« Nous sommes de plus en plus sollicités sur la pulvérisation confinée. Les vignerons sont inquiets du climat qui règne autour de l'utilisation des produits phyto », indique Philippe Abadie, directeur du service Entreprises, Développement et Formation à la chambre d'agriculture de Gironde. Face à cette situation, celle-ci a conçu un outil qui évalue le temps de travail et le coût à l'hectare d'une pulvé confinée.
Pour bâtir et valider son modèle, elle a travaillé avec quatre domaines dont trois qui souhaitaient acquérir des pulvérisateurs confinés et un qui en possédait déjà. Ces exploitations sont de taille et structure différentes : une en bio, les trois autres en raisonné. Après deux années, les tests effectués donnent déjà de premiers résultats.
« Le facteur clé dans la réflexion, c'est le temps de travail », souligne Philippe Abadie. En effet, sur les quatre domaines, il faut plus de temps avec les panneaux récupérateurs pour protéger le vignoble. Première raison : les manoeuvres en bout de rang. Comme ces pulvérisateurs sont plus larges, ces opérations s'avèrent laborieuses. Deuxième : la lourdeur et le risque de casse des panneaux obligent le conducteur à redoubler de vigilance et à ralentir.
Ces pertes de temps varient d'un domaine à un autre. Ainsi, chez Patrick Vasseur, vigneron sur 12 ha plantés à 3 m dans l'Entre-deux-Mers, la pulvérisation confinée avec un appareil deux rangs dure 8 heures contre 7 heures avec son S21 pneumatique qui traite aussi deux rangs.
Au Château Dillon du lycée Blanquefort, dans le Médoc, la perte de temps a pu être directement mesurée puisque le domaine dispose à la fois d'un pulvérisateur classique six rangs et d'un autre avec panneaux récupérateurs trois rangs. Là, dans ce vignoble planté à 1,5 m entre les rangs, les temps de travaux ont plus que doublé. En effet, 24 h 30 sont nécessaires pour traiter 20 ha en pulvérisation confinée alors qu'avec le pulvé classique, 19 heures suffisent pour les 40 ha que compte le domaine.
À noter un gain de temps lors du remplissage des cuves des pulvés avec panneaux grâce à la récupération des produits. Mais, dans la pratique, ce gain paraît anecdotique. « Quand un vigneron traite une matinée seulement, il prépare moins de bouillie pour qu'il n'en reste plus quand il rentre déjeuner », raconte Philippe Abadie.
Autre résultat mis en évidence par le modèle : la pertinence d'investir dans un pulvé avec panneaux récupérateurs dépend avant tout de la structure des vignobles. Celui de Bernard Gorioux, vigneron dans l'Entre-deux-Mers, semble idéal pour traiter en confiné : « Je possède 20 ha d'un seul tenant avec de larges tournières en bout de rang. Or, je dois changer de pulvérisateur. Le modèle m'apprend qu'avec un appareil confiné je peux tout traiter en 12 h 15. Ce qui me convient. »
Mais le coût des traitements à l'hectare augmente inévitablement malgré les économies évidentes en produits phytosanitaires. Ces économies, la chambre d'agriculture les évalue entre 30 % et 40 % au cours d'une campagne. D'après Patrick Vasseur, elles ne suffisent pas à justifier l'acquisition d'un pulvérisateur confiné. « Cette année, j'ai déboursé 130 €/ha en produits de traitement, pour huit passages. Si j'en avais récupéré 30 %, j'aurai économisé 39 €/ha, soit un peu moins de 500 € pour mon exploitation. Ce n'est rien comparé au surcoût d'un appareil confiné », argumente-t-il.
Dans les quatre exploitations où la chambre d'agriculture a testé son modèle, la pulvérisation confinée coûterait de 13 à 42 % plus cher que la pulvérisation classique, produits et main-d'oeuvre inclus. Chez Éric Chadourne, vigneron sur 38 ha à Bergerac (Dordogne), elle s'élèverait à 718 €/ha alors qu'il lui en coûte 628 €/ha avec son pulvérisateur quatre rangs.
Ces chiffres peuvent faire douter de l'intérêt d'acheter ces nouveaux pulvérisateurs. Mais l'outil de la chambre d'agriculture n'est qu'un modèle. « Nous n'avons considéré que l'achat de matériel neuf, avertit Philippe Abadie. Si le vigneron acquiert un pulvé confiné d'occasion, le coût à l'hectare sera moindre. Et nous ne sommes qu'aux débuts de cette technologie. La technique n'a pas fini d'évoluer. Les vignerons attendent la sortie de nouveaux modèles. »
Un modèle simplifié attendu au Vinitech-Sifel
Le modèle développé par la chambre d'agriculture de Gironde n'est pas destiné à être utilisé librement par les viticulteurs. « Il faut prévoir une journée de travail pour faire le diagnostic d'une exploitation. Nous notons en effet toutes les données parcelle par parcelle : surface, configuration, distance de plantation, largeur des tournières », souligne Philippe Abadie, directeur du service Entreprises, Développement et Formation. La chambre d'agriculture garde donc cet outil pour ses propres calculs. Mais elle prévoit de mettre une version simplifiée à la disposition des vignerons. Il suffira d'indiquer la surface à traiter et la quantité de produits utilisée. « Avec ce modèle simplifié, la marge d'erreur est de 5 %. Cela reste donc un bon outil d'aide à la décision », explique Philippe Abadie. Ce nouvel outil sera présenté au salon Vinitech-Sifel 2016, qui se tiendra du 29 novembre au 1er décembre, à Bordeaux.
Le Point de vue de
BERNARD GORIOUX, VIGNERON DANS L'ENTRE-DEUX-MERS, 20 HA PLANTÉES À 2 M
« Pour moi, la pulvérisation confinée est pertinente »
« J'ai deux pulvérisateurs : un vieux S21 qui génère beaucoup de dérive et un Weber à flux tangentiel de 15 ans. Ce dernier provoque moins de dérive, mais je perds néanmoins beaucoup de produit lors des trois premiers traitements lorsque la végétation est encore peu développée. J'ai 61 ans et ma fille de 20 ans souhaite reprendre le domaine familial. Je voudrais donc renouveler mon matériel de pulvérisation. D'où mon questionnement sur la pulvérisation confinée. La chambre d'agriculture a fait une simulation avec son outil. Résultat : l'acquisition d'un pulvérisateur confiné semble pertinente. Étant en bio, je n'utilise que des produits de contact. Pour traiter face par face, je dois passer dans tous les rangs car mes pulvés ne travaillent que sur deux demi-rangs. Avec un appareil à panneaux récupérateurs traitant deux rangs par passage, je pourrais tout traiter en 12 h 15. Mes vignes sont d'un seul tenant, autour de mon exploitation, avec de larges tournières. Je perdrai peu de temps lors des manoeuvres et si j'ai un problème sur la machine, je pourrai aller chercher rapidement un outil à l'atelier. Le modèle a aussi relevé une consommation moyenne de cuivre de 2,9 kg/ha/an avec les panneaux récupérateurs contre 4,8 kg/ha/an aujourd'hui. L'économie serait donc conséquente. De plus, les panneaux récupérateurs me permettront de m'affranchir des problèmes liés au vent. »