Cognac est le seul vignoble ne produisant que des vins sans IG. L'AOC ne s'y obtient qu'après distillation. C'est également un des rares vignobles français capables d'atteindre des rendements de 250 à 300 hl/ha. Cet atout intéresse les négociants positionnés sur d'autres marchés que le cognac.
« Nous avons des demandes en jus de raisin et en vin de base pour des mousseux de marques françaises. Nous sommes prêts à contractualiser avec les producteurs en leur garantissant un revenu minimum de 5 000 à 6 000 €/ha pendant les cinq premières années de production. Il suffirait de planter 3 500 ha de vigne, soit 5 % du vignoble actuel, pour satisfaire nos marchés », argumente le négociant Xavier Latreuille, à Gémozac, en Charente-Maritime.
Tout semble donc réuni pour lancer une filière de vins de France à hauts rendements. Et pourtant, le projet peine à se concrétiser. En cause : l'aptitude du vignoble charentais à produire indifféremment des vins pour le cognac et des vins de France.
« Tant qu'il n'y aura pas d'étanchéité entre ces deux productions, on est coincé. Rien ne garantit que les viticulteurs, qui obtiennent des autorisations de plantation en vins sans IG, livreront bien leur récolte pour des bases de mousseux ou des vins de France. Au dernier moment, ils peuvent l'affecter au cognac. En ce moment, le cognac assure la meilleure rémunération aux producteurs. Il est donc tentant de privilégier cette production », explique Jean-Christophe Baraud, président du Comité interprofessionnel des moûts et vins des Charentes (CIMVC).
Pour empêcher les va-et-vient, les Charentais ont imaginé une solution en 2015. Ils ont imposé aux demandeurs d'autorisations de plantation en vins sans IG de fournir un contrat les engageant à livrer leurs cinq premières récoltes à un négociant. Mais cette obligation, contraire à la réglementation européenne, n'a pu être maintenue. La proposition avait pourtant séduit beaucoup de producteurs au point que la somme de leurs demandes de plantations de VSIG a atteint 1 200 ha pour un contingent fixé à 400 ha.
Elle a également provoqué de vifs remous au sein de la profession. L'Union générale des vignerons de Cognac (UGVC) s'est fermement opposée à ces contrats dénonçant la faiblesse des prix d'achat des vins et le risque de créer une « viticulture industrielle et gourmande en intrants ». Cette année, le contingent de plantations nouvelles de VSIG est donc tombé à 125 ha pour le bassin.
« La filière de VSIG intéresse des viticulteurs qui veulent se diversifier, notamment dans des zones productives comme les Bon Bois », assure Jean-Christophe Baraud.
Les Charentais cherchent une solution pour séparer le vignoble destiné au cognac de celui dédié aux VSIG. L'idée serait que les vins destinés au cognac soient AOP avec une obligation d'affectation parcellaire. Autre piste explorée : trouver un cépage adapté à la production de vins de base mousseux, mais différent de ceux autorisés pour le cognac. La mission a été confiée en juillet à Jean-Michel Boursiquot, professeur en ampélographie à Montpellier SupAgro. Peut-être trouvera-t-il l'élu parmi les cépages résistants.