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DOSSIER - La HVE prend son envol

La HVE prend son envol

PAR CHANTAL SARRAZIN - La vigne - n°297 - mai 2017 - page 20

Portée par les pouvoirs publics, la certification Haute valeur environnementale (HVE) séduit la viticulture. Les vignerons indépendants, les premiers à s'être lancés, sont aujourd'hui rejoints par les coopératives.
LA CERTIFICATION HVE, qui repose sur une obligation de résultats et non de moyens, encourage à enherber, planter des haies, installer des ruches... comme ici chez les Vignerons du Brulhois. © L. LECARPENTIER

LA CERTIFICATION HVE, qui repose sur une obligation de résultats et non de moyens, encourage à enherber, planter des haies, installer des ruches... comme ici chez les Vignerons du Brulhois. © L. LECARPENTIER

Le 1er mars, Stéphane Le Foll, le ministre de l'Agriculture, a voulu marquer le coup et a profité du Salon de l'agriculture pour remettre en mains propres à Vincent Laroche, vigneron à Chablis (Yonne), son certificat de Haute valeur environnementale (HVE). C'était le 500e pour toute la France. 500 exploitations certifiées depuis la création de cette distinction en 2011 : cela ne devait pas passer inaperçu !

« La HVE a connu un réel essor l'an passé, relève Loïc Schio, chargé de mission au ministère de l'Agriculture. En l'espace d'un an, le nombre d'exploitations certifiées a quasiment doublé. » Selon lui, la sortie du logo HVE en 2016 explique ce boom. Illustré d'un paysage ensoleillé survolé par un papillon, il peut s'apposer sur tous les produits issus d'une exploitation certifiée parmi lesquels le vin figure en toute première place. En effet, 92 % des 520 exploitations reconnues HVE au 1er avril 2017 sont viticoles. Les vignerons indépendants ont été les premiers à y croire. Ce qui leur a plu ? « L'esprit du cahier des charges : plus ouvert et moins paperassier que d'autres référentiels », explique Laurent Brault, chargé de mission au sein des Vignerons indépendants de France (Vif).

À l'inverse de Terra Vitis ou du label AB, la certification HVE repose sur une obligation de résultats et non de moyens. Elle n'interdit aucun produit phyto et n'impose formellement aucune pratique viticole, que ce soit l'enherbement ou le travail du sol. En revanche, elle encourage, par un système de points, à enherber, à réduire les traitements, à garder des haies, à installer des ruches...

Deux voies sont possibles pour arriver à la certification, dénommées A et B. La plupart des vignerons choisissent l'option A où ils sont notés selon « leur performance environnementale autour de quatre volets : la biodiversité, la stratégie phytosanitaire, la fertilisation et l'irrigation », rappelle Laurent Brault. Chaque thème est segmenté en indicateurs débouchant sur une note. C'est ainsi qu'au chapitre de la biodiversité, les exploitations sont notées selon le pourcentage de haies et de bosquets qu'elles entretiennent, le nombre de plantes qu'elles cultivent, etc. Pour les phytos, elles sont évaluées sur leur IFT, leurs méthodes de lutte alternatives, etc. « On peut avoir zéro à l'un des points et se rattraper sur les autres », explique Laurent Brault. Mais il faut obtenir au moins dix points à chacun des quatre chapitres. Et la certification est remise en jeu tous les trois ans.

« Depuis 2004, nous n'employons plus d'insecticides ni d'antipourritures de synthèse, affirme Vincent Laroche, le vigneron honoré par le ministre. Nous avons souhaité officialiser cela pour le montrer à nos clients particuliers qui sont de plus en plus nombreux à nous interroger sur nos pratiques. » Il a choisi la certification HVE parce « qu'elle est reconnue par les pouvoirs publics », bien qu'elle soit méconnue des consommateurs.

Benjamin Grandsart et Nicolas Tamboise, vignerons à Cléré-sur-Layon (Maine-et-Loire) certifiés depuis le 3 juin 2014, font la même analyse : « Nous avons intégré le réseau des fermes Dephy en 2011. Dans ce cadre, nous avons réduit de manière significative les traitements antimildiou et anti-oïdium. Nous voulions que cela soit reconnu officiellement pour le faire savoir à notre clientèle. » Pour tous les viticulteurs, la HVE est un moyen de faire reconnaître leurs efforts en faveur de l'environnement.

Plus inattendu, les vignerons bio s'y mettent aussi. « L'approche de la biodiversité nous intéresse. Or, elle ne figure pas dans le cahier des charges de l'agriculture biologique, souligne Valérie Aigron, directrice générale du Château de Minière, à Ingrandes-de-Touraine (Indre-et-Loire), certifié HVE depuis l'été dernier. Dans notre exploitation, il y a un grand nombre d'arbres, de bosquets et de murets. Le mur qui entoure le château est en partie éboulé. Nous n'allons pas le reconstruire en totalité car il sert d'habitat à certaines espèces. » Écocert, l'organisme certificateur phare des vignerons bio, a d'ailleurs senti le vent venir. Il devrait bientôt proposer à ses clients des audits combinés bio et HVE.

Les coopératives se lancent à leur tour. « Elles répondent à la demande des metteurs en marché qui veulent des garanties sur la protection de l'environnement », observe Lydie Caron-Picot, de la chambre d'agriculture du Gard. L'évolution de la réglementation les encourage à franchir le pas. Jusqu'à présent, chaque exploitation devait être auditée par un organisme certificateur. Depuis le 31 décembre 2016, la certification peut être gérée collectivement. Les coopératives calculent les indicateurs de leurs adhérents pour voir s'ils sont dans les clous. L'organisme certificateur contrôle leurs méthodes et résultats et n'audite plus qu'un échantillon des exploitations de la cave.

L'association pour le Système de management environnemental (SME) du vin de Bordeaux, mise en place par l'interprofession (CIVB) en 2010, va également utiliser cette possibilité. « Nous allons proposer à nos adhérents de les accompagner vers une certification collective intégrant le SME et la HVE », explique-t-on au CIVB. À ce jour, 145 exploitations girondines sont labellisées SME. Demain, grâce à ce double audit, la plupart d'entre elles seront aussi HVE. Dans les mois à venir, le nombre de certifiés va donc continuer à croître.

Reste un point noir : la communication. Tous les viticulteurs que nous avons interrogés estiment qu'elle est insuffisante et que les pouvoirs publics devraient faire plus d'efforts. Le ministère de l'Agriculture a bien ouvert un site, activé les réseaux sociaux et créé quelques événements, ce n'est pas assez. Les Vif ont donc le projet de monter une association interfilière pour promouvoir la HVE. Objectif : mettre des moyens en commun pour faire connaître la démarche.

RÉUSSIR SON AUDIT LES CONSEILS DE FABIEN ZEDDE, DIRECTEUR D'OCACIA

Préparer les documents exigés. Les plus importants ? Le plan de l'exploitation avec ses infrastructures écologiques (haies, bosquets...), le cahier des traitements phyto et les factures de produits pour le calcul de l'indice de fréquence de traitement (IFT), idem pour la fertilisation, le récapitulatif des parcelles plantées... Il est important d'avoir tout à sa disposition. L'auditeur ne doit pas attendre.

Se faire accompagner pour le calcul des indicateurs requis qu'ils soient relatifs à la biodiversité, à la stratégie phytosanitaire, à la fertilisation ou à l'irrigation. Les Vif et les chambres d'agriculture vous accompagnent dans le cadre de formation de deux journées.

Prévoir du temps. Un audit dure de trois à quatre heures. Son coût peut être estimé entre 300 et 400 € HT.

Demander l'audit lorsqu'on se sait prêt. Sinon, on court le risque de devoir tout recommencer.

France Nature Environnement applaudit des deux mains

Début mars, l'association France Nature Environnement (FNE) a signé un manifeste pour le développement de la certification HVE avec le cabinet Deloitte Développement Durable. Surprenant de la part d'une association plutôt connue pour militer contre les phytos. Non, répond Camille Dorioz, chargé de mission agriculture à FNE : « Dès le Grenelle de l'environnement, nous avons proposé une certification fondée sur des indicateurs incluant l'agroécologie. La Haute valeur environnementale représente à nos yeux le label de l'agroécologie. » À l'approche du changement de gouvernement, l'association craint un retour en arrière. D'où sa prise de position en faveur de la démarche. Elle s'est par ailleurs rapprochée des Vignerons indépendants (Vif) et des autres filières agricoles. « Nous prônons une utilisation massive du logo afin qu'il fasse écho auprès du grand public », ajoute Camille Dorioz. Pour la FNE, il reste encore des améliorations à apporter, notamment au sujet du bien-être animal et de la juste répartition de la valeur ajoutée entre les divers opérateurs de la filière.

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