Les pépiniéristes refusent d'être considérés comme des fournisseurs lambda. Pour eux, leur travail ne se limite pas à la livraison des plants. « Nous vendons de la matière vivante. Nous travaillons avec les viticulteurs. Et nous sommes là pour leur donner des conseils en amont et assurer un suivi postplantation », insiste David Amblevert, le président de la Fédération française de la pépinière viticole (FFPV).
C'est dans cet esprit que la fédération a présenté « Les douze règles d'or de la plantation », lors de son dernier congrès, du 18 au 20 octobre à Bordeaux. Il s'agit d'un fascicule destiné aux vignerons mais aussi aux conseillers viticoles, aux enseignants, etc. 10 000 exemplaires seront diffusés au salon Vinitech, qui se tiendra du 29 novembre au 1er décembre à Bordeaux. Ce document sera également mis en ligne sur le site de la FFPV. En outre, chaque pépiniériste pourra le distribuer à ses clients après y avoir apposé son tampon.
Rédigé avec l'IFV, ce fascicule enchaîne les conseils agronomiques comme « anticiper la plantation » (trois ans à l'avance), « penser au repos du sol », « choisir avec soin le cépage, le clone et le porte-greffe en fonction de l'objectif de production », « commander les plants à l'avance »...
Des règles de bon sens qu'on imagine connues et appliquées par tous. Eh bien non. « Parfois, les vignerons oublient les fondamentaux », observe David Amblevert. Un constat que partage Olivier Yobrégat, de l'IFV pôle Sud-Ouest. « De temps en temps, les plantations se font dans de mauvaises conditions », souligne-t-il. Il constate ainsi des imprudences : des sols préparés et des vignes plantées au cours de printemps humides, des plantations en été alors qu'il fait chaud et sec. Dans certains cas, c'est l'herbe qui devient trop concurrentielle, dans d'autres, la protection contre le mildiou ou l'oïdium fait défaut, ce qui pénalise la constitution de réserves. « Formaliser le conseil est donc judicieux car on a assisté à une judiciarisation des problèmes », indique Olivier Yobrégat.
Dans le Loir-et-Cher, Michel Badier, conseiller viticole à la chambre d'agriculture, fait le même constat. Dès lors, il incite les pépiniéristes de sa région à formaliser un cahier de suivi des plantations pour prévenir d'éventuels conflits.
En parallèle, les pépiniéristes ont revu leurs conditions générales de vente afin d'y ajouter des conditions générales d'information (CGI). Ces CGI reprennent succinctement « Les douze règles d'or ». Et elles répondent à une obligation légale. En effet, une ordonnance de février 2016 sur le droit des contrats impose un devoir d'information à tous les professionnels : « Celle des parties qui connaît une information dont l'importance est déterminante pour le consentement de l'autre doit l'en informer. » De ce fait, si le viticulteur demande un porte-greffe qui semble inapproprié au pépiniériste, ce dernier a l'obligation de l'en informer.
Lors du congrès de la FFPV, maître Sauvinet, qui défend la FFPV et nombre de ses adhérents, a tiré les conséquences de cette nouvelle disposition. Elle a estimé que les pépiniéristes devaient faire table rase de leurs habitudes pour éviter toutes poursuites. « Ce n'est plus : on discute, on tape dans la main, on prépare la commande et on la dépose. Tout doit être écrit, a-t-elle martelé. Au verso de chaque devis, bon de commande et contrat, il faut impérativement insérer les conditions générales d'information et de vente. Et que chaque page soit signée à côté de la mention "lu et approuvé" par les viticulteurs. Le tout, en deux exemplaires. »
À l'entendre, sans signature, le pépiniériste doit refuser la commande. Et tout ce formalisme doit être reproduit lors de modification ou de nouvelles commandes. « En clair, nous sommes tenus de faire de l'administration avant de travailler dans le cadre de notre profession », a conclu l'avocate.
Reste à savoir si les viticulteurs prendront le temps de se pencher sur cette nouvelle littérature. « Les gens sont habitués aux conditions générales de vente. Ils les signent sans les lire », observe un pépiniériste. Sans doute feront-ils de même avec les conditions générales d'information.
Le Point de vue de
DOMINIQUE GIRAULT, VITICULTEUR SUR 21 HA, À NOYERS-SUR-CHER, DANS LE LOIR-ET-CHER.
« Des plants exempts de maladies du bois »
« Le gros souci dans notre région, ce sont les maladies du bois. J'aimerais qu'on me livre des plants exempts des champignons responsables de ces maladies, mais ce n'est pas gagné. Je sais que c'est une préoccupation des pépiniéristes et qu'ils travaillent dans ce sens. Je réalise des plantations quasiment tous les ans. J'entretiens de bonnes relations avec mon pépiniériste et il me conseille. On discute pour définir le porte-greffe et le cépage les plus adaptés au sol et au profil de vin que je recherche. On regarde ensemble l'analyse de sol, mais je ne suis pas forcément demandeur de conseils sur la plantation en elle-même. Avec l'expérience, j'ai mes habitudes et, jusqu'à présent, je n'ai pas eu de problèmes de reprise. Mais il est vrai que des confrères peuvent avoir besoin de conseils, notamment sur la préparation des sols qui est primordiale. »
Le Point de vue de
FRANCIS TERRAL, VIGNERON SUR 50 HA, À RABASTENS, DANS LE TARN, ET PRÉSIDENT DE VINOVALIE.
« Avant tout qu'il réponde à mes besoins »
« J'attends avant tout de mon pépiniériste qu'il réponde à mes besoins et qu'il tienne ses engagements. Je plante des vignes quasiment chaque année. Or, il m'est arrivé plusieurs fois de ne pas avoir le clone ou le porte-greffe que je souhaitais. Je comprends que les pépiniéristes ont besoin qu'on commande à l'avance pour bien travailler. En ce qui me concerne, pour être sûr d'avoir les bons plants pour mes projets de 2017, j'ai passé commande début 2016. J'attends aussi de mon pépiniériste qu'il garantisse la sécurité des plants vis-à-vis des maladies du bois, des viroses, de la flavescence dorée. À ce sujet, il faut que FranceAgriMer continue de contrôler rigoureusement les vignes mères de porte-greffe et greffons car c'est la garantie de la pérennité de nos vignes. Rappeler les fondamentaux d'une plantation réussie n'est pas inutile quand on sait l'investissement que cela représente. Trop souvent, certains d'entre nous, sous prétexte de vouloir accélérer le processus, oublient de respecter les préalables, comme l'analyse des sols, la fertilisation ou la préparation du terrain.
Le Point de vue de
FABIEN TIÈCHE, VITICULTEUR SUR 3 HECTARES DE VIGNES, À RILLY-LA-MONTAGNE, DANS LA MARNE.
« Qu'il m'accompagne le jour où je rencontrerai un problème »
« Tous les quatre ans, j'arrache et replante quelques ares. Mon pépiniériste me donne de bons conseils et je suis toujours satisfait des plants qu'il me fournit. À chaque fois que j'envisage une plantation, je fais faire une analyse de sol pour voir s'il a besoin d'une fumure de fond. Je la montre à mon pépiniériste et je vois avec lui si le porte-greffe et le clone que j'envisage de planter conviennent au terrain. Je lui demande également des conseils de fertilisation. Je n'ai jamais rencontré de problème de reprise, mais si cela arrive, j'attends de mon pépiniériste qu'il m'accompagne afin que l'on puisse déterminer ensemble d'où vient le problème. Le fait que la Fédération française de la pépinière édite une plaquette sur les pratiques de plantation est une bonne initiative. C'est toujours bien d'avoir un document qui récapitule les choses. »