Xavier Peze a longtemps été caviste dans le centre de Reims avant de tenter l'aventure Comptoir des Vignes. Il apprécie de pouvoir s'appuyer sur une structure centralisée tout en faisant ses propres choix. E.-A. JODIER
Face à ce client qui tient à faire plaisir en offrant du vin, sans être lui-même consommateur, le caviste doit vite proposer la bonne bouteille. Un exercice périlleux. E.-A. JODIER
La boutique de 170 m2, aux larges allées pour faciliter la circulation, présente les vins dans des meubles élégants et modulables. E.-A. JODIER
La boutique est située dans une zone commerciale : places de parking, chariots... Tout est conçu pour faciliter l'achat. « Et la présence de Grand Frais, juste à côté, amène beaucoup de monde », confie Xavier Peze. E.-A. JODIER
« Celui-ci, il part par cartons entiers !, indique Xavier Peze. C'est un côtes-de-gascogne des vignobles Uby. Il plaît pour son côté sec et fruité et jouit d'une bonne notoriété tout en se différenciant du Tariquet. » Prix : 4,90 €/col.
C'est une belle journée de septembre dans le vignoble champenois où les vendanges battent leur plein. Le soleil réchauffe la zone commerciale de Cormontreuil, dans la Marne, à quelques kilomètres de Reims. C'est ici, niché entre Grand Frais et un chocolatier, que se trouve le Comptoir des Vignes de la ville. Un endroit inhabituel pour un caviste. Mais sa grande baie vitrée invite à entrer.
La vitrine ouvre sur un magasin clair, aux couleurs sobres et élégantes. Le bois se mêle aux bouteilles dans un décor simple et contemporain. Il est 14 heures en ce vendredi ensoleillé. Une cliente entre avec assurance. « Je voudrais un bourgogne », annonce-t-elle sans préambule, mais avec le sourire. Xavier Peze, le maître des lieux, cerne rapidement sa cliente tout en déclinant sa gamme, du vin le plus abordable au plus cher. « Quel prix comptiez-vous mettre ? », demande-t-il. « Environ 15 euros. » « C'est pour garder ? » « Non, non, c'est pour consommer ce soir. » La cliente souhaitant un rouge, Xavier Peze l'oriente vers un hautes- côtes-de-beaune à 14,90 euros.
« Ici, la majorité des achats - peut-être six sur dix - concerne des cadeaux », note Xavier Peze. Un défi parfois difficile à relever.
Un client se dirige avec conviction vers le caviste : « Bonjour, je viens chercher de quoi offrir. Je vais prendre une bouteille de rhum et une bouteille de vin pour un total de 50 euros. » Pour le rhum, le client sait ce qu'il veut, mais pour le vin, c'est l'inconnu. « Je vous laisse décider. Je n'y connais rien : je ne bois pas ! C'est pour offrir à mon frère », indique le client tatoué aux allures de rugbyman. C'est alors au caviste de trouver assez vite une réponse car les clients ne s'attardent pas dans le magasin. « On va lui faire découvrir quelque chose d'original alors, suggère-t-il. Il aime le rouge, les vins charpentés ? » « Oui, ça devrait lui plaire... », subodore le jeune homme. Xavier Peze porte son choix sur un 100 % négrette : « Une belle appellation, Fronton, et un chouette domaine, Le Roc », s'amuse le caviste. La cuvée La Folle Noire, à 9,90 €, fait mouche avec son étiquette dans le style de Tim Burton.
« Pour offrir », c'est la raison la plus invoquée par les clients ce jour-là. Et pour tous, l'acte d'achat doit être rapide. Les gens sont peut-être intimidés par ce nouvel espace qui se donne des allures de grande distribution. Certains, pressés, vont donc droit au but et font appel au caviste.
Une jeune femme se dirige directement vers lui sans même jeter un oeil aux présentoirs disposés le long du parcours. « C'est pour faire un cadeau à quelqu'un qui aime beaucoup les côtes-du-rhône, explique-t-elle. Je pensais offrir trois bouteilles, qu'est-ce que vous pourriez me conseiller ? » La cliente ne boit pas elle-même et n'est pas très à l'aise pour faire son choix. Le caviste lui explique avec des mots simples : « Je peux vous proposer des petits vins faciles à boire ou alors un grignan, un peu plus puissant et poivré. Après, on monte un peu en gamme, un saint-joseph par exemple. Les vins sont autour de 10 euros. Vous comptiez mettre quel budget ? » « Autour de 8 euros la bouteille », répond la jeune femme. « Vous souhaitez des vins rouges ? », s'enquiert le caviste. « Oui ! C'est ce qu'il préfère ! » Devant l'hésitation de sa cliente, Xavier Peze tranche : « Restez sur un grignan, en plus, c'est un chouette vigneron qui fait également des truffes ! » La cliente repartira avec trois bouteilles du domaine de Montine, à 7,90 €.
Pour emballer le tout, le caviste est bien équipé. « C'est un des avantages de Comptoir des Vignes : j'ai accès à un assortiment de boîtes cadeaux et de pochettes, tout est prêt ! Il y a même des petites fiches "mets et vins" à disposition, les gens apprécient beaucoup. » Un gain de temps appréciable.
Décoration, affiches, outils promotionnels : tout est pensé par la maison mère. Xavier Peze fait simplement son choix entre ces différents éléments pour organiser son magasin et pour signaler ses offres. « J'apprécie le côté clé en main, explique-t-il. Je bénéficie d'un soutien logistique et d'un appui marketing non négligeable. »
C'est en 2009 que C10, distributeur de boissons pour le réseau CHR, a lancé Comptoir des Vignes. Une enseigne réservée à ses adhérents. L'entreprise a mis ce concept en place pour simplifier l'achat de vin et s'ouvrir à un large public. D'ailleurs, dès l'entrée de la boutique, on trouve des thés, cafés, alcools forts et spiritueux. Ce mélange des genres attire une clientèle qui pourrait se sentir intimidée s'il n'y avait que des vins à la vente, selon le caviste. « Chez nous, les gens découvrent une façon décomplexée de vendre du vin », assure-t-il.
Entre 300 et 400 références se bousculent dans la boutique. Pour constituer son assortiment, Xavier Peze puise dans le catalogue C10, réservé à l'enseigne Comptoir des Vignes. « Mais je n'ai pas de contrainte, je peux aussi définir ma propre sélection. C'est alors à moi de me fournir auprès des vignerons », explique Xavier Peze. La moitié des vins qu'il vend sont issus du catalogue, l'autre relève de son choix.
Le commerçant a son réseau et l'expérience pour lui : « J'ai été caviste pendant une quinzaine d'années dans le centre de Reims, commence-t-il. Puis j'ai fait un petit passage dans la grande distribution avant d'avoir la chance de travailler ici à l'ouverture de l'enseigne. » Il s'est simplement adapté à ce nouveau cadre.
« Dans les environs de Reims, la concurrence est rude pour le champagne ! Beaucoup de gens vont acheter directement chez le vigneron. » Il a donc pris le parti de ne pas multiplier les offres et se contente d'une vingtaine de références, « une petite sélection vraiment à moi », souffle-t-il. C'est ce qui fait, après tout, la qualité d'un bon caviste, qu'il dépende ou non d'une enseigne.
DES ASTUCES POUR UN ACCUEIL EFFICACE
- Xavier Peze laisse les cartons apparents. « Ainsi, je peux savoir d'un coup d'oeil où en sont mes stocks et je mets les cartons de mes fournisseurs en valeur. Comme ils sont de plus en plus décorés, cela attire l'oeil. »
- Il ne classe pas les vins par prix. « C'est volontaire. Cela évite que les clients se fixent un montant, sans regarder ailleurs. » En brouillant un peu les pistes, il s'assure que les amateurs s'ouvrent à d'autres possibilités.
- Il soigne le passage en caisse. Les emballages cadeaux pratiques font gagner du temps et des petites fiches d'accords mets et vins rendent l'éventuelle attente plus sympathique. « Les gens aiment bien les emporter. »
Le Point de vue de
LOÏC TOULEMONDE, RESPONSABLE DU RÉSEAU COMPTOIR DES VIGNES
« On a gommé le côté masculin des cavistes »
« Le réseau Comptoir des Vignes a été créé en 2009 par C10. Nous offrons à nos adhérents la solidité d'une marque, une centrale d'achats et des services logistiques et de marketing. Nous leur proposons une sélection exclusive de produits, des visuels pour promouvoir nos offres et du mobilier. Nous avons choisi de nous installer dans les zones commerciales. Les femmes effectuent la majorité des achats de vins. On a pensé qu'il fallait s'implanter là où elles font leurs courses et proposer des magasins où elles se sentent à l'aise. Nous avons donc gommé le côté masculin des cavistes traditionnels. Nous privilégions les grands espaces pour pouvoir passer avec son chariot. Le client peut avoir un peu peur du vin. Nous en présentons donc une image décomplexée. Et même si le conseil est assuré par le caviste, le client peut choisir seul grâce à un classement par région et à des prix clairement affichés. »