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DOSSIER - Marché foncier : le tour des vignobles

JURA Tension dans les crus

LUCIE MARNÉ - La vigne - n°293 - janvier 2017 - page 47

La demande pour les vins du Jura ne cesse d'augmenter. Pour y répondre, les viticulteurs doivent s'agrandir. Fort heureusement, le prix du foncier reste abordable.
Les vignes pentues du Clos Bacchus produisent du château-chalon et du vin jaune. © CEPHAS/PHOTONONSTOP

Les vignes pentues du Clos Bacchus produisent du château-chalon et du vin jaune. © CEPHAS/PHOTONONSTOP

Les vins du Jura ont la cote. « En six ans, le marché à l'export a été multiplié par dix. Aujourd'hui, 13 % des vins partent à l'étranger », se félicite Baudoin de Chassey, directeur du Comité interprofessionnel des vins du Jura (CIVJ).

Et pourtant, le marché foncier reste relativement stable en termes de volume et de valeur sur les 2 000 ha que compte le vignoble. En 2016, seuls 26 ha de vignes ont été vendus, soit 1,3 % de la surface totale. Et le prix, lui, n'a pas évolué. Pour une parcelle plantée, en bon état, il faut compter 25 000 € à 30 000 €/ha en AOP Côtes du Jura. À Arbois et Poligny, au coeur du vignoble jurassien, les parcelles de vignes grimpent légèrement - de 30 000 à 35 000 €/ha - et dans ce secteur, difficile de trouver de nouvelles parcelles à planter. C'est à Château-Chalon, fief de la production du fameux vin jaune, que les parcelles sont les plus chères. Pour y acquérir un hectare de vignes, il faut débourser entre 50 000 et 60 000 €, mais le marché reste bloqué. « Actuellement, tout le monde veut s'agrandir. Il y a de plus en plus de demandes pour ces vins et les rendements ne cessent de diminuer », note Frédéric Goliard, conseiller à Cerfrance Jura.

Le foncier viticole n'attire pas que les vignerons locaux. « Quelques professionnels des régions viticoles limitrophes, comme la Bourgogne ou la Champagne, commencent à s'intéresser au vignoble jurassien », observe Frédéric Goliard. « Le marché est stable. Il n'y a aucune spéculation comme on en voit en Côte-d'Or, par exemple. Donc très peu de domaines font appel à des investisseurs », tempère Frédéric Cautain, conseiller à la Safer de Bourgogne Franche-Comté.

Les viticulteurs du Jura peuvent donc continuer à acheter sans craindre l'augmentation des prix. « Chez Cerfrance, nous incitons les vignerons à acheter, mais plutôt une vigne plantée qui produit dès la première année. Le retour sur investissement est ainsi plus rapide », note Frédéric Goliard. Pour obtenir un financement, les futurs acquéreurs rencontrent peu de difficultés auprès des banques, même s'il est plus facile d'emprunter pour un vigneron déjà en place. Pour un jeune, les barrières administratives et financières compliquent la démarche. « En moyenne, on compte une à deux transactions par an liées à des installations. Le dernier arrivé s'est installé pour le compte d'une coopérative », explique Frédéric Cautain. Avant de préempter en faveur d'un jeune, la Safer évalue la surface d'installation : « Pour un viticulteur en coopérative, il faut compter au moins 10 ha pour dégager un revenu convenable. Un jeune qui s'installe à son compte en conventionnel n'a besoin que de 5 ha. Et en bio, 3 à 4 ha suffisent. »

Dans les années à venir, l'installation des jeunes devrait être facilitée. Le CIVJ prévoit en effet de recenser le parcellaire disponible pour de nouvelles plantations, et de lever les freins administratifs et financiers à l'installation. Selon Baudoin de Chassey, « les AOC du Jura disposent de 11 000 ha et seuls 2 000 ha sont plantés. Il y a donc un potentiel énorme ».

ET VOUS, PENSEZ-VOUS QU'IL FAUT ACHETER ? Évelyne Clairet, Domaine de la Tournelle, 8 ha à Arbois (Jura)

« Oui, mais la concurrence est rude. Il y a plus de demandes que d'offres. Avec mon mari, nous sommes partis de zéro et maintenant, avec 8 ha, nous avons atteint notre rythme de croisière. Nous ne louons que 1,5 ha. Comme la plupart des vignerons du Jura, nous sommes en majorité propriétaires. L'exploitation tourne bien. Nous avons embauché un employé à temps plein il y a trois ans. Aujourd'hui, nous valorisons tous nos vins par la vente directe, dont environ 50 % partent à l'export. »

ET VOUS, PENSEZ-VOUS QU'IL FAUT ACHETER ? Philippe Vandelle, 15 ha à L'Étoile (Jura)

« Oui, pour s'agrandir. Et c'est difficile de s'arrêter : la demande en vin ne fait qu'augmenter. En sept ans, l'export est passé de 2 à 20 % de mes ventes. Depuis mon installation en 2011 sur 11 ha, je n'ai cessé de m'agrandir. Chaque année, je plante de nouvelles parcelles. J'ai 15 ha en propriété. J'en aurai un de plus en 2017. Mais c'est beaucoup de travail alors, l'année prochaine, je vais arrêter de m'agrandir. »

L'essentiel de l'offre

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