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VIGNE

Tracteur Halte aux vibrations

LUCIE MARNÉ - La vigne - n°292 - décembre 2016 - page 38

Les chauffeurs de tracteur sont soumis à des vibrations, sources de maux de dos. Voici les pistes à suivre pour réduire ces désagréments. La plupart sont simples et de bon sens.
L'ENTRETIEN DU SOL EST LA PREMIÈRE PRÉCAUTION à prendre pour éviter les secousses du tracteur. © C. WATIER

L'ENTRETIEN DU SOL EST LA PREMIÈRE PRÉCAUTION à prendre pour éviter les secousses du tracteur. © C. WATIER

1. Entretenez les chemins et les tournières

« Avant de changer les sièges des tracteurs pour diminuer les secousses en cabine, on commence par envisager des solutions plus globales comme l'entretien des chemins et des parcelles », explique Jean-Xavier Tisserand, gérant de Vibr'action, bureau d'étude spécialisé dans la mesure des vibrations subies au travail. On constate en effet que beaucoup de vibrations sont transmises au corps lors des manoeuvres en bout de rang, ainsi que pendant la conduite sur les chemins ou les routes.

Depuis une étude menée par Vibr'action sur son vignoble, Veuve Clicquot veille davantage au bon entretien de ses chemins et tournières. Et « quand nous ne pouvons pas remettre en état un chemin très endommagé, nous avons identifié des trajets pour se rendre dans les vignes en l'évitant », souligne Patrice Colteau, responsable du parc matériel du vignoble de cette maison champenoise. Le domaine Schlumberger, en Alsace, entretient aussi les chemins d'accès à ses parcelles : « C'est en général aux communes de le faire. Mais comme nous sommes le seul domaine de la commune, nous entretenons les chemins nous-mêmes », explique Claude Vanyeck, tractoriste au domaine.

2. Supprimez les ornières dans vos parcelles

« Bizarrement, ce n'est pas la conduite dans les vignes qui génère le plus de vibrations, car le tracteur roule alors à faible vitesse », remarque Jean-Xavier Tisserand. Mais pour les travaux à vitesse élevée, gare aux ornières ! « Avant un rognage, nous passons avec un outil de travail du sol à l'arrière du tracteur suivi d'un rouleau cranté de type cross-kill pour supprimer les ornières dans les interrangs, explique Patrice Colteau. Ça limite par la suite les cahots lors de la conduite du tracteur et facilite également le travail des salariés à pied. »

3. Gérez votre temps de travail

En plus de toutes ces précautions physiques, un aménagement du temps de travail et une sensibilisation des tractoristes sont nécessaires. Pour Claude Vanyeck, c'est une question de bon sens : « On conseille à nos conducteurs de faire des pauses au moins toutes les deux heures pour se dégourdir les jambes. Mais cela va de soi »

Chez Veuve Clicquot, l'aménagement du temps de travail porte également sur la conduite des minipelles sur roues utilisées pour l'arrachage des ceps. « Cette activité génère des secousses lorsqu'on enlève la terre qui reste collée au godet », remarque Patrice Colteau. Les salariés ne doivent donc pas passer plus d'une demi-journée d'affilée au volant de ces machines. Sur route, les recommandations sont simples. Pour réduire les risques de troubles musculo-squelettiques (TMS) causés par les vibrations, il faut rouler moins vite et moins longtemps. « Nos tractoristes souffrant de problèmes de dos sont accompagnés par un collègue en voiture lorsqu'ils ont de longs trajets à parcourir. Ils en font la moitié, puis ils se font remplacer », explique Patrice Colteau.

4. Veillez au bon état de vos tracteurs

Lorsque les aspects d'organisation et de structure du vignoble ont été abordés, il faut s'intéresser aux tracteurs. À commencer par les pneus : « Attention aux pneus gonflés à l'air et à l'eau pour le travail en pente : sur la route, ils génèrent plus de vibrations que ceux gonflés uniquement à l'air », note Jean-Xavier Tisserand.

Veuve Clicquot a porté une attention particulière aux suspensions de ses tracteurs. « Nous avons effectué des mesures sur les suspensions dotées de boules d'azote et remarqué qu'elles réduisent nettement les vibrations. Désormais, tous nos nouveaux tracteurs en sont équipés », explique Patrice Colteau. À noter que les enjambeurs trois roues disparaissent peu à peu de ce domaine car ils ne disposent pas de suspensions à l'avant. Même si un tracteur est correctement suspendu et équipé de pneus adéquats, il convient de l'utiliser pour une tâche et avec un outil qui lui correspondent. Jean-Xavier voit souvent « des vieux tracteurs peu puissants employés pour le travail du sol qui secouent le chauffeur dans tous les sens ».

5. Prenez des sièges pneumatiques

« Le siège constitue le dernier rempart entre les trépidations du tracteur et la colonne vertébrale du conducteur », avertit Jean-Xavier Tisserand. « J'ai souffert d'une hernie discale en 2000, explique Claude Vanyeck. J'ai alerté ma direction sur ce problème. Depuis, tous les tracteurs de notre domaine sont pourvus de sièges à suspensions pneumatiques. »

Mais attention à bien prendre un siège adapté à la machine car tous n'atténuent pas les mêmes vibrations. « Un siège de tracteur doit atténuer les basses fréquences produites sur ces engins, alors que celui d'un chariot élévateur doit agir sur des fréquences plus hautes », souligne Jean-Xavier Tisserand.

6. Réglez votre siège à votre poids

Un siège neuf et bien suspendu ne présente aucun intérêt s'il n'est pas réglé selon son chauffeur. Tout dépend en effet du poids de celui-ci. Pour s'assurer du bon réglage d'un siège à suspensions pneumatiques, le principe est simple : le conducteur s'assied et bouge en imitant les secousses du tracteur. Si, lors de ces mouvements, il tape sur la butée haute ou basse de la suspension, cela signifie que le réglage est mauvais.

Des seuils à respecter

On distingue deux types de vibrations susceptibles d'engendrer des problèmes de santé. D'une part, celles qui sont transmises au corps entier, comme cela se produit lorsqu'on est assis sur le siège d'un tracteur ou debout sur un chenillard. D'autre part, celles ressenties dans des parties du corps comme les bras ou les mains lors de la taille avec un sécateur électrique.

S'agissant des vibrations qui peuvent être transmises à l'ensemble du corps, le droit du travail fixe deux seuils à prendre en compte :

- la valeur d'action de prévention ;

- la limite d'exposition.

La valeur d'action de prévention est de 0,5 m/s² pour une période de 8 heures. Au-delà de ce seuil, l'entreprise doit mettre en oeuvre des mesures de prévention pour réduire l'exposition de ses salariés aux vibrations. La valeur limite d'exposition est fixée, elle, à 1,15 m/s² en 8 heures. Elle ne doit jamais être dépassée car au-delà de ce seuil, les salariés courent réellement des risques pour leur santé.

Le Point de vue de

PATRICE COLTEAU, RESPONSABLE DU PARC MATÉRIEL AU VIGNOBLE DE VEUVE CLICQUOT (MARNE)

« Nous sommes allés jusqu'à supprimer les caisses à outils en cabine »

« En 2009 et 2011 puis en 2013, le bureau d'étude Vibr'action est venu mesurer les vibrations auxquelles sont soumis nos chauffeurs de tracteur. Depuis, nous disposons d'un cahier des charges que nous remettons aux constructeurs lors de l'achat d'un nouveau tracteur. Nous privilégions dorénavant - pour nos achats comme pour nos locations - des modèles avec des ponts avant suspendus, une ceinture de sécurité et des sièges pourvus de suspensions pneumatiques. Et pour mener la chasse aux vibrations jusqu'au bout, nous sommes allés jusqu'à supprimer les outils dont la simple présence peut amplifier les vibrations du tracteur. Chaque tractoriste a sa propre caisse. Désormais, il la fixe à l'extérieur du tracteur et ne la pose plus à l'intérieur. Idem pour les casse-croûte : la glacière de chaque chauffeur est installée sur un support fixe en cabine.

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