Dans la région Paca, cela fait trois années de suite que Prévigrêle, association régionale en charge du dispositif antigrêle, boucle ses comptes en négatif. En Gironde, l'Association départementale d'étude et de lutte contre les fléaux atmosphériques (Adelfa 33) annonçait en 2014 un déficit de 70 000 €. Toutes deux sont chargées d'entretenir et d'activer, en cas de besoin, un réseau de générateurs de cristaux d'iodure d'argent destinés à réduire la taille des grêlons.
Les raisons de leurs difficultés ? Pour Dominique Fédieu, nouveau président de l'Adelfa 33, la réponse est simple : « La loi Notre (Nouvelle organisation territoriale de la République) a complexifié le financement des Adelfa en France », explique-t-il. En tant que conseiller départemental en charge de l'agriculture, de la mer et de la forêt en Gironde, Dominique Fédieu connaît bien le sujet.
Promulguée en 2015, cette loi a redéfini les compétences des départements et des régions. « Jusqu'à présent, les Adelfa étaient principalement financées par les départements », explique Claude Berthet, directrice de l'association nationale Anelfa. Dans la région Paca, les départements n'ont plus le droit de financer les associations telles que Prévi-grêle. « Nous prévoyons une baisse des crédits départementaux de 50 000 euros d'ici 2017 », précise Nicole Chapotin, en charge du réseau Prévigrêle. La coupe budgétaire sera donc difficile à compenser pour une association dont le budget annuel s'établit en moyenne à 295 000 euros.
Autre baisse budgétaire à craindre : celle des communes et des intercommunalités. « Le financement de notre association par les communes et les communautés de communes s'élève à 25 000 € », souligne Dominique Fédieu. Comme la loi Notre prévoit la fusion de certaines communes et intercommunalités, le nombre de financeurs diminuera et avec eux, leurs enveloppes.
L'heure est donc à la baisse des crédits alors que la demande en générateurs est forte. « Avec le réchauffement climatique, les orages se déplacent plus vite. Il faut plus d'appareils pour répartir le produit antigrêle vers les nuages », relate Nicole Chapotin. Car, c'est bien là tout l'enjeu du dispositif : obtenir un réseau homogène de générateurs sur le territoire pour améliorer les performances de lutte antigrêle. C'est en partie ce qu'a révélé la chambre d'agriculture de Gironde après un audit portant sur l'Adelfa 33. « Pour améliorer les performances du dispositif, il nous faudrait une quinzaine de générateurs supplémentaires dans des secteurs actuellement non couverts », précise Dominique Fédieu.
En Savoie, les vignerons s'inquiètent que les fusées antigrêle 614 E à l'iodure d'argent sont interdites. « Nous sommes dans un secteur sensible. Entre les montagnes, le temps peut vite changer », souligne Michel Quenard, président du Syndicat des vins de Savoie. L'an passé, il a fait une demande de dérogation auprès du ministère de l'Intérieur pour continuer à utiliser ces fusées, désormais considérées comme des engins explosifs.
Après le refus catégorique du ministère, les vignerons de Savoie songent à intégrer le réseau des Adelfa. « Mais le changement de compétences des départements nous inquiète. Nous pourrions intégrer un réseau régional avec le Beaujolais et les Côtes du Rhône. Nous craignons cependant que ce réseau ne tienne pas compte des spécificités locales », s'inquiète Michel Quenard.
Les associations de lutte antigrêle doivent donc faire appel aux viticulteurs ou à des entreprises privées. Pour trouver de nouveaux financements, l'Adelfa 33 s'est tournée vers la Fédération des grands vins de Bordeaux. « Cette adhésion va permettre de combler notre déficit et de prévoir de nouvelles installations », se félicite Dominique Fédieu. Le syndicat viticole contribuera à hauteur de 70 000 € au budget de l'association.
Prévigrêle tente, elle aussi, d'obtenir des financements supplémentaires. « Nous prospectons auprès des entreprises agricoles, comme les caves coopératives », indique Nicole Chapotin. L'association s'inspire aussi de l'expérience de l'Adelfa de Haute-Garonne, qui a fait appel à Airbus pour son financement. Le géant de l'aéronautique lui verse ainsi 135 000 euros pour l'année 2016.
Selon certains, les subventions des collectivités publiques pourraient repartir à la hausse lorsque le flou sera levé autour de leurs compétences. Ils expliquent que la grêle ne frappe pas seulement les viticulteurs. Il est donc logique que chacun prenne sa part dans la lutte contre ce fléau. D'autres, moins optimistes, font valoir que les viticulteurs devront surtout compter sur leurs propres forces.
Radars Selerys Surveillez vous-même la météo
La société Selerys a mis au point un radar météo pour prévenir des risques de grêles dans un rayon de 30 km, le système SkyDetect. Quand le radar détecte l'arrivée de grêle sur une exploitation, l'agriculteur est averti par SMS ou par mail. « Selon la durée de vie du nuage, nous pouvons prévenir jusqu'à 30 min avant l'impact », souligne Fabrice Caquin, responsable des partenariats et de l'international chez Selerys. Cet instrument possède une précision d'image de 150 m. « Cet outil est adapté à l'échelle des exploitations agricoles », explique Fabrice Caquin. Plusieurs grosses exploitations viticoles de France s'y intéressent déjà. Il est vrai qu'à 60 000 € pièce, le SkyDetect n'est pas à la portée de tous. Mais une acquisition mutuelle est envisageable. « Nous proposons des abonnements d'environ 800 €/an par adhérent dans le cas de l'installation d'un système collectif. Le prix est variable selon le nombre d'adhérents et de radars à installer. » Selerys prévoit déjà la huitième version de SkyDetect qui devrait fournir, en sus, les données météorologiques classiques.
L'Arelfa Bourgogne s'en sort bien
Crée en 2014, l'Association régionale d'étude et de lutte contre les fléaux atmosphériques (Arelfa) de Bourgogne se porte bien. « Dès le départ, nous savions que nous aurions très peu d'aides », explique Thiébault Huber, son président, viticulteur à Volnay. L'association a donc opté pour un financement majoritairement alimenté par les ODG bourguignonnes.
Pour un budget annuel de 130 000 €, 115 000 € proviennent des cotisations des vignerons, le reste est financé par le conseil départemental de la Côte-d'Or. « Au moment des appels à cotisations, nous demandons une participation de 8 €/ha, ce qui représente peu chez nous. Les vignobles font, en général, moins de 10 ha », souligne Thiébault Huber. Grâce à ces fonds, l'Arelfa de Bourgogne gère actuellement 57 générateurs répartis sur
une surface totale de 13 000 ha en Côte-d'Or et en Saône-et-Loire.