«Aucune nation n'aime à considérer ses malheurs comme ses enfants légitimes », affirmait l'essayiste Paul Valéry. Aucune profession non plus, pourrait-on ajouter. Pour cette raison, le récent rapport de l'Iref a de quoi irriter. Après bien d'autres, cet institut, financé par des donateurs privés et qui milite pour le libéralisme économique, a rendu un rapport sur la perte de compétitivité de la viticulture française. Mais il y apporte un regard neuf, mettant l'accent sur l'étau dans lequel notre filière s'est enserrée à force de réclamer des réglementations plutôt que de s'en remettre au marché.
Pendant des décennies, la France a produit plus de vin qu'elle n'en consommait. Pour assainir cette situation, les producteurs ont réclamé des mesures de réduction de l'offre - interdiction de planter et d'irriguer, plafonds de rendement, distillation - alors qu'une autre solution aurait consisté à encourager les exploitations les moins rentables à tourner la page. Les domaines restants auraient alors continué dans un cadre plus souple. Pour l'Iref, notre viticulture est lestée de cet héritage culturel et législatif qui l'empêche de saisir les nouvelles opportunités à l'export. Réduire ou contraindre l'offre chez nous, par des règles et des lois, c'est laisser la place libre à d'autres. Difficile de contester cette analyse vu l'essor des pays du Nouveau Monde. Même si bien des passages de ce rapport sont excessifs, notamment dans certains des remèdes qu'il préconise, il mérite le détour pour les perspectives qu'il ouvre.
Notre compétitivité à l'export dépend aussi des bonnes relations entre production et négoce. Ce dernier commercialisant les deux tiers de la production française, il est essentiel qu'il s'entende avec les viticulteurs sur ce qu'il faut produire pour répondre aux attentes des marchés. L'Iref ne dit rien sur ce sujet, mais nous y consacrons notre dossier spécial sur les régions dans les pages de ce numéro.
Partout, ces relations s'approfondissent. Alors que la guéguerre reste de mise entre les organisations nationales, sur le terrain, l'heure est à l'apaisement. Le contexte s'y prête, les prix étant plus rémunérateurs pour les producteurs. Encore fallait-il profiter de l'occasion, ce qui est le cas. La contractualisation progresse. Les échanges sur les styles de vins qu'il faut produire et leur coût pour les vignerons sont plus nourris que jamais. De quoi retrouver un peu d'agilité pour notre filière.