Il est rare que des coopératives se retrouvent en redressement judiciaire, puis en liquidation judiciaire. C'est pourtant ce qui est arrivé à la coopérative Panier Percé, placée en redressement judiciaire le 3 juillet 2001 et en liquidation un an plus tard. Il a donc bien fallu dédommager les adhérents. Vingt-six d'entre eux ont, dès le 1er août 2002, engagé ainsi des actions en revendication de stocks.
Il faut bien se remettre en tête qu'un associé ne vend pas son raisin à la coopérative. En réalité, il conclut un contrat de louage d'ouvrage. Il revient à la coopérative la charge de transformer les raisins en vin. L'apporteur donne ensuite mandat à la coop de vendre la récolte, devenue vin, au prix du marché, ce qu'elle fait pour le compte du coopérateur. Celui-ci est donc toujours propriétaire de ses raisins et des vins à partir desquels ils ont été produits, jusqu'à leur vente.
Cette règle, admise dans différents arrêts, ne semble pas avoir été assimilée par tous. En effet, le juge-commissaire, missionné dans le cadre d'une procédure collective, a rejeté en première instance les actions en revendication de stocks des vingt-six coopérateurs. La Cour de cassation y a remis bon ordre en précisant, dans son jugement du 2 juin 2015, qu' « un arrêt, devenu irrévocable, du 11 janvier 2005, a jugé que les adhérents étaient restés propriétaires de leurs stocks de vin [...] au prorata de leurs apports respectifs ». Ce fait désormais acquis, reste à savoir comment les dédommager.
Sitôt la liquidation prononcée, tout coopérateur peut exiger la restitution à son profit du vin individualisé sous son nom. Le juge-commissaire autorise théoriquement le liquidateur à rendre à l'apporteur la quantité de vin correspondant à ses apports, déduction faite des frais de vinification et de stockage. Mais une procédure, beaucoup plus pratique, consiste à vendre le vin en stock et à en distribuer le bénéfice aux associés en fonction de leurs apports.
Dans l'affaire Panier Percé, c'est ainsi que les vingt-six adhérents ont pu être dédommagés : le liquidateur a partagé entre eux le fruit de la vente des stocks restant dans les cuves de la coopérative. Mais après cette restitution, huit autres associés se sont manifestés. Ils se sont retournés contre le liquidateur, à qui ils ont reproché d'avoir réparti les stocks entre leurs vingt-six confrères sans avoir pris en compte leurs propres apports.
La bataille s'est alors engagée sur la procédure de restitution. Les huit adhérents n'avaient en effet par formellement diligenté d'action en revendication de leur bien, en tout cas pas dans les formes prévues par l'article 85-4 du décret du 27 décembre 1985 invoqué lors de l'audience (mais abrogé depuis). Celui-ci précise que « la demande de restitution est faite par le propriétaire du bien par lettre recommandée avec demande d'avis de réception au mandataire de justice ». Les juges d'appel avaient estimé que les simples lettres envoyées par les huit retardataires pour « information sur les stocks » ne valaient pas demande de restitution, contrairement aux vingt-six autres adhérents.
La Cour de cassation ne partage pas ce point de vue. Certes, les huit associés n'ont pas respecté la procédure de l'article 85-4 du décret précité, mais le liquidateur avait pour devoir, conformément à ce même article, « d'adresser aux huit adhérents une mise en demeure, puis de consigner le prix de vente pour le tenir à leur disposition ». Ce qu'il n'a pas fait, constate le juge suprême. Il a donc renvoyé l'affaire devant la cour d'appel de Toulouse. Pour l'instant, la question de la responsabilité du liquidateur mis en cause par les huit adhérents reste en suspens.
Cette chronique devrait inciter les apporteurs à revendiquer le stock en nature correspondant à leurs apports en cas de liquidation de biens d'une coopérative. On ne doit pas omettre qu'en matière de liquidation normale, les biens de la société garantissent les créances alors qu'en matière de coopérative, les associés ne répondent pas du passif.
Cour de cassation, 2 juin 2015, n° 14-13116.