Retour

imprimer l'article Imprimer

VIGNE

Pulvés L'alternative aux confinés

LUCIE MARNÉ - La vigne - n°298 - juin 2017 - page 42

Équipés de buses à injection d'air, les pulvérisateurs face par face à jet porté réduisent la dérive et l'utilisation des produits phyto. Une bonne alternative aux panneaux récupérateurs beaucoup plus chers.
LE PULVÉRISATEUR TECNOMA avec descentes PréciJet à jet porté figure parmi les pulvérisateurs homologués par le ministère de l'Agriculture pour réduire la dérive. © GUTNER

LE PULVÉRISATEUR TECNOMA avec descentes PréciJet à jet porté figure parmi les pulvérisateurs homologués par le ministère de l'Agriculture pour réduire la dérive. © GUTNER

« Les panneaux récupérateurs, c'est la Rolls-Royce des pulvérisateurs », affirme Michaël Graciano, conseiller en agroéquipement à la chambre d'agriculture du Loir-et-Cher. Et pour cause : ils n'ont pas leur pareil pour réduire la dérive des produits phytosanitaires. Mais ces machines coûtent en moyenne 35 000 €. Ce qui est loin d'être à la portée de tous !

Pour améliorer la pulvérisation et réduire la dérive, il existe une alternative meilleur marché : les pulvérisateurs à jet porté, homologués antidérive par le ministère de l'Agriculture. Pour être efficaces, ces appareils doivent être équipés de buses à injection d'air.

« Ces pulvés limitent la dérive car ils produisent de plus grosses gouttelettes, entre 200 et 400 micro-mètres de diamètre », explique Renaud Cavalier, conseiller en agroéquipement à la chambre d'agriculture du Gard.

Mais, à ce jour, « 70 à 80 % des pulvérisateurs utilisés en vignes larges sont des voûtes pneumatiques », souligne Adrien Vergès, technicien à l'IFV de Montpellier (Hérault). Certes, ils sont bon marché : 15 000 € contre 20 000 € en moyenne pour un pulvérisateur face par face à jet porté. Cependant, ils ne permettent pas de réaliser autant d'économies de produits phytosanitaires.

Pour Adrien Vergès, le calcul est vite fait : « En début de végétation, avec un face par face à jet porté, vous pouvez fermer deux buses sur quatre puisque la végétation est peu développée. Ainsi, vous limitez la dérive et vous divisez par deux la quantité de bouillie employée. Avec une voûte pneumatique, c'est impossible. » Et d'ajouter : « De manière générale, comme le produit est bien mieux appliqué avec un pulvérisateur face par face à jet porté qu'avec une voûte pneumatique, on peut réduire les doses jusqu'à 30 %. »

Autre atout des face par face à jet porté : leur débit de chantier supérieur à celui des pulvés confinés. « Avec ces appareils, on traite en général trois rangs, tandis qu'on ne peut en traiter que deux, pour le moment, avec les panneaux récupérateurs en vignes larges », souligne Adrien Vergès.

Question vitesse de travail, en pulvérisation confinée, on peut rouler jusqu'à 10 km/h. Avec le face par face à jet porté, les techniciens conseillent 8 km/h au maximum. « Au-delà, on risque de dégrader la qualité d'application », précise Christophe Auvergne, conseiller agroéquipement à la chambre d'agriculture de l'Hérault. Mais cette vitesse de travail reste supérieure à celle préconisée pour un traitement avec un pneumatique : entre 4 et 5 km/h.

« De plus, les réglages des pulvés face par face à jet porté sont beaucoup plus simples que ceux des voûtes pneumatiques, souligne Adrien Vergès. On gère seulement la pression en fonction des buses choisies. Il y a donc peu de chance de se tromper. »

Pour le choix des buses, Renaud Cavalier conseille d'utiliser les oranges et vertes IDK de chez Lechler, plus adaptées à la viticulture. « Ce sont des buses de petit diamètre, à injection d'air, avec un dispositif de filtration efficace, indique-t-il. Les Teejet AIXR fonctionnent sur le même principe. » En général, ces buses sont proposées pour des cônes d'aspersion d'un angle variant de 80 à 110°. Le choix de l'angle d'aspersion doit se faire en fonction de la distance entre les buses sur les descentes du pulvérisateur. Plus les buses sont éloignées entre elles, plus il faudra un angle ouvert.

Seul inconvénient de ces buses : elles ont tendance à s'encrasser. Comme elles fonctionnent à basse pression et disposent en général d'une fente, le débit y est donc assez faible : 0,5 l/min en moyenne. Il faut alors veiller à les nettoyer régulièrement et opter pour un système de filtration assez pointu que l'on place avant les buses. « Mais il faut aussi soigner la préparation des bouillies. Les phytos en poudre mal dissous dans l'eau peuvent encrasser des buses », avertit Renaud Cavalier.

Les pulvérisateurs face par face à jet porté ont donc déjà séduit les conseillers, même si la pulvérisation confinée reste le meilleur moyen d'éviter la dérive. À quand la conquête des viticulteurs ? Ceux qui hésitent encore entre ces deux modèles peuvent attendre que le prix des panneaux récupérateurs diminue. Mais il y a peu de chances. « Tant que les grands constructeurs ne se seront pas penchés sur cette technologie, les prix ne sont pas près de baisser », regrette Philippe Abadie, directeur du service Entreprises-Développement-Formation à la chambre d'agriculture de la Gironde.

Une liste officielle de pulvés antidérive

Le 22 mai dernier, le ministère de l'Agriculture a remis à jour la liste des pulvérisateurs avec lesquels on peut réduire à 5 m la largeur de la ZNT aux abords des points d'eau. Cette liste comprend dix-huit pulvérisateurs face par face à jet porté, quatorze panneaux récupérateurs, un face par face à jet projeté et seulement un pneumatique. Ces appareils sont reconnus par l'administration pour réduire la dérive des produits de traitement, mais ils ne sont pas évalués pour leur qualité d'application des produits phytosanitaires. Pour figurer sur cette liste, les constructeurs doivent effectuer une demande auprès du ministère de l'Agriculture. Leurs dossiers sont ensuite étudiés par l'Irstea. Les pulvérisateurs face par face à jet porté avec buses à injection d'air sont automatiquement validés. Pour mesurer plus justement la dérive, l'Irstea et l'IFV travaillent actuellement sur la création d'un vent artificiel sur leur banc d'essais baptisé EvaSprayViti.

Retrouvez la liste des pulvérisateurs homologués pour réduire les ZNT sur www.gippulves.fr.

Le Point de vue de

ROBERT BELTRAN, 60 HECTARES, À OLONZAC, DANS LE GARD

« En plus de limiter la dérive, je fais des économies de phytos »

« J'ai acheté un pulvérisateur Weber en face par face à jet porté avec lequel je peux traiter deux rangs à la fois. J'ai opté pour ce matériel car je souhaitais réduire la dérive et faire moins de bruit lorsque je traite aux abords d'habitations. J'appréhendais un peu avant d'investir dans cet appareil. Il m'a coûté 30 000 € HT tout de même ! Mais je ne suis pas déçu. Non seulement je limite la dérive, mais je fais une grosse économie de produits phytosanitaires. Auparavant, avec mon Calvet à voûte pneumatique, je pouvais traiter 10 ha lors des trois premiers passages en début de saison. Maintenant, avec la même quantité de bouillie, j'atteins 22 ha. Par ailleurs, j'ai remarqué qu'avec le pulvérisateur Weber, je consomme environ 30 % de moins de carburant qu'avec le pulvé pneumatique car il demande moins de puissance. En revanche, je ne traite que deux rangs à la fois alors que j'en faisais quatre avec le Calvet. Mais le traitement ne me prend pas beaucoup plus de temps puisque je peux rouler à 7,5 km/h, alors que je n'avançais qu'à 4 km/h. La qualité d'application est aussi bien meilleure, même à cette vitesse. Cependant, il faut que je sois plus concentré car la conduite est plus délicate : au moindre écart, on risque de casser les rampes. Mais c'est un coup de main à prendre. »

Cet article fait partie du dossier

Consultez les autres articles du dossier :

L'essentiel de l'offre

Voir aussi :