dossier - Méthodes alternatives

Le biocontrôle vu du Brésil

Catherine Regnault-Roger* - Phytoma - n°624 - septembre 2009 - page 39

Dynamique de la lutte biologique à l'échelle de ce vaste pays, au congrès Siconbiol à Bento Gonçalves (Rio Grande do Sul)
 ph. Lidia Mariana Fiùza

ph. Lidia Mariana Fiùza

Ci-dessus et en médaillon, expérimentation sur riz transgénique à l'Instituto Rio Grandense do Arroz (IRGA) conduite par le Pr. Lidia Mariana Fiúza de l'Universidade do Vale do Rio do Sinos (Unisinos). Photos : L.M. Fiuzan, Unisinos

Ci-dessus et en médaillon, expérimentation sur riz transgénique à l'Instituto Rio Grandense do Arroz (IRGA) conduite par le Pr. Lidia Mariana Fiúza de l'Universidade do Vale do Rio do Sinos (Unisinos). Photos : L.M. Fiuzan, Unisinos

Culture commerciale de coton transgénique (var. NuOpal) au MatoGrosso : semis haute densité et normal. ph. P. Silvie IRD/CIRAD

Culture commerciale de coton transgénique (var. NuOpal) au MatoGrosso : semis haute densité et normal. ph. P. Silvie IRD/CIRAD

Le Brésil, quel dynamisme ! On savait que l'agriculture s'y développe à toute vitesse, et avec elle la protection des plantes conventionnelle et les OGM. Mais les méthodes alternatives de protection des plantes de type lutte biologique et usage de préparations naturelles en font tout autant. La société entomologique brésilienne a fait le tour de la question lors d'un congrès tenu début juin. Où l'on apprend que les plantes transgéniques sont l'objet de nombreuses recherches sur leurs effets non intentionnels, pendant que sont appliquées sur des cultures conventionnelles une trentaine de préparations biologiques clandestines... À côté, précisons-le, de moyens alternatifs légaux et bien étudiés et d'excellents travaux sur la prévention des résistances et le respect de la biodiversité.

Au Brésil, la lutte biologique pour une agriculture durable est un mot d'ordre pour le progrès, à l'instar de la devise de ce grand pays. Terre de contraste, dans les plaines du Mato Grosso, les vignobles du Rio Grande do Sul ou sur les rivages de Recife, le Brésil se préoccupe de promouvoir le contrôle des organismes nuisibles tout en préservant l'environnement.

Aussi le 11e congrès de la Société entomologique du Brésil (SEB) sur le contrôle biologique (Siconbiol) a souligné cette orientation en prenant comme thème « Technologies et préservation de l'environnement ».

Contexte : l'après-sommet de Rio, certes...

Quoi de plus naturel, direz-vous, pour ce pays qui a accueilli le célèbre Sommet de Rio en 1992 ! Cette Conférence des Nations Unies sur l'environnement et le développement (CNUED) a en effet donné le coup d'envoi à un programme de lutte mondiale pour le développement durable soulignant à la fois la convergence des actions pour limiter les effets des changements climatiques et contre la désertification, pour la protection de la biodiversité et des forêts.

Sauf que les vœux de la « Déclaration de Rio » sont longtemps restés pieux pour de nombreux pays. Et ils le restent d'ailleurs dans de grands pays émergents au prétexte, selon les dires de leurs responsables politiques, qu'il faut bien qu'ils se développent.

Aussi est-ce avec beaucoup d'intérêt que j'ai découvert que les discours politiques ne sont pas forcément suivis d'effets et qu'il existe une réelle dynamique de la part des acteurs scientifiques et techniques brésiliens des secteurs de la protection des végétaux et de la lutte contre les nuisibles pour développer des méthodes alternatives à l'utilisation des pesticides chimiques qui tiennent mieux compte de l'équilibre des écosystèmes et de la biosphère.

Taxonomie, résistances, plantes transgéniques

Les thématiques abordées ont couvert un large champ des recherches entreprises au Brésil en laboratoire mais aussi sur le terrain. Citons à titre d'exemples quelques questions débattues :

– l'importance des études taxonomiques comme outil pour le contrôle biologique des insectes, et le respect de la biodiversité ;

– les stratégies de gestion des résistances pour les agents de contrôle biologique ;

– les plantes transgéniques et leurs effets sur la gestion des micro-organismes du sol, des stress biotiques, ou étude de l'existence d'une toxicité (non avérée) des protéines CryA pour les petits mammifères de type rongeur ou les insectes non cibles, etc.

Ainsi, l'autorisation donnée en 2003 de cultiver des plantes transgéniques au Brésil a ouvert la porte à des financements de recherches avancées sur les effets non intentionnels des cultures transgéniques, faisant ainsi progresser la connaissance sur le ratio bénéfices/risques de cette technologie.

OGM, moyens biologiques officiels et clandestins : tout va très vite

Elisio Contini, économiste brésilien spécialiste des questions agricoles, indiquait en 2006 que le potentiel productif de son pays tant en termes de croissance et de productivité qu'en termes d'expansion de la surface cultivée représentait, selon l'Institut brésilien de recherche agronomique (EMBRAPA), 80 millions d'hectares disponibles pour la production de grains. Et ceci sans détruire la forêt amazonienne (l'estimation actuelle est de 62 millions d'hectares de terres cultivées soit 7 % de la superficie totale du Brésil). Dans cette logique, l'ISAAA (International Service for the Acquisition of Agri-biotech Applications) estime qu'au Brésil les surfaces des cultures transgéniques sont passées en deux ans, de 2006 à 2008, de 11,5 millions d'hectares à 15,8 millions d'hectares.

Le Dr Flávio Moscardi de l'EMBRAPA/CNPSO de Londrina (Parana) constate pour sa part, dans sa conférence introductive au congrès Siconbiol une progression des méthodes de lutte biologique dans les surfaces cultivées. Cette progression permet déjà d'économiser de 8 à 10 millions de tonnes de pesticides chimiques par an, et ceci en dépit des difficultés techniques.

Il s'est fait également l'écho de pratiques non officielles donc ni répertoriées ni chiffrées comme l'utilisation de mycopesticides clandestins : environ 30 produits biologiques issus de champignons entomopathogènes seraient actuellement utilisés sans homologation au Brésil dans des parcelles. Ceci augmenterait de fait l'importance des surfaces agricoles contrôlées biologiquement.

L'ensemble des travaux exposés au congrès Siconbiol ont ainsi traduit le dynamisme d'un pays qui se développe sans complexe mais qui s'interroge également pour que son agriculture s'inscrive dans le développement durable.

<p>* Université de Pau et des Pays-de-l'Adour.</p>

Siconbiol 2009

Sous la présidence du Professeur Lidia Mariana Fiúza, de l'Universidade do Vale do Rio do Sinos (Unisinos) et avec la collaboration de la Fondation Oswaldo Cruz (Fiocruz) et de l'Instituto Rio Grandense do Arroz (IRGA), le 11e congrès Siconbiol a rassemblé du 1er au 5 juin 2009 à Bento Gonçalves (Rio Grande do Sul) près de 600 participants venus principalement de tout le Brésil et des pays limitrophes du cône sud (Argentine, Uruguay). À l'image de ce pays gigantesque, il a suscité 21 conférences plénières invitées, 514 communications orales et affichées ainsi que 24 tables rondes organisées autour de 77 exposés.

Résumé

Le congrès Siconbiol organisé par la SEB à Bento Gonçalves (Rio Grande do Sul, Brésil) du 1er au 6 juin 2009 a permis de faire le point sur la lutte biologique (bio-contrôle) et les relations entre « technologies et préservation de l'environnement ».

On y a parlé d'études taxonomiques, de biodiversité, de gestion des résistances vis-à-vis des agents de biocontrôle, d'étude des effets non intentionnels des plantes transgéniques (OGM) et du développement rapide des méthodes alternatives contre les ravageurs au Brésil : méthodes reconnues ou clandestines.

Mots-clés : méthodes alternatives, lutte biologique, biocontrôle, taxonomie, résistances, plantes transgéniques, effets non intentionnels, mycopesticides, biodiversité, Société entomologique du Brésil.

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