En matière de produits phytopharmaceutiques, cinq nouveautés sont arrivées depuis un an à la fois sur vigne et vergers, dont quatre autorisées sur des usages généraux et une plus spécifique.
Six autres sont destinées spécialement à la vigne et autant aux vergers, mais moins aux pommes qu'aux fruits tropicaux, banane notamment.
Les quatre généraux
Deux adjuvants végétaux
Commençons par les produits mixtes (Tableau 1, page suivante). Il y a tout d'abord deux adjuvants. Tous deux sont d'origine végétale avec une composante huile additionnée de tensio-actif. Ils ont ce que l'on appelle « un bon profil tox-écotox », en clair : de bonnes caractéristiques au plan toxicologique et écotoxicologique c'est-à-dire environnemental. Précisément, ils sont exemptés de classement toxicologique et même du « N » (c'est-à-dire : « dangereux pour l'environnement ») écotoxicologique. Alors, quelles différences ? La principale est leur usage.
TRS2 est un mélange d'oléate d'éthyle (à base d'huile de tournesol) et de « tensioactifs issus de la chimie des sucres », selon son fabricant SDP qui promet des propriétés étalantes, humectantes, pénétrantes et de diffuseur. Il s'utilise avec des herbicides de post-levée.
L'autre produit est à base d'huile de colza. Cette substance déjà utilisée comme insecticide jardin est désormais proposée aussi comme adjuvant pour bouillie fongicide dans Addit, de Koppert.
La société a fait autoriser le produit pour l'associer à un fongicide à base de iodure et de thiocyanate de potassium qu'elle développe en Europe. En attendant, et par expérience, elle le sait compatible avec des préparations à base d'organismes vivants, notamment des champignons qui ne peuvent pas être associés à n'importe quoi…
Le nouvel adjuvant est autorisé avec tout fongicide, qu'il soit d'origine biologique, minérale ou issu de synthèse chimique. Mais attention, toutes les associations n'ont pas été testées et le fabricant ne les garantit pas.
Souches, ceps à dégager...
Deux autres produits autorisés en traitements généraux peuvent intéresser aussi bien les vignes que les vergers, en particulier avant et après la phase plantation/replantation. Avant, il y a le dégagement de la parcelle avec l'arrachage des anciens ceps ou arbres. Génoxone ZXE d'Agriphar (il existe d'autres noms de marque), mélange de 2,4 D et de triclopyr, était déjà connu comme herbicide pour les espaces verts et prairies, pour débroussailler et dévitaliser les souches en forêt et espaces verts. Il est aussi autorisé en traitements généraux pour dévitaliser les souches en badigeonnage. Donc aussi bien sur les ceps que les arbres fruitiers avant arrachage. Il est classé aux plans toxicologique et écotoxicologique (Tableau 1), comme tous les produits actuellement sur le marché pour cet usage.
Plants et ceps à protéger
Ensuite, il y a la protection contre le gibier. Sur jeunes plants de vigne ou d'arbres fruitiers, les protections physiques type gaines et manchons sont utiles, mais certains animaux peuvent effeuiller la végétation qui dépasse. Voire se régaler de végétaux adultes, notamment la vigne… Ces animaux sont bien sûr les cervidés.
D'où l'intérêt des « répulsifs gibier » qui les visent. C'est le cas de Trico de Kwizda, vendu par Solutions et Plants.
Il est à base d'une substance d'origine naturelle et même biologique, mais ni végétale ni microbienne : animale. Il s'agit de graisses de mouton. Ce produit partage avec l'Arbinol (produit à base de benzoate de dénatonium de Stahler vendu par Arole) et les répulsifs à base d'huile de poisson l'avantage d'être dispensé de tout classement, « tox » comme « écotox ».
Il est autorisé en pulvérisation. Son AMM précise qu'on peut l'utiliser deux fois par an sur vigne « jusqu'au stade BBCH 61 », en clair jusqu'au début de la floraison.
Face à l'oïdium, doublé vigne-verger
Substance nouvelle pour le secteur
Le cinquième produit concernant autant la vigne que les vergers leur est spécifiquement destiné. Ce fongicide antioïdium vendu par Certis Europe est à base de cyflufénamid. La substance est récente : elle avait vu sa première autorisation fin 2009 sur céréales (et cultures porte-graines) contre l'oïdium dans Nissodium fin 2009.
Et elle a été autorisée sur vigne et verger de pommiers et poiriers, début 2013, dans Cyflodium(1) (et son jumeau Cidely distribué par Syngenta). Le classement du produit (Xi R38, irritant pour la peau, et N R51/53, toxique pour les organismes aquatiques, voir Tableau 1) est lié à ses coformulants : la substance elle-même est exemptée de classements, toxicologique comme écotoxicologique.
Mode d'action original
Le mode d'action du cyflufénamid est encore inconnu. Certis Europe expliquait dans Phytoma de juin dernier(2) que la substance, unique représentante de la famille des amidoximes, n'a pas de résistance croisée avec les autres fongicides antioïdium, ce qui suggère un mode d'action original.
C'est un atout dans la prévention des résistances et la gestion de l'efficacité, puisque cela augmente les possibilités d'alternance. Et ceci aussi bien en vigne qu'en verger.
Les spécialistes vigne
Deux autres fongicides
Le cyflufénamid est également proposé, associé au difénoconazole, un triazole déjà connu sur vigne, dans un produit réservé à la vigne. Deux spécialités identiques, Dynali et Rocca, toutes deux de Syngenta Agro, partagent le même numéro d'AMM (Tableau 2) et un profil « tox-écotox » favorable. Elles sont autorisées sur oïdium ainsi que sur black-rot et rougeot parasitaire alias brenner.
L'autre nouveau fongicide est un antimildiou. Nommé Grip Top et vendu par BASF Agro, il contient deux substances déjà connues en vigne : le dimétomorphe et le métirame. Leur association est inédite. Bien sûr, elle combine deux modes d'action différents dont un multisite (le métirame). C'est devenu un passage obligé dans la lutte contre le mildiou de la vigne, pour la gestion des résistances.
Trois insecticides
Trois autres produits sont des insecticides de Syngenta Agro (Tableau 2). En fait, un seul correspond à l'arrivée d'une substance nouvelle, c'est Luzindo. Il contient du thiaméthoxame, néonicotinoïde de Syngenta nouveau pour la vigne, et du chlorantraniliprole, substance de DuPont connue sous le nom de marque rynaxypyr. La seconde substance vise plus spécifiquement les lépidoptères donc, sur vigne, les tordeuses, mais la première a un spectre large. De ce fait, le produit est autorisé à la fois sur tordeuses, sur cicadelles vraies et sur leur proche cousin le flatide pruineux Metcalfa pruinosa.
Les deux autres insecticides sont Karaté X press et Karaté Zéon. Tous deux à base de lambda-cyhalothrine, ils diffèrent par la quantité de substance active qu'ils contiennent (Zéon est plus concentré) et leur forme physique : X press est une formulation solide WG (granulé dispersable) et Zéon un liquide CS (suspension de capsules). Ils étaient déjà autorisés sur vigne contre de nombreux insectes et même acariens. Nouveau : ils le sont désormais aussi contre le flatide pruineux.
Pour l'épamprage
La sixième nouveauté représente l'arrivée d'une nouvelle substance sur la vigne. Il s'agit du pyraflufen-éthyl. Il était déjà connu comme herbicide sur vigne (et même vergers) mais associé au glyphosate. Les nouveaux produits jumeaux Sorcier et Guerrier, tous deux de Philagro, sont les premiers à le proposer seul, et pour un usage particulier : l'épamprage de la vigne, dit aussi destruction des rejets.
Certes, il y avait déjà 23 spécialités autorisées pour épamprer la vigne, mais cela ne représentait que trois substances actives : le glufosinate-ammonium, le diquat et la carfentrazone-éthyl. Les deux nouveaux produits portent à 25 le nombre de spécialités autorisées mais à quatre le nombre de substances disponibles. Et leur profil « tox-écotox » est comparable à celui des produits à base de carfentrazone-éthyl (Shark, Spotlight plus), donc meilleur que celui des autres spécialités.
Pour les pommiers et poiriers
Un insecticide élargit son spectre
Passons aux vergers maintenant. Il y a deux nouveautés pour les pommiers et poiriers (Tableau 3). En fait, les deux produits en question étaient déjà autorisés et utilisés sur ces cultures. Ils ont simplement bénéficié d'extensions d'usage.
Suprême 20 SG, de Certis Europe, déjà autorisé sur pommier et poirier contre des pucerons, l'est désormais aussi contre le carpocapse et des cochenilles. C'est une reconnaissance du large spectre de sa substance active, l'acétamipride, déjà signalé dans Phytoma en 2005.
De régulateur à stimulateur
Pour Régalis, de BASF, c'est plus original, même si le produit était déjà connu sur pommier comme régulateur de croissance (limitation de la longueur des tiges et entrenœuds) et sur pommier et poirier contre le feu bactérien.
Ce produit à base de prohexadione-calcium vient d'être autorisé contre des insectes et champignons. Pourtant, il n'a pas d'action directe contre eux. De fait, en épluchant Phytoma d'octobre 1998 (voir « Pour en savoir plus »), on découvre que, déjà, lors de son lancement comme régulateur de croissance des céréales, le prohexadione calcium était connu pour fortifier les tiges et les systèmes racinaires. C'est donc une substance qui pousse la végétation à la robustesse.
On comprend mieux qu'il ait été reconnu comme un stimulateur de défense des plantes contre les deux principales maladies fongiques des pommiers et poiriers, à savoir l'oïdium et la tavelure, ainsi que certains ravageurs : divers pucerons (dont le lanigère), le psylle du poirier, l'acarien rouge Panonychus ulmi…
Pour les fruits tropicaux
Bananes, fongicides post-récolte ou pour traitement aérien
Les quatre dernières nouveautés intéressent des cultures fruitières tropicales (Tableau 4). Deux sont des fongicides de la famille des strobilurines.
Ortiva de Syngenta, à base d'azoxystrobine (Az), est autorisé en traitements de post-récolte contre les maladies d'entreposage des bananes en même temps que ses jumeaux Ortiva Gold et Ortiva Jardin. Jusqu'alors, seules deux substances actives étaient disponibles : le thiabendazole et l'imazalil. Nos triplés à base d'Az permettent de varier un brin les modes d'action. Et ils ne sont pas classés au plan toxicologique, eux.
L'autre nouveauté fongicide concerne les traitements aériens contre la cercosporiose du bananier. Le produit Consist de Bayer est à base de trifloxystrobine. Il s'ajoute aux trois substances déjà autorisées, toutes des IBS (inhibiteurs de la biosynthèse des stérols) : le propiconazole, le difénoconazole et la fenpropidine. Vu la nuisibilité de la cercosporiose et le risque de résistance, un mode d'action différent est le bienvenu.
Le produit est autorisé en traitements aériens (= depuis un aéronef) à condition que les régimes de bananes soient préalablement ensachés, et son classement toxicologique est meilleur que celui des autres fongicides autorisés sur cet usage.
Bananes et papayes, contre des ravageurs
Les deux dernières nouveautés correspondent pour leur part à des usages mineurs.
Toujours sur banane, le Success 4 de Dow vient d'être autorisé contre le thrips.
Cet insecticide à large spectre à base de spinosad, exempté de classement toxicologique (mais pas écotoxicologique), utilisable en agriculture biologique, avait déjà diverses autorisations en verger mais c'est sa première incursion sur bananier. Et il semble bien qu'il soit le seul produit autorisé sur cet usage !
Le dernier produit est Vertimec, de Syngenta. Il a été autorisé sur acariens du papayer (en fait, précisément sur tarsonème) en même temps que divers produits cousins, tous à base d'abamectine.
Cette substance classée au plan toxicologique est ainsi, pour l'instant, l'unique acaricide disponible sur cette culture. On est passé de l'usage « orphelin » sans aucun produit disponible à l'usage « mal pourvu » avec pas assez de diversité. Selon certains, peu, c'est mieux que rien.
<p>(1) En même temps que sur légume dans Takumi (formulation différente adaptée aux cucurbitacées, titrant deux fois plus de cyflufénamide que Cyflodium et dispensée de classements toxicologique comme écotoxicologique).</p> <p>(2) Voir « Pour en savoir plus » en fin d'article.</p>