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Magazine - Histoire

Période : XIXe siècle Lieu : Languedoc-Roussillon Gustave Fayet : homme d'affaires et artiste

FLORENCE BAL - La vigne - n°287 - juin 2016 - page 79

Ce fils d'une famille de propriétaires viticoles a prospéré quand d'autres étaient ruinés. Lorsqu'il ne menait pas ses affaires, il peignait et collectionnait les oeuvres des plus grands peintres.
Portrait de Gustave Fayet par le peintre George-Daniel de Monfreid. ©H. GAUD

Portrait de Gustave Fayet par le peintre George-Daniel de Monfreid. ©H. GAUD

Gustave Fayet dote toutes ses propriétés d'installations ultramodernes et d'immenses capacités de stockage, ici le domaine de Védilhan, dans l'Aude. ©H. GAUD

Gustave Fayet dote toutes ses propriétés d'installations ultramodernes et d'immenses capacités de stockage, ici le domaine de Védilhan, dans l'Aude. ©H. GAUD

Héritier d'une famille fortunée, Gustave Fayet a su faire fructifier le patrimoine qu'elle lui a légué. Figure du Languedoc au début du XXe siècle, il fut un propriétaire de vignes et un homme d'affaire opportuniste ainsi qu'un amateur d'art éclairé, comme le souligne l'essai Gustave Fayet, châteaux, vignobles et mécénat en Languedoc. Ses aïeux bâtissent leur fortune avec la construction du canal du Midi, de 1666 à 1680, d'abord comme entrepreneurs de travaux publics puis « patrons de barques », c'est-à-dire propriétaires de bateaux de transport de marchandises. Pierre Fayet (1737-1823) s'est enrichi dans le transport puis dans le négoce de l'alcool, une activité qui se développera grâce au canal, nouvelle voie d'exportation vers les pays du Nord. Malin, il rachète des propriétés après la Révolution pour produire lui-même des vins. Son héritier, Antoine Fayet, porte ce patrimoine à 588 ha en 1871 puis le distribue à ses enfants.

Gabriel, le père de Gustave, hérite des domaines de Milhau, dans l'Hérault, de Védilhan, dans l'Aude, ainsi que d'un million de francs. Son mariage lui apporte en sus les domaines héraultais de la Dragonne, à Béziers, et de Canet, à Puissalicon. À sa mort, en 1899, Gustave hérite de l'intégralité de cette fortune. Son mariage avec Madeleine d'Andoque de Sériège l'accroît encore. Il va alors mener ses affaires de main de maître, sans scrupule, tout en s'adonnant à son passe-temps : la peinture.

Gustave Fayet applique à la vigne un modèle productiviste de capitalisme industriel, propre à son époque. Face aux crises successives liées à la fraude et à la surproduction de vins, il s'adapte et invente. Il adopte toujours les dernières innovations pour réduire les coûts, améliorer la rentabilité de ses entreprises. Par exemple, il dote toutes ses propriétés de cuves en béton verrées, ultramodernes pour l'époque. Ses immenses capacités de stockage lui permettent d'acheter et de revendre la production d'autres propriétaires au moment le plus opportun. En 1904, il fait construire au domaine de La Dragonne une distillerie industrielle d'une capacité de plus de 15 000 hectolitres.

Il s'associe au distillateur Arthur Combescure avec qui il monte plusieurs affaires à partir de cette époque. Ainsi, en 1906, les deux hommes d'affaires se rendent en Algérie. Ils comprennent immédiatement l'intérêt des vins à fort degré, parfaits pour couper avec ceux, moins alcoolisés, du Languedoc. Leur importation se fera au détriment de nombreux petits producteurs locaux.

En 1907, la crise viticole atteint son paroxysme avec la révolte des vignerons. Gustave Fayet la traverse en faisant prospérer ses affaires. Cette année-là, il acquiert le domaine de Peyrat - 200 ha, dont 140 de vignes. L'année suivante, sa femme achète l'abbaye de Fontfroide, à Narbonne, qu'ils restaureront intégralement. Propriétaire, négociant, distillateur, importateur, homme d'affaires rusé et féroce, « il avait la dent dure, le verbe ironique et un sens critique aigu », soulignent les auteurs du livre.

Au cours de la Première Guerre mondiale, les prix du vin s'envolent sous l'effet de la forte demande de l'armée. Les affaires reprennent. Gustave Fayet est présent sur ce marché, bien sûr. Il vend son vin à l'armée qui réquisitionne son domaine de la Dragonne contre rémunération. Le canal du Midi, dont il est toujours actionnaire, est une autre source de revenus. Alors que les trains sont réquisitionnés pour le transport des troupes, il « arme » deux barques pour le transport de vins et de marchandises, sans doute à prix d'or. Après la guerre, il rebondit encore en louant ses locaux désertés par l'armée à des courtiers.

Le couple possède alors environ 680 ha de vignes répartis sur dix domaines. L'homme mène grand train. Il voyage ou réside dans ses multiples demeures françaises. « Son éducation a fait la part belle à l'érudition et aux beaux-arts », relate le livre. Il est lui-même artiste peintre et fréquente assidûment ce milieu. Il collectionne les oeuvres de contemporains (Redon, Gauguin, Bonnard...) et commande des créations, notamment pour Fontfroide où Odilon Redon peindra deux toiles majeures. Il meurt le 24 septembre 1925, à l'âge de 60 ans, à Carcassonne.

Bibliographie : Gustave Fayet, châteaux, vignobles et mécénat en Languedoc. Ed. Focus Patrimoine, région Languedoc-Roussillon.

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