Un quart. Seuls 24 % des 800 000 ha de vigne que compte la France sont couverts par une assurance récolte. La mise en place d'un contrat socle, en 2016, n'a pas fait bouger les lignes de manière significative. Les viticulteurs, et d'une manière plus large les agriculteurs, ne sont pas convaincus par ce produit.
Les raisons de ce manque d'intérêt sont multiples. La première semble être le défaut d'information sur ce contrat et sur ses avantages. Certains responsables professionnels estiment que les assureurs n'ont pas fait preuve d'assez de pédagogie. Selon eux, ils n'ont pas su mettre en avant les bons arguments face à un public peu réceptif et rebuté par la complexité des contrats avec leur taux de franchise, leur seuil d'intervention et leur rendement assurable. Conscient du déficit d'information, le ministère de l'Agriculture doit publier une plaquette sur le fonctionnement de l'assurance récolte en novembre.
Au-delà de son fonctionnement, « il y a une réelle méconnaissance de son coût réel, estime Jérôme Despey, secrétaire général adjoint de la FNSEA et président du conseil des vins de FranceAgriMer. On peut s'assurer de manière raisonnable avec l'aide de la Pac. C'est pour cette raison que j'ai exposé ma propre situation. »
Un exemple à la loupe
Le 25 août dernier, Jérôme Despey avait détaillé en conférence de presse le montant de son assurance récolte : pour assurer 85 hl/ha et 97 000 € de capital sur son exploitation de 20 ha (basée dans l'Hérault), il paie 2 400 €/an dont il retire 730 € de subvention Pac. En tout, il paie 83,50 €/ha, avec une franchise de 10 % pour la grêle et de 25 % pour les autres risques. Un prix qu'il juge tout à fait correct. Il ajoute : « Il faut combiner l'assurance récolte avec d'autres dispositifs comme le VCI ou la DPA pour avoir une vraie protection contre les aléas. »
L'obligation de faire une déclaration Pac pour bénéficier des 65 % de subvention est un obstacle à la souscription. Si les agriculteurs et les éleveurs sont rompus à cette déclaration, les vignerons en surestiment parfois la complexité. « Faire une déclaration Pac prend une quinzaine de minutes, assure Francis Terral, président de l'union de coopératives Vinovalie (Tarn). Il est vrai que la première année, c'est un peu plus compliqué. Mais vu les enjeux, c'est-à-dire la pérennité de son exploitation, cela ne doit pas être un frein. »
La moyenne qui sert de référence pour évaluer les pertes de récolte est également contestée. Elle est le résultat de la moyenne des cinq dernières récoltes, en retirant la meilleure et la pire de ces cinq années. Avec ce principe, un vigneron qui subit deux mauvaises années en cinq ans voit son rendement assurable diminuer alors qu'il doit payer la même cotisation. Certes, il pourra toujours augmenter son capital garanti. Mais alors, il devra payer une cotisation plus importante.
Des mesures de simplification
Le niveau de franchise est un autre obstacle. « 25 %, ce n'est pas très incitatif, concède Francis Terral. Pour moi, 10 % serait idéal. Dans le contrat de groupe que nous proposons aux 400 adhérents de Vinovalie, ce taux est de 15 %. »
Ces dernières semaines, plusieurs points ont été évoqués avec le ministère de l'Agriculture pour rendre l'assurance récolte plus attractive : baisser le niveau de franchise, revoir le principe de la moyenne olympique qui pénalise les « plurisinistrés », abaisser le seuil de déclenchement (30 %, fixé par Bruxelles) et attribuer l'aide Pac de 65 % à des contrats plus protecteurs que le contrat socle. En effet, pour le moment, seul ce dernier bénéficie de ce taux d'aide. Tous les autres sont moins subventionnés.
D'autres mesures plus contraignantes sont évoquées. Il est ainsi question de conditionner les aides OCM à la souscription d'un contrat. Jérôme Despey y est favorable. Plus encore : certains, voudraient rendre l'assurance récolte obligatoire, comme l'assurance automobile ou l'assurance habitation. Mais cela serait difficile à mettre en place sur le plan réglementaire. Sur le plan politique aussi car de nombreux vignerons ne souhaitent pas s'assurer, privilégiant l'épargne de précaution. « Nous avons des parcelles à différents endroits, ce qui limite les risques, témoigne Joël Jacquet, viticulteur sur 13 ha à Mazan (Vaucluse). Nous préférons nous constituer une épargne et l'utiliser en cas de coup dur. »
Même point de vue chez une viticultrice de la Gironde : « Si ce contrat avait existé au début de ma carrière, j'aurais signé, même si je redoute les expertises des assureurs. Maintenant, je suis propriétaire de mes vignes et je peux assumer une mauvaise année. Je privilégie donc des produits d'épargne. Mais il faut être cohérent et ne pas demander l'aide de l'État en cas de grave sinistre. »
Le Point de vue de
CHRISTOPHE FERRARI, VITICULTEUR SUR 20 HA À IRANCY (YONNE) ET PRÉSIDENT DÉLÉGUÉ DE LA CAVB
« Je m'assure pour un coût qui représente 2 % seulement de mon chiffre d'affaires »
« Je parle souvent de l'assurance récolte aux vignerons car ils ne connaissent pas son fonctionnement. Il y a un défaut d'information à son sujet alors qu'elle soulève de nombreuses réticences. L'obligation de faire une déclaration PAC freine les viticulteurs. La moyenne de référence aussi. C'est le rendement des cinq dernières années moins la meilleure et moins la plus mauvaise de ces années. Une telle référence pénalise ceux qui ont subi deux ou trois petites récoltes successives car leur rendement assurable baisse. Le taux de franchise de 25 % devient alors un handicap. Malgré tout cela, je suis convaincu de l'intérêt de cette assurance. Je suis assuré depuis huit ans. À l'époque, j'avais réalisé de gros investissements. Je ne pouvais pas me permettre d'avoir une année blanche. Pour 20 ha, je paie 3 850 €/an, prix de la subvention déduite, et j'ai une franchise de 25 %. J'assure mes coûts de production pour un montant qui représente seulement 2 % de mon chiffre d'affaires. Cette année, j'ai perdu 80 % de ma récolte... Une exploitation comme la mienne, sans assurance récolte, ne tient pas. En Bourgogne, 3 à 8 % des exploitations viticoles sont assurées. Je pense que cette proportion va progresser après les mauvaises années que nous venons de vivre. La fréquence et l'intensité des aléas sont plus fortes. Il n'y a plus d'orage sans quelques grêlons ! »
Le Point de vue de
MARC SCHUELLER, VITICULTEUR À GUEBERSCHWIHR, SUR 10 HA (HAUT-RHIN)
« Il faut baisser la franchise à 10 % »
« Pour que l'assurance récolte soit attractive, il faudrait ramener la franchise de 25 à 10 % et que l'on puisse s'assurer à la parcelle ou à l'îlot et non plus seulement à l'exploitation. Pour le moment, je ne suis assuré que contre la grêle avec une franchise de 10 %. Il y a un bonus/malus pour la prime en fonction des sinistres. Je suis prêt à prendre une assurance récolte, si son coût net, avec l'aide Pac, n'est pas supérieur à ce que je paye actuellement pour la grêle. Par ailleurs, je pense que ce n'est pas une bonne idée de vouloir rendre cette assurance obligatoire. Nous avons déjà assez d'obligations dans notre métier. Si les contrats deviennent intéressants, les vignerons et les agriculteurs y viendront tous seuls. »