Depuis quelques années, c'est l'effervescence chez les fabricants de robots. Chacun y va de son invention et met au point son rover électrique chargé de travailler seul dans les vignes ou d'accompagner le vigneron. On se croirait presque sur Mars ! Effidence vise à réduire la pénibilité avec son chariot suiveur porte-charges, Naïo Technologies met au point un robot bineur et Vitirover une tondeuse autonome. Leurs engins rencontrent un vif succès à chaque démonstration ou salon. Leur commercialisation démarre tout doucement.
Effibot
Le transporteur de caisses à vendange
Lors d'une journée technique organisée par le centre vinicole Nicolas-Feuillate, en Champagne, la société Effidence est venue présenter Effibot. Ce robot porte-charge suit à la trace son utilisateur et se déplace seul jusqu'au bout d'un rang de vignes. S'il a déjà fait ses preuves dans l'industrie et l'armée française, son application en viticulture commence tout juste. Mais il semble déjà à même de se déplacer sur des terrains accidentés présentant des dévers jusqu'à 30 degrés.
Au cours de l'essai, Effibot a surpris par sa simplicité d'utilisation. Pour la mise en route et le déplacement, nul besoin de télé-commande. Il suffit de presser le bouton de démarrage situé au-dessus du robot. Ce dernier suit alors à la trace son opérateur en le repérant au moyen d'un laser à balayage placé à 50 cm du sol et opérant sur 360°. Une autre commande renvoit en bout de rang où il s'arrête dès qu'il ne détecte plus de pieds de vigne.
Selon Éric Ploujoux, responsable commercial chez Effidence, Effibot peut se déplacer dans les vignes même en période de pleine végétation. Pour éviter l'arrêt du robot au moindre obstacle, l'opérateur peut le forcer à entrer dans le feuillage en indiquant la profondeur de pénétration autorisée via une interface web. Mais si le palissage est imparfait, une branche en travers du rang peut le stopper comme cela s'est produit lors de la présentation.
« Nous avons testé Effibot, l'an dernier, en Champagne, pendant les vendanges. Il a tenu un jour et demi sans recharge en portant régulièrement entre 150 et 200 kg de caisses en bout de rang », explique Éric Ploujoux. Doté d'une batterie électrique d'une autonomie de 8 à 10 heures, Effibot se charge en 4 heures environ. « Cela pourrait nous aider lors des remplacements de ceps dans les vignes », remarque une viticultrice présente à la démonstration. Selon le constructeur, Effibot porte jusqu'à 300 kg. Donc, aucun problème pour des greffes.
À l'issue de cette présentation, l'enthousiasme de l'audience a cependant été freiné par l'annonce du prix de l'Effibot. Pour s'offrir ce petit jouet, il faut débourser pas moins de 20 000 €. Effidence souhaite déjà aller plus loin dans l'automatisation du travail dans les vignes et réfléchit à la conception d'un robot atomiseur autonome. « Nous sommes déjà en partenariat avec une entreprise spécialisée dans la conception de pulvérisateurs »,assure Éric Ploujoux.
Oz
Un désherbage 100 % mécanique
Naïo Technologies commercialise un robot de binage des rangs : Oz. L'engin peut se déplacer seul dans une parcelle sans abîmer les cultures grâce à deux caméras de guidage situées à l'avant.
Il a déjà fait ses preuves en maraîchage. Mais en viticulture, c'est une autre affaire. Les sols sont moins souvent travaillés, plus irréguliers et caillouteux. Mais Naïo s'emploie à surmonter ce problème. L'entreprise toulousaine travaille sur trois prototypes de robots viticoles. L'Oz 440 est le plus abouti des trois. Naïo Technologies a ajouté un système de doubles roues à cette version viticole du modèle pour accroître sa stabilité. De part et d'autre, à l'arrière, ce robot est pourvu d'un interceps à lame dont l'effacement au passage des ceps est guidé par un capteur à laser. « Pour plus de sécurité, nous envisageons d'ajouter un palpeur devant la lame », précise Matthias Carrière, directeur commercial chez Naïo Technologies.
L'Oz 440 sera mis en vente à partir de novembre à un prix de 21 000 € HT. Mais, compte tenu de sa faible puissance - 0,5 ch -, il sera cantonné aux vignobles plats et aux sols faciles à travailler.
« Pour des terrains pentus ou plus accidentés, nous travaillons sur un prototype chenillard du robot », explique Matthias Carrière. D'une puissance de 2 ch, ce modèle affichera un débit de chantier de 1 à 3 ha/jour et conviendra pour des vignes larges de 1 à 1,50 m. Un robot enjambeur est également en cours d'élaboration et semble, à ce jour le concept le plus adapté à la vigne par sa configuration et sa puissance. « Notre objectif est d'installer les interceps entre les quatre roues de l'enjambeur et d'obtenir un débit de chantier de 5 ha par jour grâce à son moteur de 4 ch », se félicite Matthias Carrière.
Vitirover
Un robot de tonte exigeant
Vitirover a été conçu pour tondre l'herbe dans les vignes en toute autonomie. « Il répond à l'objectif de réduction des herbicides », explique Arnaud de la Fouchardière, directeur général de la société Vitirover. L'engin se déplace seul sur l'espace préalablement défini via une application smartphone. S'il rencontre un cep ou sort de l'espace attribué, il change de direction. Il circule donc dans les vignes sans suivre les rangs. Seul bémol : avec ce mode de guidage par contact, on peut craindre que l'engin blesse les ceps avec sa petite barre de coupe à disques à l'avant. « Impossible, répond Arnaud de la Fouchardière. Le robot n'avance qu'à 200 m/h. Au contraire, le risque est moindre qu'avec un travail du sol classique. » Cependant, au cours d'une démonstration lors du salon Tech & Bio, à Libourne, les 6 et 7 juillet, la majorité des piquets installés pour simuler des rangs de vignes étaient scarifiés à la base, juste à hauteur des lames de coupe du Vitirover. Le fruit du hasard ?
Outre ce point, l'utilisation du robot est assez simple. Tout passe par l'appli du smartphone : marche/arrêt, géolocalisation et contrôle de charge de la batterie. L'opérateur peut aussi commander à l'engin de se rendre sur des « points de parking » définis au préalable, notamment pour libérer la parcelle avant l'arrivée d'un tracteur. Par ailleurs, doté de panneaux solaires, ce robot se recharge en se rendant sur des zones et à des horaires choisis pour leur ensoleillement.
Concernant le débit de chantier, le constructeur conseille d'employer un robot en continu sur 2 ha. « Sur une surface plus grande, il ne peut pas suivre la pousse de l'herbe », explique Jonathan Capron, chargé de la conception des machines chez Vitirover.
Compte tenu de sa faible garde au sol, Vitirover ne semble pas à même de se déplacer sur des sols accidentés. On le voit mal franchir une ornière. De même, les buttes au niveau des cavaillons peuvent gêner ses allers-retours,en particulier sous les fils de palissage, bien que la machine ne fasse que 30 cm de hauteur. Enfin, avant de l'introduire dans une parcelle très enherbée, « une préparation au gyrobroyeur est nécessaire », souligne Jonathan Capron. Ce robot semble donc surtout adapté pour des surfaces planes semées en ray-grass. Arnaud de la Fouchardière affirme en avoir vendu une trentaine dans le monde et n'a pas souhaité nous communiquer les coordonnées de ses clients.