Le risque pour les riverains est-il pris en compte avant la mise en marché des produits phytosanitaires ?
J. D.-R. : Oui. Ce risque est systématiquement évalué par les autorités européennes lors de l'homologation des substances actives et par les autorités françaises lors de l'homologation des préparations commerciales. C'est un travail qui est requis depuis longtemps. Et les critères d'évaluation des risques viennent de se durcir depuis le 1er janvier.
Comment se déroule cette évaluation ?
J. D.-R. : Elle se fait à partir de quatre scénarios d'exposition pour les adultes, plus un cinquième pour les enfants. Ces scénarios cumulent l'exposition directe, le risque respiratoire, le risque cutané et l'exposition d'un promeneur. Pour cela, nous devons considérer qu'une personne se trouve chaque jour de sa vie à quelques mètres d'un pulvérisateur en marche pendant deux heures, qu'elle respire 24 heures/24 un air mille fois plus contaminé qu'en Île-de-France, qu'elle s'allonge pendant deux heures sur une pelouse qui a reçu la dérive de pulvérisation d'une parcelle contiguë fraîchement traitée et qu'elle marche un quart d'heure par jour dans un champ au contact du feuillage traité. Au bout du compte, si cette personne est exposée au-delà du seuil toxicologique de la substance (elle-même fixée avec des marges de sécurité), alors cette substance n'est pas homologuée. Dans le cas des enfants, il faut ajouter à tout cela, ce qu'ils ingèrent lorsqu'ils mettent en bouche un jouet posé sur une pelouse voisine d'une parcelle traitée. Vous voyez que les marges de sécurité pour les riverains sont vraiment très importantes.
Comment sont élaborés les scénarios ?
J. D.-R. : Ils sont basés sur différentes études. Par exemple, en ce qui concerne les enfants, des chercheurs ont observé la fréquence à laquelle ils mettent des objets ou leurs doigts dans la bouche au cours d'une journée. Le modèle utilisé pour l'homologation prend ces données en compte.
Comment être sûr que ces scénarios théoriques sont en rapport avec l'exposition réelle des riverains ?
J. D.-R. : Les autorités y veillent. Deux travaux récents estiment que la modélisation surévalue presque toujours le risque par rapport à la réalité. En France, l'Anses a établi en 2014, que l'exposition totale des adultes et des enfants était 5 à 120 fois inférieure à la valeur toxicologique de référence, elle-même jugée sans risque. En Angleterre, les chercheurs ont mesuré l'exposition réelle de 149 riverains vivant à moins de 100 mètres de champs traités. Les résultats ont montré qu'elle était proche ou bien inférieure à l'exposition prédite par les modèles.
L'inquiétude des riverains des vignes est-elle légitime ?
J. D.-R. : On parle ici d'un sujet très émotionnel. On ne peut pas juger de la réalité des peurs ressenties. On peut juste expliquer que nos produits ne sortent pas d'un chapeau, et qu'en termes scientifiques, le risque a bien été balisé. Les autorités imposent des normes très sévères aux firmes pour protéger la population dans sa globalité. Mais si on augmente trop ces exigences de sécurité, des produits vont disparaître de la pharmacopée disponible pour les agriculteurs.
Comment faire pour renouer le dialogue avec les riverains ?
J. D.-R. : En communiquant. Il faut que chacun comprenne que les questions de l'autre sont légitimes. Toutes les initiatives dépassionnées comme la mise en place de chartes de bon voisinage, l'organisation de visite d'exploitation pour expliquer son métier... sont donc de bonnes initiatives. De notre côté, nous mettons à la disposition des agriculteurs des guides des bonnes pratiques. Ce sont des messages qui peuvent aussi être relayés sur le terrain.
Pourquoi ne communiquez-vous pas plus sur le sujet ?
J. D.-R. : Nous le faisons mais malheureusement, nous sommes rarement entendus. En tant qu'association professionnelle de l'industrie, les gens considèrent peut-être que nous ne sommes pas pertinents dans ce débat. C'est l'Anses qui pourrait communiquer sur la manière dont elle évalue les risques pour les agriculteurs, les riverains et les consommateurs. Ses experts sont les mieux placés pour défendre la robustesse de leurs méthodes d'évaluation.