Le 1er de ce mois, quelque chose a changé dans la protection phytosanitaire des ZNA (zones non agricoles) à l'aide de produits phytopharmaceutiques ou « produits phytos ». Depuis lors, nul ne peut plus vendre ces produits, les conseiller ni les appliquer en prestation de service sans avoir son certiphyto, et un employeur certifié et agréé.
Récit des origines
Un cadre dressé par étapes
Ces exigences renforcent celles issues de la loi d'agrément de 1992(1) qui est abrogée. Elles viennent de l'article 94 de loi Grenelle 2 de 2010(2) transposant la directive « Utilisation durable » de 2009(3) et ont été précisées par un décret d'octobre 2011(4).
Le certiphyto, mais aussi l'agrément et le certificat d'entreprise
Celui-ci instaurait une double obligation : – certificat individuel phytosanitaire pour tout professionnel applicateur ou vendeur de produits phytos ou conseillant leur application ; le nom de « certiphyto » s'est imposé pour désigner ce certificat ; pour l'obtenir, il faut avoir un diplôme (figurant sur une liste officielle) récent, ou bien suivre une formation et/ou réussir un test, – certificat et agrément pour toute entreprise pratiquant l'application de produits phytos en prestation de service, et/ou leur vente aux utilisateurs, et/ou le conseil à leur sujet.
Des délais nécessaires
Cette obligation n'est pas entrée en vigueur en octobre 2011. Il fallait laisser le temps :
– aux professionnels concernés pour se former pour le certiphyto, et à leurs entreprises pour s'organiser et effectuer les démarches pour l'agrément, mais avant...
– aux organismes formateurs pour se faire habiliter et s'organiser (avant la sortie du décret, une expérimentation grandeur nature avait permis d'avancer l'élaboration des programmes) et aux organismes certificateurs pour se faire accréditer, mais avant...
– aux pouvoirs publics pour préciser les procédures par arrêtés et notes diverses.
Pour certains, c'est fait
Qui est concerné ?
Pour les entreprises ayant des salariés appliquant des produits phytos en prestation de service, ou en vendant, ou conseillant à leur sujet, et pour les salariés en question, l'échéance pour obtenir tous ces certificats était le 1er de ce mois d'octobre. Concernant l'application des produits en prestation, trois cas sont possibles.
En pratique, certains applicateurs prestataires vont continuer
Premier cas, l'entreprise a pour objet principal d'appliquer ces produits. L'AAPP(5) regroupe de telles sociétés ; aujourd'hui, tous ses adhérents sont agréés et leurs salariés concernés ont le certiphyto.
Deuxième cas, l'application de produits phytos est une de ses prestations (ex. : entreprise du paysage) et elle veut continuer. Elle a dû faire obtenir le certiphyto aux salariés concernés et passer contrat avec un organisme certificateur qui l'a auditée pour sa certification et son agrément.
En pratique, seuls les salariés ayant leur certiphyto peuvent effectuer des traitements. Les autres ont dû arrêter d'appliquer des produits phytos le 30 septembre au soir et se rabattre sur d'autres tâches. À noter : le récépissé de la demande de certiphyto auprès des autorités (effectuée en se référant à une attestation de formation et/ ou de réussite au test) vaut certiphyto en attendant la réception du certificat officiel
D'autres ont dû arrêter
Troisième cas, l'application de produits phytos était une des prestations de l'entreprise, mais cette dernière n'a pas fait de demande d'agrément. Même si certains de ses salariés ont le certiphyto, elle a dû refuser toute prestation d'application de produits phytos depuis le 1er octobre.
En pratique, si elle a des prestations d'entretien phytosanitaire à fournir, elle doit utiliser des méthodes alternatives : désherbage manuel, mécanique voire thermique, soin aux plantations par apports d'auxiliaires de lutte biologique, etc.
Attention ! Même l'application de produits phytos UAB (utilisables en agriculture biologique) et/ou de biocontrôle lui est interdit ! Le projet de loi d'avenir prévoit d'exempter le biocontrôle... Mais seulement de l'agrément/ certification d'entreprise, pas du certiphyto ! Et projet n'est pas loi !
Et utiliser pour des usages phytosanitaires des produits à statut légal de fertilisants, voire sans statut légal particulier ? D'abord, c'est interdit. Ensuite, c'est risqué : ces produits n'ont pas subi de tests officiels, ni sur leur efficacité ni sur leur toxicité.
Et les vendeurs et conseillers ?
Côté vente, soit l'entreprise a voulu conserver son activité de vente de produits phytos aux professionnels et/ou au grand public. Elle a fait les démarches pour la certification et l'agrément d'entreprise et a fait obtenir les certiphytos correspondants à suffisamment de salariés pour que tous les clients puissent avoir accès à un vendeur certifié.
Soit elle a retiré tous les produits phytos de ses rayons, au plus tard le 30 septembre dernier au soir. La mesure est raisonnable si la vente de produits ne rentabilise pas l'investissement lié à la certification (formations, audit de certification...).
De même, une entreprise ou un organisme délivrant du conseil a dû choisir : soit professionnaliser son conseil phytosanitaire en se faisant certifier et agréer et en faisant « certiphytofier » ses conseillers, soit abandonner toute préconisation de produits phytos dans les conseils d'entretien d'espaces et de végétaux qu'elle peut donner.
Pour d'autres, ce sera le 1er octobre 2014
Qui est concerné ?
Restent des gens dont l'employeur n'est pas soumis à certification d'entreprise ni agrément, mais qui, eux, doivent quand même passer le certiphyto : ceux qui appliquent des produits phytos à titre professionnel sans que cela soit en prestation de service. En France, il y en a en agriculture (agriculteurs et salariés agricoles), mais aussi en ZNA :
– les salariés de collectivités territoriales,
– ceux qui traitent pour le compte de leur employeur sans prestation de services spécifique : jardiniers de terrain de sport (ex. : golf), domaines et établissements privés, sociétés d'autoroute, chemin de fer, etc. Tous ces personnels devront avoir obtenu leur certiphyto d'ici le 1er octobre 2014.
En pratique, un an, quoique...
A priori, il leur reste donc presque un an pour s'organiser... En pratique, il est conseillé de s'y mettre dès l'hiver qui s'annonce !
Après le 1er octobre 2014, toute équipe n'ayant pas de titulaire de certiphyto parmi ses membres devra passer en « tout alternatif » ou faire appel à la prestation de services. En choisissant pour cela une entreprise agréée, bien sûr.
<p>(1) Loi d'agrément du 17/06/1992, publiée le 18/06.</p> <p>(2) Loi Grenelle 2 du 12/07/2010, publiée le 13.</p> <p>(3) Directive ut. durable du 21/10/2009 publiée le 24/11.</p> <p>(4) Décret du 18/10/2011, publié le 20 (+ ses arrêtés).</p> <p>(5) Association des applicateurs professionnels phytopharmaceutiques.</p>
Rappel utile : et à part ça, que veut la loi ?
Ceux qui, parmi les professionnels des ZNA, ont jusqu'au 1er octobre 2014 pour obtenir leur certiphyto et n'ont pas encore suivi la formation ne savent peutêtre pas que :
– la réglementation générale liée aux pratiques phytosanitaires les concerne, comme en agriculture,
– il existe en ZNA des règles particulières, plus contraignantes qu'en agriculture. Quelques exemples.
En ZNA comme au champ, l'application de produits phytos est, depuis septembre 2006(1), soumise à des règles :
– ne pas pulvériser par vent de plus de 3 sur l'échelle de Beaufort (« force 3 ») ;
– ne pas pulvériser sur une ZNT (zone non traitée) le long des cours et points d'eau ; la largeur est de 5 mètres sauf mention différente sur l'étiquette du produit ;
– respecter, après le traitement, un « délai de rentrée » durant lequel nul ne peut rentrer sur les lieux ou fouler les surfaces ; ce délai est de 6 heures sauf mention différente sur l'étiquette.
En ZNA comme au champ, le contrôle des pulvérisateurs est obligatoire depuis 2009(2) pour les appareils « de type agricole »... Ce qui ne signifie pas « à usages agricoles » ! Tout appareil à rampe d'au moins 3 mètres, motorisé, porté ou traîné par un engin motorisé, est concerné.
Ce contrôle doit avoir lieu tous les 5 ans. Si l'appareil date de 2008 ou avant et qu'on ne l'a pas encore fait contrôler, il faut le faire en 2013. Pour savoir où, voir le site du gippulvés (voir « Pour en savoir plus »).
Sur les lieux publics, des restrictions sont imposées depuis 2011(3) :
– certains produits autorisés en ZNA sont proscrits là où il y a ouverture au public,
– dans les lieux recevant des publics vulnérables (école, crèche, aire de jeux d'enfants, aux abords d'un bâtiment recevant des malades, etc.), sont interdits tous les produits phytos ayant le moindre classement toxicologique (même simplement irritant pour les yeux), qu'ils soient d'origine chimique ou naturelle,
– pour tous les lieux recevant du public, il y a des pratiques obligatoires d'affichage, de balisage et d'éviction de ce public.
(1) Arrêté du 12/09/2006, publié le 21.
(2) Décret pulvérisateurs du 1/12/2008 publié le 3 (+ arrêtés du 18 publiés le 26), suite à la LEMA (Loi sur l'eau) du 30/12/2006 publiée le 31.
(3) Arrêté « Lieux publics » du 27/06/2011, publié le 28/07, appliquant l'article 102 de la loi Grenelle 2. Voir Phytoma n° 648, novembre 2011, p. 20.