Le redressement judiciaire de la Compagnie générale des vins du Sud-Ouest (CGVSO) en 2008 a eu de lourdes conséquences. Et il continue de faire des remous puisque la Cour de cassation s'est penchée sur une conséquence de cette affaire dans un arrêt du 3 mars 2015.
Le litige oppose quarante-trois viticulteurs de Cahors à leur syndicat. Les vignerons avaient livré des vins de la récolte 2007 à la CGVSO. Malheur à eux, lors d'un jugement du 7 janvier 2008, la société est mise en redressement judiciaire. Une décision catastrophique pour ces professionnels qui n'ont pas pu être payés.
Leur syndicat convoque alors en urgence, le 7 janvier 2008, un conseil d'administration au cours duquel il est décidé « de s'entourer d'une assistance juridique commerciale afin de porter une information aux concernés et ainsi leur permettre de réagir dans les délais légaux », précise le compte-rendu.
L'avocate choisie s'attelle à la tâche. Elle prévient par courriers du 11 et 12 mars 2008 qu'il est possible de revendiquer les vins livrés au négociant, à condition d'agir dans l'urgence. Elle enjoint le syndicat de bien faire suivre cette information à ses membres. Hélas, l'information ne parviendra jamais aux intéressés. La CGVSO est liquidée sans qu'ils aient pu réclamer leur bien. Furieux, ils se retournent contre leur syndicat pour exiger des dommages et intérêts et le poursuivent pour « manquement à son obligation d'information ».
Les débats ont tourné autour des courriers de l'avocat non transmis aux vignerons. Que s'est-il passé ? Le syndicat a soutenu que les courriers ont été adressés au mauvais destinataire, à savoir le président de l'interprofession au lieu du président du syndicat. Mais les juges ont rapidement éliminé cette ligne de défense car il se trouve, qu'à l'époque, il s'agissait de la même personne.
Le syndicat a aussi affirmé que l'action en justice proposée par l'avocate n'était pas réalisable ; les vins ayant été assemblés par la CGVSO, les vignerons ne pouvaient plus les récupérer. Là encore, cet argument n'a pas convaincu. En effet, la revendication peut s'exercer sur des biens fongibles, comme le vin.
Mais la question principale était de savoir si le syndicat avait mandat de représenter ses membres lésés. Pour le tribunal de grande instance et la cour d'appel, le doute n'est pas permis. En s'engageant, lors de son conseil d'administration, à informer ses adhérents, le syndicat a accepté un mandat. Un mandat qu'il n'a pas honoré. En vertu de quoi, en décembre 2012, la cour d'appel le condamne à de lourds dommages et intérêts.
Mais le juge de cassation, vers qui le syndicat se tourne en dernier recours, pense l'inverse. Il applique rigoureusement la loi, laquelle, dans l'article 1984 du code civil, précise : « Le mandat ou procuration est un acte par lequel une personne donne à une autre le pouvoir de faire quelque chose [...] en son nom. » À la lumière des faits, il apparaît qu'aucun vigneron n'a expressément demandé au syndicat d'agir pour lui. Il aurait fallu, pour cela, que les adhérents lui confient « le pouvoir d'accomplir en leur nom et pour leur compte un acte juridique », selon l'arrêt de cassation. Ce qui n'est pas le cas puisque le syndicat s'est engagé à « porter une information aux concernés », pas à agir en justice à leur place.
La cour de cassation renvoie l'affaire devant la cour d'appel de Poitiers. Les vignerons devront donc attendre encore avant de savoir s'ils pourront obtenir un dédommagement. La décision de la cour de cassation est rigoriste : bien souvent, on se contente, dans la vie civile, d'une simple parole ou même d'une communication téléphonique pour reconnaître le mandat. Devant les tribunaux, reste à établir la réalité du mandat.
Cour de cassation, 3 mars 2015, n° 13-15569 et 13-18662