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VIN

Bretts De pire en pire

MARION BAZIREAU - La vigne - n°297 - mai 2017 - page 50

Du nouveau sur le front des Brettanomyces ! À Dijon, on observe qu'un sulfitage à 0,5 mg/l de SO2 actif ne suffit pas à éliminer de fortes populations ; chez Vivelys, on montre qu'elles détruisent les notes de grillé et de torréfaction issues du chêne.
ANALYSER le vin est indispensable avant de le boiser. © GUTNER

ANALYSER le vin est indispensable avant de le boiser. © GUTNER

Pour inhiber le développement des Brettanomyces, les techniciens ont coutume de préconiser 0,5 mg/l de SO2 actif dans le vin. Selon Cédric Longin, auteur d'une thèse à l'IUVV de Dijon, il faut affiner ces recommandations en tenant compte de la charge microbienne du vin et des souches qui la composent.

Pour en arriver là, il a étudié l'impact de plusieurs doses de SO2 dans des vins rouges contaminés par diverses concentrations de Brettanomyces. Il a répété l'expérience deux fois : la première avec une souche peu résistante aux sulfites et la seconde avec une souche plus coriace. Puis il a analysé les lots à neuf reprises, jusqu'au 50e jour suivant le sulfitage. La dose de 0,5 mg/l de SO2 actif a suffi à inhiber le développement de la souche la moins résistante durant toute la durée des essais lorsqu'elle a été ensemencée à hauteur de 103 ou 104 cellules par ml de vin. En revanche, implantée à hauteur de 105 cellules/ml, cette souche a survécu à un ajout de 0,5 mg/l de SO2 actif et même de 0,9 mg/l. Dans ces deux essais, le doctorant a trouvé des cellules viables mais non cultivables (VNC) au bout de 15 jours et des cellules cultivables dès 21 jours. Après avoir sulfité à 1,1 mg/l de SO2 actif, il n'a jamais détecté de levures cultivables. En revanche, il a trouvé des Bretts VNC au bout de 17 jours d'incubation.

Comme on pouvait s'y attendre, la seconde souche a davantage résisté aux faibles sulfitages. Il a fallu monter jusqu'à 1,1 mg/l de SO2 actif pour inhiber complètement son développement lorsqu'elle était implantée à des concentrations de 103 et 104 cellules par ml. Et à 105, le vin a été contaminé au bout de 25 jours.

Il faudrait désormais approfondir la connaissance de la résistance aux sulfites des Brettanomyces de chaque région. « Les viticulteurs pourront alors mieux raisonner leur sulfitage », explique Cédric Longin.

Les Bretts : des antiboisages

Les Brettanomyces sont dangereuses à plus d'un titre. Fournisseur de bois oenologiques, Vivelys affirme qu'en plus de masquer les arômes et de produire des éthyl-phénols, elles dégradent certains composés du chêne. Pour le démontrer, son équipe de recherche & développement a ensemencé des vins rouges avec 1 000 cellules par ml de Brettanomyces. Une semaine avant, elle avait ajouté des copeaux à une partie des vins : soit 20 g/l de bois simplement séché (BF), soit de 2 à 5 g/l de copeaux torréfiés (DC310). Pendant 50 jours, elle a quantifié plusieurs composés aromatiques et dosé les phénols volatils.

Les techniciens ont d'abord remarqué que le bois ne gêne pas beaucoup le développement des levures. Les vins copeautés avec du bois juste séché présentent des populations légèrement plus faibles que les témoins sans copeaux (3 millions de cellules par ml contre 4 millions), mais, à ces niveaux de populations, c'est sans conséquences sur les profils sensoriels des vins. Vivelys a obtenu les mêmes résultats avec les copeaux torréfiés.

Les techniciens ont noté une chute drastique du furfural (arôme d'amande grillée) dès que les Brettanomyces sont entrées en phase de croissance. Dans toutes les modalités boisées, la molécule a complètement disparu au bout de 40 jours, alors que les vins non contaminés par les Brettanomyces en renfermaient 16 mg/l. Comme Vivelys s'est assuré de l'absence d'autres micro-organismes, cette disparition ne peut être imputée qu'aux Bretts. Autre molécule aux notes torréfiées, le 5-hydroxyméthylfurfural a aussi été dégradé. Comme le furfural, il a disparu alors même que les Bretts n'avaient pas encore produit d'éthyl-phénols. En revanche, ces levures n'ont pas eu de conséquence sur les teneurs en vanilline ni en syringaldéhyde (notes boisées, chocolatées).

Si elle n'a pas encore balayé toutes les molécules du bois, l'entreprise encourage d'ores et déjà les vignerons à réaliser un dépistage des Brettanomyces avant de mettre en place un boisage.

Les VNC ne produisent pas d'éthyl-phénols

Cédric Longin a profité de sa thèse à l'IUVV de Dijon pour étudier la capacité des Bretts VNC à produire des éthyl-phénols. « La littérature donnait jusqu'alors des résultats contradictoires. Pour me faire mon idée, j'ai mesuré les éthyl-4-phénols (E4P) produits par la souche la plus résistante au SO2. » Dans les vins sulfités à 0,5 et 0,9 mg/l de SO2 actif, les éthyl-phénols n'ont été produits qu'à partir du moment où des Bretts viables et cultivables se sont développées. Pourtant, des Bretts VNC étaient présentes très tôt. À 1,1 mg/l, aucune Brettanomyces cultivable n'a pu être détectée. Le chercheur n'a identifié que des VNC. Dans ces conditions, il n'a pu mettre en évidence aucune production d'éthyl-phénols. Pour lui, c'est clair : « Pour produire de l'E4P, Brettanomyces doit être viable et cultivable. »

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