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VIGNE

Pulvé confinée Êtes-vous prêt à y aller ?

LUCIE MARNÉ - La vigne - n°299 - juillet 2017 - page 34

Fabricants et conseillers ne tarissent pas d'éloges sur les pulvérisateurs à panneaux récupérateurs. Les viticulteurs, eux, constatent qu'ils suppriment la dérive, mais sont réservés quant au débit de chantier. Essais dans le Layon.
L'ARCOBALENO de Bertoni a séduit les viticulteurs lors de la démonstration du 16 juin. PHOTO : L. MARNÉ

L'ARCOBALENO de Bertoni a séduit les viticulteurs lors de la démonstration du 16 juin. PHOTO : L. MARNÉ

Une trentaine de viticulteurs à Amboise (Indre-et-Loire), le 14 juin dernier, plus de 60 le lendemain, aux Ulmes (Maine-et-Loire), et une quarantaine, le 16 juin, à Cléré-sur-Layon (Maine-et-Loire). Les démonstrations de pulvérisation confinée attirent du monde ! Du moins dans le Val de Loire.

« C'est impressionnant ! On est loin des vieux pulvés qu'on utilisait dans le temps, se remémore Gabriel Bodin, ancien ouvrier viticole venu assister à la démonstration du 16 juin, organisée par l'ATV 49. Avant, lorsqu'on arrivait en bout de rang, on était jaune de soufre ! »

Gabriel Bodin et son épouse Georgette étaient aux premières loges pour assister à la présentation des huit pulvérisateurs avec panneaux récupérateurs, sur une parcelle de gamay du Domaine de Brossay, à Cléré-sur-Layon. Au programme : des démonstrations de matériels italiens et français, à jet porté ou pneumatiques, mais tous dotés de panneaux récupérateurs.

Au démarrage des machines, dans les vignes plantées à 1,90 m, les viticulteurs ne tarissent pas d'éloges. « On ne voit plus du tout de brouillard », s'étonnent-ils. Gérard Besnier, conseiller en agro-équipement de la chambre d'agriculture de la Loire-Atlantique, leur explique que, pour parvenir à ce résultat, il faut opter pour des buses à injection d'air qui forment de grosses gouttes et limitent la dérive. En combinant ces buses sur des rampes à jet porté avec les panneaux récupérateurs, la qualité de pulvérisation s'améliore nettement. « L'an dernier, malgré les conditions particulièrement difficiles, je n'ai pas eu de problèmes de mildiou et je suis parvenu à faire des économies de produit », se réjouit Alain Poupard, viticulteur à Martigné-Briand, équipé d'un pulvérisateur confiné Friuli depuis deux ans.

Les économies de produits phytosanitaires : c'est bien ce point qui semble motiver la plupart des visiteurs présents. « L'an dernier, j'ai récupéré en moyenne 55 % de produit, ce qui représente une économie de 9 900 €. Je pense donc rentabiliser mon pulvé en cinq ans, voire trois », se réjouit Alain Poupard. Didier Vazel, viticulteur au Domaine de Brizé, à Martigné-Briand, est confiant : « Avec mon pulvérisateur en face par face à jet porté, j'ai déjà fait entre 40 et 50 % d'économie par rapport à mon ancien pulvérisateur pneumatique. Je suis convaincu que le surcoût engendré par l'achat de panneaux récupérateurs peut être rapidement compensé par la réduction des produits phytosanitaires. »

D'autant plus que des aides existent. « Pour l'achat de mon pulvé Friuli, qui m'a coûté 43 000 €, j'ai pu bénéficier des aides du PCAE [plan de compétitivité et d'adaptation des exploirtaations agricoles NDLR] à hauteur de 16 000 € », explique Alain Poupard. Et d'ajouter avec une pointe de sarcasme : « Pour le moment, je ne les ai toujours pas reçues... »

Ces aides, peu de viticulteurs semblent en bénéficier. « J'ai acheté un pulvérisateur Bertoni avec panneaux récupérateurs, mais je n'ai pas fait de demande de PCAE. Le dossier est compliqué à monter et on n'est même pas sûr d'obtenir quelque chose », explique Jean-Marc Trahan, vigneron dans les Deux-Sèvres. Pour son voisin François Martin, la question ne se pose pas : « J'habite dans la région Nouvelle-Aquitaine. Et cette année, il n'y a pas d'aides PCAE », regrette-t-il.

Même s'ils sont convaincus de leur intérêt, les viticulteurs expriment des réticences vis-à-vis des panneaux récupérateurs. « J'aimerais bien investir, mais vu la configuration de mon vignoble, je crains de devoir arracher quelques souches en bout de rang pour pouvoir tourner facilement avec ces machines », admet Hubert Deffois, viticulteur au Domaine de Brossay. Autre point qui fait débat : le débit de chantier plus faible avec les panneaux récupérateurs. « Si j'investis dans ce type de matériel, je devrais peut-être former un tractoriste pour ne faire que des traitements. Actuellement, je traite six faces par passage. Les pulvés confinés sur le marché pour vignes larges ne traitent que deux rangs à la fois », souligne Didier Vazel.

Pour Alain Poupard, il y a d'autres critères à considérer : « Auparavant, j'avais un pulvérisateur à rampes pneumatiques qui traitait trois rangs à la fois. Même si mon Friuli n'en fait que deux, cela m'arrange car j'enherbe mes vignes un rang sur deux. Ainsi, je ne peux passer que tous les deux rangs avec mon tracteur. »

À l'issue des démonstrations, le débat s'engage sur les machines présentées entre les viticulteurs intéressés et ceux qui ont déjà franchi le cap. Les modèles italiens Bertoni et Friuli semblent séduire. « Le pulvé Bertoni fonctionne avec des systèmes de ventilation électriques. Cela consomme beaucoup moins de carburant que les ventilations hydrauliques », note François Martin.

Gabriel Bodin, taquin, a suivi avec intérêt cette présentation et ne voit qu'un seul point négatif aux panneaux récupérateurs : « Un jour, les gens de l'Inao sont venus au bout de ma parcelle. Au lieu de couper la pulvérisation, j'en ai remis un petit coup, histoire de colorer un peu leurs chemises blanches ! Avec ces outils, ce ne sera plus possible ! »

Le Point de vue de

FRÉDÉRIC ROGER, VITICULTEUR SUR 30 HA, À MARTIGNÉ-BRIAND (MAINE-ET-LOIRE)

« Je veux limiter la dérive au sol pour protéger les mycorhizes »

 PHOTO : L. MARNÉ

PHOTO : L. MARNÉ

« Je suis installé sur l'exploitation familiale avec mes parents depuis sept ans. Pour les traitements, je dispose d'un pulvérisateur à voûte pneumatique qui traite trois rangs à la fois. Mais actuellement, je teste des couverts pour stimuler la vie du sol. Je veux donc limiter la dérive des produits phytosanitaires au sol. Je crains que les fongicides détruisent les mycorhizes. J'aimerais investir dans un pulvérisateur avec panneaux récupérateurs. Même si cela me coûte cher à l'achat, en réduisant par trois ma consommation de produits phytosanitaires, je devrais rapidement rentrer dans mes frais.

Pour le choix du matériel, je pense m'orienter vers un modèle italien comme un Bertoni ou un Friuli.

Ces appareils semblent plus robustes que les français. J'ai plus confiance dans des matériaux comme le laiton ou l'Inox que dans le plastique.

D'autre part, le service après-vente semble réactif et il est enclin à faire des adaptations du matériel si je le souhaite. Mais c'est probablement pour cela que le matériel coûte beaucoup plus cher. »

Le Point de vue de

FRANÇOIS MARTIN, VITICULTEUR SUR 60 HA, À VAL-EN-VIGNES (DEUX-SÈVRES)

« Il n'y a d'aides que pour les jeunes et les bio »

 PHOTO : L. MARNÉ

PHOTO : L. MARNÉ

« Pour traiter mes vignes en AOC Anjou, j'utilise un pulvérisateur pneumatique avec des rampes face par face. J'aimerais bien investir dans un pulvérisateur avec panneaux récupérateurs pour la prochaine campagne de traitements. L'objectif premier est de limiter la dérive. La conduite de cet outil ne m'inquiète pas, surtout que maintenant il y a de nombreux automatismes qui facilitent les manoeuvres. Il suffit d'appuyer sur un bouton pour mettre la pulvé en route et l'écartement des panneaux s'effectue automatiquement. Pour acheter ce type de matériel, je souhaiterais bénéficier des aides à l'investissement du PCAE. 35 % d'aide pour un outil qui coûte entre 35 000 et 40 000 €, ce n'est pas négligeable. Mais actuellement, il n'y a pas d'aide dans la région Nouvelle-Aquitaine. Je trouve cela injuste et incohérent. J'ai l'impression qu'elles ne sont proposées que pour soutenir les bio et les jeunes agriculteurs. Pour les autres qui souhaitent faire des efforts, il n'y a rien. »

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