivent de présenter une offre cohérente. » Ces bars inscrivent donc à leur carte des vins qui se marient avec les mets de leur carte.

Le phénomène se retrouve dans le marché des bulles. Champagnes et crémants perdent du terrain (voir infographie) quand les effervescents étrangers gagnent 12 points de taux de présence en une année. « Les bulles françaises accusent une petite baisse, reconnaît Julie Rosticher. Les prix pratiqués par les Italiens et l'aspect "branché" du prosecco, à la présence médiatique intense, leur ont fait un peu de mal. »

« Les effervescents étrangers sont tendance en France, observe Guillaume Galand. Les gens cherchent des bulles qualitatives hors du champagne, pas seulement pour une question de prix, mais pour une consommation plus simple, ou en cocktail. » Cependant, tout n'est pas rose pour cette offre. Le prix de vente de ces effervescents venus d'ailleurs se contracte, perdant en moyenne 20 centimes à la coupe, contrairement aux prix des bulles hexagonales. La coupe de champagne a ainsi gagné 30 c en moyenne entre 2014 et 2015.

Hausse du vin au verre

La variété se manifeste également dans l'offre de vin au verre. Toutes les régions gagnent en taux de présence, à l'exception du Val de Loire qui reste stable. « C'est un mode de consommation que nous encourageons. Les prix au verre sont très intéressants pour les consommateurs », explique le responsable du vin de C10.

Dans cette catégorie, la Provence devance le Bordelais avec 54 % de taux de présence contre 51 % grâce au succès des rosés. Et là encore, les IGP réalisent une belle percée en affichant un taux de présence de 30 % pour les pays d'Oc (contre 26 % en 2014) et 21 % pour les autres IGP (14 % seulement l'année dernière).

L'étude commandée par France-AgriMer et le Cniv confirme également une autre dynamique observée depuis quelque temps par les restaurateurs. « Le vin redevient un apéritif à part entière, assure Alain Fontaine. Et c'est surtout vrai pour les vins blancs, le vin rouge restant lié au repas. »

CHD Expert quantifie cet engouement par le taux de présence des vins à l'apéritif. Le vin blanc sec sort grand premier, à 76 %, loin devant les boissons à base de vin rosé ou rouge - de type rosé-pamplemousse ou sangria, respectivement à 25 et 18 %. Les boissons aromatisées ne riment pas spécialement avec restauration.

Les jeunes consommateurs conquis

Voici un chiffre qui donne du baume au coeur. En avril, le grossiste C10 a révélé les résultats d'un sondage Ifop qui fait apparaître que 60 % des jeunes de 18 à 24 ans commandent du vin au restaurant. « Les consommateurs de demain s'y initient au vin », analyse Guillaume Galand, responsable du vin chez C10. Quant aux goûts des jeunes amateurs, ils sont plutôt tournés vers des « produits gustativement accessibles : des vins prêts à boire ». Et c'est en goûtant qu'ils aiguisent leur curiosité. « Petit à petit, les consommateurs s'immergent dans l'univers complexe des cépages et des appellations. » « Comme les vins sont de plus en plus consommés en apéritifs, hors des repas, ils doivent présenter en bouche un équilibre fait de souplesse et de rondeur », précise encore Guillaume Galand.

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