dossier - Vigne

Maladies du bois de la vigne, les prévenir en pépinières

Virginie Viguès*, Olivier Yobregat*, B. Barthélémy*, Flora Dias*, M. Coarer**, K. Girardon***, F. Bérud** **, M. Muller** *** et Philippe Larignon** *** - Phytoma - n°638 - novembre 2010 - page 27

Tests de méthodes de désinfection chimiques, biologiques et physiques
 ph. V. Viguès

ph. V. Viguès

Ci-contre, un des essais à l'origine des résultats rapportés ici, avec une différence entre traitements. En médaillon, fragment de bois mis en culture. Il est analysé au bout d'un mois. ph. V. Viguès

Ci-contre, un des essais à l'origine des résultats rapportés ici, avec une différence entre traitements. En médaillon, fragment de bois mis en culture. Il est analysé au bout d'un mois. ph. V. Viguès

Suite aux différentes études menées en pépinière sur les champignons associés aux maladies du bois (résultats parus dans Phytoma n°609 et n°621), de nombreux essais menés de concert entre le Sud-Est et le Sud-Ouest de la France ont permis d'évaluer l'efficacité de dix-sept moyens différents de désinfection des plants en pépinière à l'égard des champignons associés à ces maladies. Voici une synthèse des résultats obtenus.

Quel que soit le centre d'études où elles sont testées, les méthodes de désinfection de plants de vigne en pépinières sont généralement mises en œuvre durant la phase de réhydratation. En effet, c'est à ce stade que le matériel végétal est le moins fragile et qu'on peut donc envisager l'utilisation de divers process sans trop de dégâts sur la viabilité du plant.

Les plants traités suivent ensuite un itinéraire de fabrication classique et sont analysés au moment de leur commercialisation. Suivant les modalités, les taux de réussite, la disponibilité du matériel végétal... entre 80 et 300 plants traditionnels ou en pots sont analysés par modalité.

Évaluation de méthodes de désinfection

Les méthodes testées

Sept méthodes ont été testées sur des plants traditionnels stratifiés à l'eau : deux désinfectants bactéricides (hypochlorite de sodium et cryptonol), quatre produits biologiques (deux essences végétales et deux produits à base de champignons du genre Trichoderma) et un moyen physique, le traitement à l'eau chaude. Ce dernier a été testé avec trois modes d'application différents : application sur greffon et porte-greffe, application sur le greffé-soudé ou succession des deux applications.

Sur les plants en pot stratifiés à la sciure, outre les deux désinfectants, le traitement à l'eau chaude et un des deux Trichoderma testés également sur plants traditionnels, l'IFV a testé quatre autres Trichoderma sp., trois fongicides classiques, un engrais foliaire et un micro-organisme et, enfin, un autre traitement physique, l'ozonation.

Leur mode d'évaluation

L'évaluation de l'efficacité du process est basée sur le taux de présence dans le plant du champignon considéré. La méthode d'analyse utilisée est celle de Larignon et Dubos (1997).

Les plants sont découpés sur 6 niveaux (greffon, soudure et 4 niveaux du porte-greffe) comme le montre la figure 1. Les fragments de bois issus de ces niveaux sont mis en culture et la lecture des ensemencements est réalisée un mois plus tard. Les différents champignons associés aux maladies du bois sont recherchés : Phaeomoniella chlamydospora (Pch), Phaeoacremonium aleophilum (Pal), Diplodia seriata (Ds), Neofusicoccum parvum (Np), Phomopsis viticola (Pv) et Neonectria liriodendri (Nl). Lorsque des produits à base de Trichoderma sont testés comme moyen de « désinfection », un milieu inhibant la croissance de ces derniers est utilisé. En effet, ces micro-organismes poussent tellement vite qu'ils peuvent masquer le développement des champignons recherchés.

Les taux de contamination des différentes modalités sont comparés à un témoin constitué de plants issus d'un même lot mais dont l'eau de réhydratation n'a subi aucun traitement.

Résultats

Divers moyens éliminés

Tous les produits testés au fil des années sont répertoriés dans le tableau ci-contre.

Les temps de trempage et les concentrations sont à ajuster pour éviter les effets négatifs sur la viabilité des plants. La principale difficulté est de trouver un juste équilibre entre viabilité des plants et efficacité. La majorité des méthodes testées se sont malheureusement avérées inefficaces et trois d'entre elles affectaient la viabilité des plants.

Deux sortent du lot

Cependant un fongicide semble intéressant : l'association de cyprodinil et de fludioxonyl (Switch), seul produit diminuant fortement le taux de présence de Neofusicoccum parvum dans les plants en pots. Néanmoins ce résultat mérite d'être confirmé sur des niveaux de contaminations plus élevés.

La seule méthode donnant des résultats intéressants depuis plusieurs années est le traitement à l'eau chaude (50 °C pendant 45 mn) car il permet une baisse du taux de présence de D. seriata, P. chlamydospora et Phomopsis viticola. Ce traitement semble plus pertinent et efficace lorsqu'il est réalisé sur les greffés-soudés juste avant leur commercialisation. Le travail s'oriente aujourd'hui vers la recherche d'une méthode capable de diminuer voire l'éliminer N. parvum en complément du traitement à l'eau chaude. Dans cette optique, l'utilisation du Switch semble une piste à suivre.

Le travail continue

En 2009, le Ministère de l'Alimentation, de l'Agriculture et de la Pêche (MAAP) a décidé d'apporter 1,5 million d'euros sur trois ans pour la réalisation de cinq projets de recherche sur les maladies du bois, dans le cadre d'un appel à projets piloté par l'IFV, en collaboration avec le CNIV et l'APCA.

Un projet portant sur la recherche et l'évaluation de procédés permettant la production de plants indemnes de champignons associés aux maladies du bois a été retenu.

En 2010, de nouvelles méthodes de désinfection sont donc en cours d'évaluation dans différents centres de recherche français.

<p>* IFV Pôle Sud-Ouest - V'Innopôle Brames-Aigues. BP 22. 81310 Lisle/Tarn.</p> <p>** IFV Pôle Val-de-Loire - Château de la Frémoire. 44120 Vertou.</p> <p>*** SPBPVV, 384, route de Caderousse, 84100 Orange.</p> <p>**** Chambre d'agriculture du Vaucluse, 2 260, route du Grès. 84100 Orange.</p> <p>***** IFV Pôle Rhône-Méditerranée. Domaine de Donadille. 30230 Rodilhan.</p>

Figure 1 - Schématisation d'un greffé-soudé avec les niveaux des découpes pratiquées pour le travail rapporté ici.

Résumé

Après avoir déterminé les étapes à risques liées aux maladies du bois en pépinière, l'IFV recherche depuis plusieurs années des méthodes pour éliminer les champignons associés à ces maladies et présents dans les plants de vigne.

Divers process ont été testés : des procédés chimiques (fongicides, bactéricides), des procédés biologiques (micro-organismes, extraits végétaux) et des procédés plus technologiques (traitement eau chaude, ozonation).

Les résultats sont globalement décevants mais quelques pistes sont intéressantes. L'utilisation de produits à base de Trichoderma entraîne une colonisation des plants par ces micro-organismes si les spécialités sont appliquées par trempage mais n'a pas d'effet immédiat sur les taux de contamination par les champignons recherchés.

Un fongicide testé en 2009 semble peut-être intéressant : le Switch qui entraîne une baisse du taux de contamination par Neofusicoccum parvum. La seule méthode qui donne, depuis plusieurs années, des résultats intéressants sur Phaeomoniella chlamydospora, Diplodia seriata et Phomopsis viticola est le traitement à l'eau chaude à 50 °C pendant 45 mn. Il semble plus pertinent lorsqu'il est réalisé sur les plants avant leur commercialisation. Il reste à trouver une méthode permettant de diminuer (ou d'éliminer) N. parvum, elle pourrait alors compléter l'utilisation du traitement eau chaude.

Mots-clés : vigne, plants, pépinières, maladies du bois, process, traitement à l'eau chaude, fongicides, désinfectants, produits biologiques.

Summary

Fungi associated to wood decay diseases spread in nurseries. So we want to find out methods to eliminate fungi associated to these diseases and present in vine plants.

Different processes were tested : chemical methods (fungicide, bactericide), biological methods (microorganisms, plant essences) and technological methods (Hot Water Treatment, ozonization). The results were globally disappointing but some tracks were interesting.

The following products were to be banned because they were ineffective and/or meant high mortality of plants : sodium hypochlorite, Cryptonol® (oxyquinoléine), essences of plants. Ozonization seemed to be inefficient as well. The use of products based on Trichoderma brought about the colonization of vine plants by these micro-organisms more particularly when the vine plants were soaked in these products (the colonization was less important when the products were sprayed) but it had no effect on the rate of contamination by the researched fungi. One fungicide which was tested in 2009 might be interesting : Switch® (fludioxonil, cyprodinil) which reduced the rate of Neofusicoccum parvum. The only method which had kept giving interesting results for several years was HWT (50°C during 45 min). It permitted the reduction of D. seriata, P. chlamydospora and Phomopsis viticola. It seemed more relevant when it was achieved on vine plants just before selling them.

An effective method able to reduce (or to eliminate) N. parvum remains to be found. Then it would complement HWT.

L'essentiel de l'offre

Phytoma - GFA 8, cité Paradis, 75493 Paris cedex 10 - Tél : 01 40 22 79 85