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DOSSIER - Phytos : que valent les nouveautés ?

Phytos Que valent les nouveautés ?

PAR INGRID PROUST - La vigne - n°295 - mars 2017 - page 20

Une dizaine de produits conventionnels ou de biocontrôle sont lancés cette année. Les viticulteurs sont-ils en quête de nouveautés phyto ? Que valent les produits mis sur le marché cette année ? Réponses dans ce dossier.
DES PRODUITS INNOVANTS arrivent sur le marché des phytos, présentés ici par Marius Boivin, expert vigne chez Terre Comtoise. © R. HELLE

DES PRODUITS INNOVANTS arrivent sur le marché des phytos, présentés ici par Marius Boivin, expert vigne chez Terre Comtoise. © R. HELLE

« Entre un produit CMR et un autre qui ne l'est pas, à efficacité égale, je choisis le deuxième, même s'il est plus cher. » Anne Josseau, vigneronne dans le Loir-et-Cher.

« Entre un produit CMR et un autre qui ne l'est pas, à efficacité égale, je choisis le deuxième, même s'il est plus cher. » Anne Josseau, vigneronne dans le Loir-et-Cher.

« Si les vignerons peuvent remplacer un produit classique par du biocontrôle, ils le font » Stéphane Giry-Laterrière, référent technique chez Inovitis. © INOVITIS

« Si les vignerons peuvent remplacer un produit classique par du biocontrôle, ils le font » Stéphane Giry-Laterrière, référent technique chez Inovitis. © INOVITIS

« Peu de vignerons ont un attrait pour les nouveaux produits. Ils cherchent avant tout ce qui est efficace et peu cher », observe Pascal Mallier, conseiller aux Laboratoires Renaud, à Saint-Georges-sur-Cher (Loir-et-Cher). En Franche-Comté, Marius Boivin, responsable de la division vigne chez Terre Comtoise, dresse le même constat : « Les vignerons ne s'intéressent pas beaucoup aux produits phytosanitaires, même ceux de la nouvelle génération. »

À la CAPL Provence-Languedoc, Thierry Favier, responsable technique vigne, n'est pas du même avis : « Les vignerons sont toujours à l'affût de nouveautés. Or, depuis trois ou quatre ans, il y en a eu peu en vigne. »

Animatrice Terra Vitis dans le Val de Loire, Sandrine Delobel observe, elle aussi, un intérêt constant des producteurs pour les nouveaux produits : « Ils veulent les tester pour mettre au point leurs programmes de traitement. Bien des produits ne sont homologués que pour une ou deux applications par an. Il y a donc un besoin d'alternatives pour échafauder les programmes. »

Cette année, ces amateurs de nouveautés sont servis. Pas moins de treize produits arrivent sur le marché (voir encadré ci-dessous). Parmi cette offre, les produits de biocontrôle sont ceux qui aiguisent le plus la curiosité des viticulteurs, malgré les déconvenues passées. « Pour beaucoup d'entre eux, le déclic a été le Certiphyto. Les affaires liées aux pesticides et relayées par la presse grand public ont également eu un impact », note Thierry Favier.

« Si les vignerons peuvent remplacer un produit classique par du biocontrôle ou, en tout cas, par une spécialité plus "soft" pour l'environnement, ils le font », indique Stéphane Giry-Laterrière, référent technique chez Inovitis, en Nouvelle-Aquitaine.

Mais les exploitants restent prudents. « Ils sont partants si l'efficacité est équivalente à celle d'un produit conventionnel. Pour le soufre, c'est le cas. C'est pourquoi ils l'utilisent à nouveau. Mais ce n'est pas vrai pour les autres spécialités de biocontrôle », assure Jérémy Isaac, technicien vigne chez Acolyance, en Champagne.

« J'attends des molécules naturelles qui soient efficaces de manière constante, lâche ce vigneron. J'ai testé le Beloukha, un herbicide d'origine naturelle. Il n'a pas eu d'effet. » Anne Josseau, vigneronne dans le Loir-et-Cher, confie : « Je suis prête à utiliser du biocontrôle si l'efficacité est au rendez-vous et le prix abordable. »

Pour les exploitants, l'efficacité et le prix restent les principaux critères de choix des produits phyto. Mais peu à peu d'autres critères entrent en ligne de compte. « Désormais, les viticulteurs se préoccupent de diminuer leur indice de fréquence de traitements (IFT). Ils regardent les profils toxicologiques et écotoxicologiques des produits. Ils s'intéressent aux résidus. Le prix des produits devient secondaire, à condition qu'ils restent dans la moyenne du marché », relate Thierry Favier.

« Longtemps, l'efficacité et la rémanence ont été les premiers critères. Aujourd'hui, ils le sont toujours, mais les viticulteurs sont plus sensibles à la toxicité des produits », confirme Jérôme Fillon, technicien chez LVVD, à Chinon (Indre-et-Loire). « Les viticulteurs nous posent aussi plus de questions sur les ZNT et les délais de rentrée », ajoute Stéphane Giry-Laterrière.

Sandrine Delobel note deux attitudes : « Ceux qui ont eu des échecs de protection la saison précédente vont s'intéresser en premier lieu à l'efficacité du produit. Mais si un problème de santé les touche, eux ou un de leurs salariés, ils vont regarder à la loupe les profils toxicologiques et écotoxicologiques des produits. »

Dans ce contexte, le classement CMR devient un critère d'exclusion. Ces phytos portent une ou plusieurs phrases de risques comme « Peut induire des anomalies génétiques », « Peut provoquer le cancer », « Peut nuire à la fertilité ».

« Entre un produit CMR (cancérogènes, mutagènes, reprotoxiques) et un autre qui ne l'est pas, à efficacité égale, je choisis le deuxième, même s'il est plus cher. Je le fais pour ma santé, celle de mes salariés et l'environnement », confie Anne Josseau. « J'évite les produits les plus toxiques et ceux qui ont des phrases de risque CMR. Je suis vigilant pour moi et pour mon employé », explique Hervé Denis, vigneron à Montlouis et président de la coopérative montlouisienne, adhérente à Terra Vitis.

Reste que les produits CMR sont parfois incontournables, comme le relève Jérémy Isaac. « Les viticulteurs demandent de plus de plus de non-CMR, mais les produits performants sont souvent assortis de telles phrases de risques comme Yaris, Electis Pro ou Kusabi. Lors d'une année de forte pression de maladies, il est difficile de s'en passer, d'autant qu'il faut alterner les modes d'action. »

« Le rapport efficacité-prix-rémanence reste très important dans les choix, confie ce vigneron. J'ai eu d'importantes pertes de récolte ces dernières années en raison d'aléas climatiques. Je dois faire attention. » Jérôme Fillon le confirme : « Les vignerons qui ont subi beaucoup de dégâts de gel en 2016 ne vont pas prendre de risques cette année. Ils voudront des produits robustes. Mais d'autres sont partants pour tester du biocontrôle sur de petites surfaces. »

Les treize nouveaux produits de cette campagne

Cette campagne voit arriver treize nouveaux produits, après plusieurs années maigres en lancements.

7 fongicides. Quatre produits originaux, deux nouvelles associations à base de matières actives existantes et un soufre liquide voient le jour. Parmi les produits originaux, Yaris de BASF se présente comme une référence contre l'oïdium. Mais il n'est homologué que contre cette maladie. Tout aussi originaux, Mevalone de Sumi Agro, Cos-Oga de Jouffray-Drillaud et de Syngenta et Amylo-X de Certis sont des produits de biocontrôle. Le premier est un antibotrytis à base de terpènes. Le second stimule les défenses de la vigne contre le mildiou et l'oïdium mais ne fonctionne qu'avec des produits conventionnels dont il permet de réduire les doses. Le troisième est une préparation bactérienne. Il s'utilise aussi avec des fongicides conventionnels. Quant au nouveau soufre, il s'appelle Flosul et s'emploie à 3,2 kg/ha de matière active.

3 insecticides. De Sangosse sort une bombe aérosol contre l'eudémis (photo de droite), un dispositif inédit mais cher de confusion sexuelle. Dow AgroSciences perfectionne, lui, son insecticide issu de fermentation bactérienne, plus neutre vis-à-vis des auxiliaires que le précédent, mais classé CMR. Enfin, Sokalciarbo lance une argile qui fait barrière contre la cicadelle verte.

3 herbicides. Ces produits sont moins innovants que les précédents, faute de nouvelle matière active. Foen de Dow AgroSciences est un prélevée que les distributeurs prévoient d'associer à d'autres herbicides pour améliorer son spectre ou sa persistance. À côté de cela, deux nouveaux glyphosates : Roundup 720, très concentré en matière active et Buggy Greenline, formulé avec des adjuvants verts.

Biocontrôle : « Pas de fausses promesses »

Pour les distributeurs, le biocontrôle ne peut pas et ne doit pas se vendre comme un produit de synthèse classique. « Nous ne devons pas faire de fausses promesses aux viticulteurs, prévient Jérôme Fillon, de LVVD, à Chinon. Ces produits ont un fonctionnement différent. Ils nécessitent des conditions d'application bien précises et un bon équipement de pulvérisation. Les viticulteurs doivent se les approprier en les testant sur des parcelles. » Les produits de biocontrôle sont d'une efficacité plus aléatoire que les conventionnels. Les distributeurs sont donc très prudents, de peur de susciter des déceptions. « Certains vont vendre le Bastid comme un phosphite. Je crains qu'ils n'aient des litiges avec des vignerons qui seront mécontents du produit. Nous, nous n'allons le vendre qu'avec une prestation de conseils », confie ainsi un technicien bordelais.

Cet article fait partie du dossier Phytos : que valent les nouveautés ?

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