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VIN

Vinification À chaque blanc sa barrique

MARION BAZIREAU - La vigne - n°287 - juin 2016 - page 48

La barrique qui sublime le chardonnay peut ruiner le sauvignon. Plusieurs paramètres - l'essence, le grain ou la chauffe du bois - sont à prendre en compte pour éviter les déconvenues.
LES TONNELIERS proposent des fûts spécialement conçus pour la vinification des vins blancs. ©  BIVB / ARMELLEPHOTOGRAPHE.COM

LES TONNELIERS proposent des fûts spécialement conçus pour la vinification des vins blancs. © BIVB / ARMELLEPHOTOGRAPHE.COM

« Il n'existe pas de barrique qui convienne à tous les styles de vins blancs », avertit Frédéric Junge, oenologue et commercial pour la tonnellerie Meyrieux. Benoît Verdier, directeur des développements oenologiques de la tonnellerie Seguin-Moreau, insiste, quant à lui, sur l'importance de « distinguer le chardonnay, en particulier bourguignon, du reste des cépages » si l'on veut vinifier des blancs en barriques.

En effet, selon l'expert de Seguin-Moreau, le chardonnay tolère parfaitement le chêne sessile à grain très fin, peu tannique mais très aromatique. Les Bourguignons l'utilisent ainsi avec réussite, leurs vins développant des notes subtiles de noisette et de beurre. Mais cette même recette ne fonctionne pas avec un sauvignon blanc ou d'autres cépages pour lesquels on recherche de la fraîcheur. « Dans ce cas, les lactones font mûrir le fruit et perdre la typicité, avertit Benoît Verdier. Si l'on souhaite de l'opulence et de la richesse, comme pour les meursaults, il faut opter pour un grain fin. Mais si c'est de la fraîcheur et de la tension que l'on cherche, mieux vaut se tourner vers un chêne à grain mi-fin ou moyen, plus riche en ellagitanins mais pauvre en composés aromatiques. »

Passant de la théorie à la pratique, Seguin-Moreau a développé différentes barriques destinées aux vins blancs. Pour les sauvignon, sémillon, viognier ou verdejo, la tonnellerie propose la barrique « Fraîcheur ». Son corps est en chêne à grain mi-fin, tandis que ses fonds sont en acacia, une essence qui augmente le côté floral et citronné et permet aux vins de garder de la vivacité. Pour des chardonnays ou des grands vins blancs concentrés, les vignerons peuvent choisir la barrique « Icône blanc » avec laquelle on obtient un boisé équilibré, ni trop doux ni trop frais, assure le tonnelier.

Toujours pour les chardonnays, la tonnellerie Taransaud, du groupe Chêne & Cie, propose un fût doté d'une forte capacité antioxydante et d'une empreinte boisée discrète, baptisé « Pure T ». « Il est constitué de chêne à grain fin de l'Est de la France. Il permet de garder de la minéralité et de la tension. Il convient aussi aux chenins d'élevage long », détaille Vincent Renouf, responsable R & D pour Chêne & Cie. Taransaud travaille désormais à la conception d'une barrique adaptée au sauvignon.

Ne pas oublier le style de vin recherché, c'est ce que rappelle, de son côté, Frédéric Junge : « Ainsi, on ne va pas entonner dans la même barrique un chardonnay de Côte-d'Or et un chardonnay de Chablis. » Lui ne vend pas de barriques en fonction de leur composition en molécules aromatiques ou en ellagitanins. Il se fonde avant tout sur l'origine géographique du bois. « L'effet terroir est important. Ainsi, les Vosges offrent un profil aromatique frais et floral, peu d'effet structurant et une oxygénation assez importante qui ouvre les vins, quand l'Allier apporte du vanillé, un effet structurant et une sensation de velours », détaille Frédéric Junge.

Pour concevoir leurs barriques destinées aux vins blancs, les tonneliers jouent également sur la durée de séchage des merrains. Chez Chêne & Cie, Vincent Renouf explique qu'ils ne doivent être ni trop longs ni trop courts, « juste assez pour éliminer les tanins verts, mais pas trop longs pour conserver de bonnes propriétés antioxydantes ».

Enfin, les tonneliers modulent la chauffe pour éliminer le trop-plein d'ellagitanins et le risque de dureté, sans synthétiser de notes trop boisées, vanillées ou caramélisées.

« Sur notre barrique "Sylvain blanc", que nous commercialisons surtout à Bordeaux, nous avons opté pour une chauffe de cintrage assez brève, qui empêche le développement de goûts briochés ou boisés. S'en suivent 30 à 35 minutes au brasero », précise Patrick Verardo, directeur commercial de la tonnellerie Sylvain. De son côté, Seguin-Moreau a mis au point la chauffe Aquaflex. « Le bois est plongé dans l'eau bouillante entre la mise en rose et le cintrage. Cette immersion permet de tamponner la montée en température et d'obtenir moins de fumé et de grillé », expose Benoît Verdier.

S'il veut éviter de surboiser, le vigneron peut aussi s'orienter vers de plus grands contenants, voire des cuves en bois. C'est d'ailleurs, d'après Benoît Verdier, « la tendance du moment », notamment pour les sauvignon. À Bordeaux, Patrick Verardo a une autre méthode : il adapte la composition et la chauffe des barriques au pourcentage de bois neuf que le vigneron souhaite utiliser.

CaOx Pour savoir si la barrique protégera le vin de l'oxydation

Une technique de mesure du pouvoir antioxydant d'une barrique a été développée par Chêne & Cie, la structure de R & D des tonnelleries Taransaud, Canton et Kadar. Baptisée CaOx (pour « capacité antioxydante »), celle-ci repose sur la mesure d'intensités de courant à la surface d'une douelle. Plus le courant est fort, plus le bois relarguera des antioxydants au fil du temps, principalement des ellagitanins, et plus il protégera le vin de l'oxydation. Grâce à cette technique, Chêne & Cie a comparé des merrains de grains et d'âges différents, et des douelles de chauffes distinctes. Logiquement, plus le bois est vieux, plus sa capacité antioxydante baisse. Idem lorsqu'il est chauffé. Ces études ont permis à Taransaud de concevoir la barrique Pure T. Désormais, la CaOx mesure l'aptitude des vins à résister à l'oxydation et l'influence des itinéraires techniques tels que macération, bâtonnage, inertage ou choix de bouchons. Les vignerons ont accès à cet outil via la structure de prestations Chêne Services.

DAVID MILLET, VIGNERON AU DOMAINE DE LA LOGE, 20 HA À SAINT-ANDELAIN (NIÈVRE) « Je n'utilise que des fûts en acacia »

« Je vinifie 50 hl de vieilles vignes de sauvignon sous bois. Les vins - des pouilly-fumés - sont entonnés après le débourbage, à 6 °C, et se réchauffent progressivement. La fermentation, en levures indigènes, dure entre 1 mois et 1 mois et demi. Quand elle s'achève, je ne touche plus à rien. J'ai arrêté de bâtonner il y a deux ans car mes vins étaient trop gras et manquaient de vivacité. Le vin reste en fût pendant un an, jusqu'au millésime suivant. La première année, j'ai utilisé des barriques en chêne, de chauffe moyenne-longue, mais j'ai trouvé que cette essence marquait trop les vins, avec des notes vanillées et boisées. Du coup, je suis passé aux fûts en acacia. J'ai d'abord acheté des barriques de 228 litres, mais les vins restaient trop marqués et affichaient un petit côté séveux. J'ai donc opté pour des 500 litres. Cette fois, j'avais trouvé la bonne recette ! La typicité du sauvignon est bien respectée, et les vins développent des arômes de fleurs blanches, de coing, de fruits blancs, et même une légère sucrosité en bouche, spécifique à l'acacia. Je renouvelle un tiers de mon parc tous les ans. Il ne faut jamais dire "jamais", mais je ne pense pas revenir au chêne. Et si c'était le cas, j'essayerais avec une chauffe moins forte. »

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