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DOSSIER - VITICULTURE, NÉGOCEDES RELATIONS APAISÉES

SAVOIE Le négoce sur la défensive

MARION BAZIREAU - La vigne - n°304 - janvier 2018 - page 48

Les négociants contiennent tant bien que mal l'envolée du prix du vrac et peinent à conserver leurs volumes et débouchés. Depuis peu, certains se sont mis à faire signer des contrats.
LAURENT CAVAILLÉ, président de la maison Cavaillé, fait désormais signer des contrats pour chaque transaction.  MAISON CAVAILLÉ

LAURENT CAVAILLÉ, président de la maison Cavaillé, fait désormais signer des contrats pour chaque transaction. MAISON CAVAILLÉ

Cette année, la Savoie n'a vendangé que 100 000 hl au lieu des 130 000 hl qu'elle peut espérer. Et comme la région n'a plus connu de récolte pleine depuis 2011, les cours s'envolent. « Le vrac a pris près de 20 % en trois ans. Nous ne pouvons pas répercuter cette hausse en aval. Nous n'avons d'autre choix que de rogner sur nos marges », relate Charles-Henri Gayet, président du CIVS, l'interprofession, et PDG d'Adrien Vacher, premier opérateur de la région, avec 3 millions de bouteilles commercialisées chaque année.

« L'augmentation est surtout visible sur la jacquère. Elle s'achète aujourd'hui entre 2,30 et 3 € le litre. La roussanne et l'altesse étaient déjà très bien valorisées, il nous est difficile d'aller au-delà », tempère Gilles Perrier, producteur sur 30 hectares et président de la maison éponyme, qui achète entre 2 000 et 2 500 hl de vin à une trentaine de viticulteurs chaque année. « Nous sommes déjà contraints de réduire les budgets alloués à la communication et de délaisser le marché national pour nous concentrer sur la région et l'export », poursuit-il.

Tout le monde a conscience qu'il est indispensable de pérenniser les marchés, même si la viticulture de montagne coûte cher. « Nous convoquons régulièrement les viticulteurs à des réunions pour expliquer nos problématiques », témoigne Laurent Cavaillé, président de la maison Cavaillé, qui achète 60 000 cols par an.

S'ils parviennent tant bien que mal à contenir la flambée des prix, les neuf négociants peinent à conserver leurs volumes. Ils commercialisent encore près de 40 % de la production régionale. Les vignerons leur sont généralement fidèles, mais ils ont tendance à augmenter leur part de vente directe dans les stations de ski voisines. « Ils connaissent bien les restaurateurs locaux et n'ont pas de mal à aller les démarcher », poursuit Charles-Henri Gayet.

« Nous subissons en outre la hausse du prix du foncier autour de Chambéry. L'urbanisation gagne du terrain et nous fait encore perdre des volumes », regrette Laurent Cavaillé. « Et nous voyons arriver des opérateurs extérieurs, tels que Castel et la filiale vin de Picard, ajoute Charles-Henri Gayet. Nous aimerions d'ailleurs que nos cahiers des charges soient modifiés et que l'embouteillage dans l'aire d'appellation devienne obligatoire. »

Les négociants tentent de limiter la casse en reprenant des domaines. En 2000, la maison Adrien Vacher a ainsi acquis le domaine du château de la Violette, aux Marches. « Nous sommes passés de 7 à 20 ha », lance Charles-Henri Gayet, qui a d'autres projets pour les mois à venir.

Ils réussissent aussi à retrouver quelques fournisseurs, « souvent de nouveaux vignerons qui ont un besoin rapide de trésorerie », détaille Laurent Cavaillé.

Les contrats ne sont pas monnaie courante. « Nous accompagnons nos partenaires toute l'année, à la vigne et au chai, témoigne Charles-Henri Gayet, qui achète 3 500 hl de vendange et de moût, et 12 000 hl de vin tous les ans. Je déguste toutes les cuves et je me mets d'accord avec les vignerons. Ils m'envoient simplement une facture à la retiraison. Nous payons dans un délai de 180 jours, conformément à l'accord interprofessionnel. »

Gilles Perrier et Laurent Cavaillé ont longtemps fonctionné de la même manière. Ils font désormais signer des contrats pour chaque transaction. « J'ai fait ce choix il y a sept ans, juste après la mise en place de l'observatoire des marchés par l'interprofession, qui nous a donné une vision plus précise des pratiques régionales », illustre Laurent Cavaillé.

Pour l'heure, l'interprofession n'a pas lancé de contrat. « Mais on en prend doucement le chemin, témoigne Michel Quenard, président du SRVS, le syndicat des producteurs. Le négoce est de moins en moins opposé à l'idée. »

Le Point de vue de

Jérémy Dupraz, vigneron sur 11 ha, à Apremont. 50 % vendu au négoce.

LES RAPPORTS ENTRE PRODUCTION ET NÉGOCE ONT-ILS CHANGÉ ?

«Le négoce parvient de plus en plus à placer les vins à de jolis prix, notamment à l'export. Cela nous permet d'avoir des négociations sereines, même s'il commence à nous signifier que nous arrivons à un plafond. Lorsque j'ai rejoint mes parents, anciens coopérateurs, en 2014, nous avons vendu 85 % de la récolte à la maison Viallet. Depuis deux ans, je travaille avec deux autres négociants pour ne pas mettre tous mes oeufs dans le même panier. En outre, alors que les abymes, mondeuse et roussette n'intéressent pas Viallet, la maison Perrier en demande car elle vend de plus petites cuvées. Le négoce pallie mon manque actuel de réseau et me permet de bien valoriser mes autres cuvées. »

L'essentiel de l'offre

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