Après trois ans d'embellie, l'horizon s'obscurcit sur le marché des IGP et des VSIG en Languedoc. La campagne tarde à débuter. Les volumes contractualisés en IGP Pays d'Oc sont en net recul par rapport à l'an dernier. Le 16 décembre, seuls 1,3 million d'hectolitres ont été contractualisés contre 2,8 millions fin décembre 2015. De même, les volumes échangés en IGP Sud de France (IGP Aude, Gard, Hérault et de petites zones) sont en recul de 38 % en find'année. « Il s'est fait très peu d'affaires en dehors des volumes réservés dans le cadre de partenariats. Si ça ne démarre pas en ce mois de janvier, je ne sais pas comment les caves coopératives vont pouvoir payer leurs acomptes », confie Bruno Crouzet, courtier gardois.
René Vergnes, courtier biterrois, fait le même constat : « Les metteurs en marché ont des stocks. Mon volume d'affaires est en retrait de 30 % par rapport à l'an dernier. Seuls les deux plus gros acheteurs, Castel et Les Grands Chais, sont passés aux achats pour avoir les qualités souhaitées pour leurs marques. Heureusement. Mais la plupart de mes autres clients ne se sont pas encore positionnés. Les affaires sont laborieuses. Il faut travailler les assemblages et envoyer beaucoup plus d'échantillons pour conclure. »
Dans les caves, la situation est contrastée. Certaines comme Saint-Bauzille-de-la-Sylve (60 000 à 70 000 hl par an), dans l'Hérault, qui travaille de longue date en partenariat avec le négoce, ont déjà tout vendu. « Il y a eu moins d'empressement cette année, et on a perdu entre 3 et 5 €/hl par rapport aux cours de l'an dernier. Mais à la mi-décembre, tous nos volumes réservés ont été confirmés », témoigne le directeur Didier Gavaudan.
D'autres connaissent des situations plus compliquées. Dans le Gard, les adhérents de la cave de Bouillargues, qui produit 20 000 hl par an, doivent patienter. La coopérative ne leur a pas payé les acomptes des quatre derniers mois de 2016. « Nous avions 6 000 hl de la récolte 2015 qui étaient vendus mais toujours pas retirés au mois d'octobre. Nous avons cassé les contrats et trouvé d'autres acquéreurs à des prix évidemment inférieurs. Et nous n'avons encore rien vendu de la récolte 2016, excepté les vins bio qui sont partis très rapidement », s'inquiète le président Benoît Pince.
Les premiers signaux de ce retournement sont apparus début 2016. Les ventes en grande distribution ont été catastrophiques durant le premier trimestre et l'été n'a pas permis de combler le retard.
Pour les metteurs en marché, la hausse des prix des trois dernières campagnes est à l'origine de ce décrochage. Le cabernet-sauvignon Pays d'Oc rouge a bondi de 77 €/hl en 2013-2014 à 95 €/hl en 2015-2016. Dans le même temps, le cinsault rosé est passé de 77 à 88 €/hl. « Les gros opérateurs sont partis en Espagne. Chaque fois qu'on prend une hausse de prix, on perd des parts de marché », constate Serge Dubois, patron de la société de négoce Terroirs du Sud, qui vend essentiellement à l'export.
« On ne pourra jamais être au prix des vins espagnols, souligne Gérard Bancillon, nouveau secrétaire général des vins de Pays d'Oc. Il faut rapidement réunir la filière régionale pour réfléchir à une segmentation de notre offre et trouver des solutions pour que nos produits soient toujours dans les linéaires, tout en maintenant un revenu par hectare intéressant pour les producteurs. » Vaste chantier.
Grande distribution Sus aux habillages trompeurs
À son tour, le syndicat de l'IGP Pays d'Oc dénonce des pratiques trompeuses d'habillage des Bag-in-Box de vins ibériques vendus sous marque de distributeurs (MDD). « La grande distribution française, avec une partie de ses marques distributeurs, joue sur l'origine des vins sans que le consommateur en soit clairement informé », tempête Jacques Gravegeal, président de l'ODG. Certaines gammes, dont la notoriété s'est construite sur des vins de cépages Pays d'Oc IGP français, basculent en vins espagnols tout en conservant leur packaging et leur nom d'origine, dénonce-t-il. L'ODG estime le préjudice à 55 000 hl pour l'IGP Pays d'Oc en 2016.
La perte pourrait atteindre 700 000 hl en 2017 si les distributeurs persistaient à remplacer les cépages des pays d'oc par des cépages espagnols. Le syndicat réclame donc un affichage clair de l'origine de ces vins et qu'ils soient séparés des vins français sur les linéaires.
Saisie du dossier, la Répression des fraudes a effectué 178 contrôles au niveau national. Elle a constaté des erreurs d'affichage, des étiquetages non conformes et quelques cas de tromperie sur l'origine, des vins d'Espagne ayant été revendus avec mention « Vin de France » sur les tickets de caisse. Le procureur de la République doit être saisi d'un cas de tromperie.