BENOÎT FOUASSIER, vigneron à Sancerre, le 28 avril au petit matin. Après une nuit à brûler des feux de paille, il est satisfait d'avoir protégé son vignoble. © P. MERAT
À L'AUBE DU 27 AVRIL, Savigny-lès-Beaune se couvre d'une couche de fumée, photographiée par le drone de Pierre-Yves Pavelot. © P.-Y. PAVELOT
BRÛLAGE DE BOTTES DE PAILLE à Gevrey-Chambertin, en Côte-d'Or, le 29 avril. © T. GAUDILLÈRE / ÉCRIVIN
À CHABLIS, la lutte contre le gel par aspersion bat son plein le 20 avril. © T. GAUDILLÈRE / ÉCRIVIN
À MONTLOUIS, les hélicos survolent les vignes au petit matin du 28 avril pour chauffer l'air au sol. © PASCAL DENIS MAXPPP
Sancerre
Une lutte collective à Crézancy
« Mieux vaut être dans l'action », justifie Gilles Guillerault, le président de l'Union viticole sancerroise et vigneron à Crézancy-en-Sancerre (Cher). Les viticulteurs de ce village se sont donc unis pour lutter contre le gel en brûlant de la paille que des agriculteurs leur ont donnée ou vendue. « C'est une protection assez facile à mettre en oeuvre et d'un coût raisonnable », argumente-t-il. Durant la période de risque de gel, une vingtaine de vignerons se sont retrouvés à 4 heures du matin pour surveiller la température. Dès qu'elle frôlait le zéro, ils partaient allumer les bottes de paille réparties en haut des parcelles, le long des chemins, dans les tournières... « On a veillé sept nuits et allumé trois nuits : les 20, 28 et 29 avril. Au total, on a brûlé pas loin de 800 grosses bottes », détaille Gilles Guillerault.
Basé à Sancerre, Benoît Fouassier a suivi ses collègues. Le mercredi 26, il a déposé 70 grosses bottes dans ses vignes pour les allumer la nuit suivante. Mais il n'a eu à le faire que le 28, à 3 heures du matin. « Au début, la fumée est montée tout droit. Puis, au lever du jour, on a perdu 1 à 2 °C. Les fumées sont redescendues et ont couvert les vignes. On a frôlé la catastrophe », explique le vigneron.
Côte-d'Or
Un manteau de fumée sur toute la Côte
« Le mardi de Pâques, la météo a annoncé un coup de froid, se souvient Caroline Chenu, viticultrice à Savigny-lès-Beaune. Nous avons vu revenir le spectre de l'an dernier lorsqu'il a gelé et qu'on a récolté seulement 12 hl/ha. On ne pouvait pas subir le même désastre. »
Elle discute avec son père et sa soeur de ce qu'il est possible de faire : peut-être des feux de paille. Puis elle écrit un mail à Jean-Baptiste Lebreuil, le président du syndicat viticole de Savigny, « pour faire quelque chose ensemble ».
Deux heures plus tard, celui-ci lui répond qu'avec d'autres vignerons, ils ont pensé aux hélicoptères mais qu'ils étaient déjà pris. Ils décident alors de se retrouver en début d'après-midi à l'entrée du village, au pied de la statue en bois de saint Vincent, pour trouver une solution. « On s'est dit qu'il fallait faire des feux avec ce qu'on avait : des ceps, des copeaux de bois », explique Jean-Baptiste Lebreuil. « On a pensé à brûler des pneus. Mais on a vite renoncé car cela pollue trop », ajoute Stephen Maurice, le président de l'ODG. Les vignerons conviennent alors des endroits à protéger : les bas-fonds. Puis chacun part chercher de quoi préparer des feux qu'ils allumeront dès le lendemain, peu avant l'aube.
Lors de ce coup d'essai, la paille s'impose comme le meilleur combustible : elle est facile à allumer et à contrôler. Après avoir ouvert les bottes, les vignerons, armés de leur fourche, alimentent des feux qu'ils laissent mourir une fois le danger passé. Comme les prévisions météo annoncent de nouveaux risques de gel, le syndicat commande 24 tonnes de bottes de paille de 300 kg.
Le 20 avril, « quand j'ai vu le premier camion arriver, je me suis demandé dans quoi on s'était embarqués ? Et comment allions-nous répartir tout ça ? Puis tout le monde est venu avec enjambeurs et remorques. En quelques heures, nous avons couvert un tiers du vignoble », raconte Jean-Baptiste Lebreuil.
Le 21 avril, vers 4 heures du matin, une avant-garde se rend dans les vignes et relève jusqu'à - 4,5 °C. Elle alerte ses collègues. Vers 5 heures, ils sont une quarantaine devant la statue de saint Vincent. Une demi-heure plus tard, ils allument 69 feux. Il ne s'agit pas de chauffer l'air, mais de produire un écran de fumée pour protéger les pousses gelées des premiers rayons de soleil.
Le jour même, le quotidien Le Bien Public publie des photos spectaculaires de l'opération. Toute la Côte-d'Or apprend l'initiative du village qui sera suivie dès la semaine suivante.
Après un week-end et un début de semaine plus doux, le mercredi 26 avril c'est à nouveau l'alerte. La météo annonce du gel pour la nuit du 27 au 28. Jean-Baptiste Lebreuil commande 50 tonnes de paille supplémentaires.
Lors des deux premiers feux des 19 et 21 avril, Pierre-Yves Pavelot a survolé Savigny avec son drone. Les images de ce viticulteur ont permis de localiser les trous de protection et d'affiner la répartition des foyers.
Le 26, à 15 km au sud de Savigny, Meursault est aussi en état d'alerte. En quelques heures, après avoir pris conseil auprès de leurs confrères de Savigny, les vignerons du village répartissent près de 160 grosses bottes sur les chemins et aux abords des vignes.
« La livraison est arrivée vers 15 heures. À 19 heures, tout était en place, résume Philippe Bouzereau, le président du syndicat viticole de Meursault. Quinze collègues sont venus avec des tracteurs et des remorques. »
Le lendemain, à 5 heures, tous se retrouvent au lieu-dit Terres Blanches. « Il faisait entre -1,5 et -2 °C dans les bas de Meursault, relate Nicolas Mestre, viticulteur. Nous avons allumé la paille. À 5 h 45, tout le monde était à son poste. Des pousses étaient prises dans de la glace. Nous avons cherché un effet fumigène pour les protéger du soleil, le temps qu'elles dégivrent ; pour que le soleil ne les brûle pas sous la glace. »
La météo annonçant à nouveau du gel, les vignerons déposent l'après-midi de nouvelles bottes pour renforcer leur maillage protecteur. « Tout le village s'est mobilisé », assure Elsa Matrot, présidente de l'ODG Meursault.
Voyant le mouvement prendre de l'ampleur, la Confédération des appellations et vignerons de Bourgogne (CAVB) publie un communiqué de presse pour prévenir l'opinion et justifier les initiatives de la profession qui a subi « plusieurs années de petites récoltes et les catastrophes climatiques de 2016 ».
Le 28, c'est le soulagement : il ne gèle pas. Mais le lendemain, les thermomètres replongent. À Savigny-lès-Beaune, 80 vignerons, salariés et bénévoles sont sur le pont. À Meursault, ils sont 120 prêts à allumer 300 feux. À des kilomètres à la ronde, c'est la mobilisation générale. À l'aube du 29, quinze villages de la côte de Beaune et de la côte de Nuits se couvrent d'un immense manteau de fumée.
« C'est parti de partout. Même nous, nous avons été surpris tellement le nuage était dense », reconnaît Jean-Baptiste Lebreuil. « Cela a sauvé le village, assure Elsa Matrot. Nous sommes parvenus à éviter la catastrophe. »
À Savigny, Jean-Baptiste Lebreuil a consigné cette expérience inédite dans un dossier : la disposition des feux, les relevés de température, l'organisation pour répartir puis allumer la paille et le coût de l'opération : 7 000 € pour 80 t de paille. « C'est pour la génération suivante », dit-il, espérant bien qu'il n'aura pas à lui transmettre ses archives avant longtemps. Et surtout, il gardera toujours en mémoire ces heures exceptionnelles où personne - ouvriers et voisins compris - n'a ménagé sa peine pour conjurer le sort.
Touraine
Les hélicos à la rescousse
Du jamais vu ! Cinq jours durant, des escadrilles d'hélicoptères ont survolé les vignes pour lutter contre le gel à Montlouis, Bourgueil, Vouvray, Chinon et Azay-le-Rideau (Indre-et-Loire). Les vignerons de Montlouis ont été les premiers à penser à cette solution spectaculaire. En mars, ils ont signé un contrat avec une compagnie locale. Puis ils ont fait des émules, comme ce 24 avril quand, au vu des prévisions météo inquiétantes pour la nuit, des vignerons d'autres appellations ont affrété en toute urgence des appareils, certains venant de Charente-Maritime ou de Rouen. « Nous connaissions une compagnie. En trois coups de fil, nous avons réservé un hélico », confie Jean-Martin Dutour, vigneron-négociant à Chinon.
Positionnement des appareils, installation de sondes de température au sol : il a fallu une logistique sans faille pour la bonne mise en oeuvre de cette méthode. « J'ai passé des nuits à surveiller la température pour valider ou non l'ordre de vol », raconte un vigneron.
Chaque hélico avait une surface à protéger en effectuant de multiples allers et retours pendant deux heures en moyenne. « Nous avons eu de très bons résultats les 20 et 21 avril. Mais les hélicos ont été moins efficaces les 27 et 28 avril quand l'humidité était plus élevée. Des vols de nuit auraient été nécessaires », explique François Chidaine, vice-président de l'ODG de Montlouis.
Or, c'était impossible car les hélicoptères n'étaient pas autorisés à décoller de nuit pour la tranquillité du voisinage et la sécurité des vols. La direction générale de l'aviation civile ne leur a permis de prendre l'air qu'au lever du jour. Mais devant la pression des vignerons, elle a dû faire une concession. À Montlouis, le 27 avril, deux hélicos ont pu décoller une demi-heure plus tôt grâce à l'intervention de la députée locale. Hélas, cela n'a pas suffi. Même déception dans le Bourgueillois. « Nous avions -3 °C dans nos vignes à 2 heures du matin. Des bourgeons avaient déjà gelé lorsque les hélicos ont décollé », soupire Philippe Boucard, président de l'ODG de Bourgueil.
Dans cette appellation, l'utilisation des hélicos a coûté 400 €/ha a indiqué Philippe Boucard. À Montlouis, on donne le chiffre de 200 €/ha pour une superficie de plus de 260 ha protégés.
Les Tourangeaux ont aussi allumé des centaines de feux de paille ou de bougies et mis en route leurs éoliennes et asperseurs. « Des agriculteurs nous ont donné de la paille, d'autres nous en ont vendu pour pas cher. Ils nous ont prêté des tracteurs et des remorques pour l'emporter dans les vignes, raconte Lionel Truet, vigneron près d'Amboise. On a allumé les feux à 5 heures. Ils ont été efficaces là où les foyers étaient espacés de 10 m. Si on n'avait rien fait, il y aurait eu plus de dégâts et on s'en serait voulu. »
De façon préventive, des vignerons ont également reporté le pliage des baguettes, afin que les pousses restent en hauteur où la température est plus douce. « Mes vignes ont ainsi résisté au gel. L'effet est spectaculaire, commente Philippe Boucard. Je me suis souvenu de mon arrière-grand-père. Lorsque le vent de galerne (du Nord) se levait, il allait décrocher toutes les baguettes qu'il avait pliées. C'est le bon sens paysan. »
Chablis
Les grands moyens
Le premier coup de froid est arrivé dès le 18 avril. Puis le risque de gel a perduré jusqu'à la fin du mois. Aspersion, bougies, fils chauffants... Les viticulteurs n'ont donc pas lésiné sur les moyens pour protéger leurs parcelles. Pour la première fois, certains ont brûlé de la paille. D'autres ont testé le FrostGuard, un appareil qui projette de l'air chaud. « Trois machines ont fonctionné dans le vignoble », rapporte Guillaume Morvan, de la chambre d'agriculture de l'Yonne. D'autres ont appliqué du PEL 101 GV, un produit qui stimule les défenses de la vigne contre le gel.
Le domaine William Fèvre, qui comprend 78 ha de vignes, a protégé 4 ha du grand cru Bougros avec l'aspersion. « L'installation a tourné durant sept nuits. Dans la nuit du 19 au 20 avril, nous l'avons enclenchée à 22 h 30 et arrêtée à midi le lendemain. Durant tout ce temps, deux personnes ont surveillé les jets pour vérifier qu'ils n'étaient pas bouchés. On a utilisé beaucoup d'eau. Depuis quinze ans, c'est l'année où nous avons le plus arrosé », rapporte Didier Séguier, le régisseur du domaine.
Le domaine a protégé deux autres hectares avec des bougies. Là encore, il a mobilisé deux personnes par hectare pour les allumer et veiller à leur bon fonctionnement. Enfin, quatre autres hectares de grand cru Vaudésir étaient couverts par des câbles chauffants. « Le dispositif est automatique. On programme la température de déclenchement », précise Didier Séguier. Le résultat ? « On s'en sort pas trop mal. On a limité les dégâts », déclare le régisseur.
Le domaine Louis Moreau, à Beine, a lui aussi eu recours aux bougies pour protéger un hectare. Carole Roux (en couverture de La Vigne), salariée du domaine, et ses collègues n'ont pas ménagé leurs efforts pour installer, allumer, surveiller, remplacer ou rallumer celles qui s'étaient éteintes, puis les éteindre au petit matin. « Nous avons installé les bougies le 14 avril. À partir de là, nous sommes restés en alerte toutes les nuits. Dès que la température descendait à 0,5 °C, le chef d'équipe nous appelait. Nous sommes ainsi restés sur le qui-vive durant quinze jours consécutifs et sommes intervenus sept nuits. La première, nous étions dans la parcelle dès 23 h 30. Les autres, nous sommes intervenus plus tard. C'est éprouvant, mais nos efforts n'ont pas été vains », témoigne-t-elle.
Bordeaux
Un tonnelier solidaire
Dans le Bordelais, seuls quelques châteaux possèdent des systèmes de lutte contre le gel. La famille Vauthier, à la tête de plusieurs propriétés à Saint-Émilion, en fait partie. « Nous possédons six éoliennes fixes aux châteaux Simard et De Fonbel. Mon père les avait installées sur des parcelles de 3 à 6 ha à la suite de gel en 1991. À l'époque, il avait également acheté des bougies, stockées dans un garage depuis vingt-six ans. Nous les avons ressorties. Nos salariés ont passé tout l'après-midi du 26 avril à les installer sur 5 ha dans les bas-fonds des châteaux Ausone et La Clotte. Ils les ont disposées dans les rangs tous les 5 m en quinconce. Puis ils les ont allumées vers 2 h 30 du matin au chalumeau. À l'aube, ils ont pu rentrer », se souvient Pauline Vauthier. À 10 euros la bougie, le coût est élevé, mais « nous avons sauvé quelques hectares ».
Les autres domaines se sont retrouvés démunis. Impossible de trouver des bougies pour ceux qui n'en avaient pas en stock. En désespoir de cause, certains ont brûlé des palettes, des box en bois ou des piquets en acacia en bordure des parcelles. D'autres ont brûlé de la paille pour faire un écran de fumée protecteur comme dans les autres régions. Certains ont affrété des hélicoptères. Au château La Gaffelière, comme dans bien d'autres domaines, « la seule chose que nous ayons pu faire c'est de tenir les enherbements le plus ras possible », rapporte Nicolas Bruerre, le chef de culture.
De son côté, le château Les Carmes Haut-Brion a bénéficié de la solidarité de la tonnellerie Baron, basée en Charente-Maritime. « Nous possédons notre propre merranderie et générons beaucoup de sciure et de poussière de chêne. Nous avons donc investi dans une presse qui forme des bûchettes de 6 à 10 cm de long et 5 cm de diamètre. Nous les vendons habituellement comme bois de chauffage. Nous en avions 100 tonnes en stock. Quand nous avons vu qu'il avait gelé dans la nuit du 26 au 27 avril et que la météo annonçait un nouveau gel la nuit suivante, nous les avons offertes à nos clients », explique Lionel Kreff, directeur général de la tonnellerie.
Les châteaux Les Carmes Haut-Brion et Le Chatelet ont accepté cette aide bienvenue. « Avec ces bûchettes, nous avons couvert 11 ha à Martillac, en privilégiant les jeunes vignes. Le camion nous les a livrées à 20 heures. Jusqu'à 3 heures du matin, nous les avons transportées dans les rangs de vigne à la brouette en formant des tas de 20 à 25 bûchettes tous les 15 m et tous les quatre rangs. Nous avons allumé les feux vers 3 h 30. Ils ont brûlé durant quatre heures », relate Guillaume Pouthier, le directeur des Carmes Haut-Brion qui salue cette initiative. Malgré tous ses efforts, ses vignes ont néanmoins souffert, notamment à cause du coup de froid de la veille. Mais il ne pouvait pas encore donner une estimation des dégâts, l'inventaire étant en cours au moment où nous l'avons interrogé.
DAVID GSELL, 34 ANS, COOPÉRATEUR À LA CAVE BESTHEIM SUR 8 HA, À SIGOLSHEIM, DANS LE HAUT-RHIN « Certains rieslings ne donneront rien »
« Dans la nuit du 19 au 20 avril, le thermomètre est descendu à - 5 °C. La veille, quand nous avons été alertés du risque de gel, j'ai fauché l'herbe qui était un peu haute. Mais à de telles températures, cela n'a servi à rien. J'estime à 40 % ma surface touchée entre 80 et 100 %, surtout en plaine et dans quelques bas de coteaux. Ici, personne n'est équipé. Nous n'avons rien pu faire. Du coup, notre syndicat viticole étudie toutes les pistes pour protéger les vignes. En 2008, la grêle m'a incité à souscrire une assurance multirisque climat. Mais l'indemnité que je vais toucher ne compensera pas la totalité de mes pertes. Le plus dur va être de soigner des vignes dont je sais que les auxerrois donneront au mieux quelques hectolitres et les rieslings sûrement rien. Je suis d'autant plus frustré qu'en 2016, j'avais largement atteint le rendement autorisé. J'aurais pu faire des réserves. »
CÉDRIC BERTRAND, DE LA COOPÉRATIVE DE FLORENSAC (HÉRAULT) « Nous pensons perdre 8 000 hl »
« D'habitude il ne gèle pas chez nous. Personne n'est équipé de système de lutte. Les 20 et 21 avril, nous n'avons donc rien pu faire. Le jeudi matin, on a eu une gelée noire avec le vent qui s'est levé à l'aube. Vendredi matin, il s'agissait d'une gelée blanche. Dès lors, ce ne sont pas les mêmes vignes qui ont été touchées à chaque épisode. À la coopérative, sur 700 ha en production, 120 ha ont été touchés par le gel dont 60 ha raclés à 100 %. Nous pensons perdre 8 000 hl sur les 55 000 hl que nous produisons en moyenne. Ce sont les vignes de plaine en Pays d'Oc et en Côtes de Thau, les plus productives (90 hl/ha), qui ont été touchées. C'est donc une perte très importante. L'an passé nous n'avions déjà fait que 43 000 hl à cause de la sécheresse. L'année s'annonce très compliquée. »
Assurances : un courtier en quête des meilleures offres
La Fédération viticole de l'Anjou a fait appel à un courtier pour qu'il déniche les meilleures offres pour ses adhérents. Comme ailleurs, en France, seules quelque 20 % des surfaces sont couvertes par une assurance. Stéphan Gellot, du cabinet Loire Courtage Assurances, a proposé plusieurs contrats, issus de diverses compagnies, à la fédération. En particulier, le contrat socle de l'assurance multirisque climatique, qui bénéficie de subventions. « Il couvre quinze aléas climatiques : tout ce qui joue sur le développement du raisin et donc le rendement », résume le courtier. Surtout, il a négocié avec des banques pour qu'elles avancent les subventions. Il peut en effet s'écouler plusieurs mois entre le paiement du contrat par le vigneron et le versement de l'aide. Ces offres seront proposées aux vignerons sur un site internet à la mi-mai. Libre à chacun d'y souscrire ou pas.
NICOLAS TRICOIRE, 40 ANS, VIGNERON SUR 30 HA À SAINT-BRICE, EN CHARENTE « Deux sinistres coup sur coup »
« C'est très dur. L'an passé, la grêle a ravagé 60 % du vignoble. Avec le gel de cette année, ça fait beaucoup ! 15 ha, soit la moitié du domaine, ont été gelés entre 80 et 100 %. Cela s'est produit les nuits du 26, 27 et 28 avril. En cause : des températures de - 2 et - 4 °C, cumulées à de la bruine tombée la veille au soir et au vent qui s'est arrêté de souffler. Or, la vigne était en avance de quinze à vingt jours, avec des feuilles étalées et des inflorescences bien visibles. C'est ma première gelée depuis que je suis installé et je ne dispose pas de moyen de lutte particulier. Je suis assuré contre les aléas climatiques, dont le gel. Mais la couverture n'est pas très bonne et ne compensera pas les pertes que j'estime supérieures à la moitié de la récolte. On ignore comment les vignes vont pouvoir reprendre. Je vais devoir donner un sérieux coup de frein aux investissements. »
JÉRÔME BOUTINON, CHÂTEAU HOSTIN LE ROC, 20 HA À SAINT-QUENTIN-DE-BARON, EN GIRONDE « C'est l'an prochain que cela va être très dur »
« Nous avons été touchés à deux reprises : le 20 et surtout le 27 avril. Le 20, je ne me suis pas tout de suite rendu compte des dégâts. Au début, les pousses ont baissé la tête. Elles étaient un peu molles. C'est le lundi 24 que j'ai vu que 2 à 3 ha étaient bien grillés. Puis le 27, il a fait plus froid. Au final, deux parcelles ne sont pas touchées. Quelques-unes le sont à 100 %. En tout, 60 à 70 % des pousses ont grillé. Ce gel va compliquer notre situation. J'ai repris la propriété en juillet 2015. Je vais faire une pause dans mes investissements. Comme j'ai encore une récolte en cave, cette année ça va aller. Mais l'an prochain, ce sera très dur, bien que je sois assuré. Je vends encore 85 % en vrac. Je vais essayer d'en tirer le maximum. En attendant, le 29 avril j'ai fait mon premier traitement sur tout mon vignoble pour ne pas perdre le peu qui me reste. »