Sur le métier

Christophe Délye explore la résistance aux herbicides

Par CHANTAL URVOY - Phytoma - n°669 - décembre 2013 - page 53

Chargé de recherches à l'Inra de Dijon, Christophe Délye traque les adventices résistantes aux herbicides pour comprendre les mécanismes génétiques responsables. Des travaux qui l'amènent du champ au labo et du labo au champ, mais également à communiquer dans la presse ou lors de colloques. Objectif : apporter des solutions aux distributeurs et agriculteurs confrontés à cette problématique grandissante.
 Photo : C. Urvoy

Photo : C. Urvoy

Christophe Délye met un pied à l'Inra (de Bordeaux) en 1994 dans le cadre de sa thèse sur l'oïdium de la vigne et la résistance aux fongicides. Passionné par la recherche, une fois sa thèse terminée, il passe et réussit le concours de chargé de recherches à l'Inra. Il approfondit alors pendant un an ses travaux de thèse avant de partir fin 1999 pour Dijon, seul centre Inra traitant de malherbologie. Notre chercheur passe alors des champignons aux adventices et de la vigne aux grandes cultures, mais toujours dans le domaine des résistances aux produits phytosanitaires.

Du labo aux sujets qui collent au terrain

« J'ai commencé par travailler sur la résistance de cible aux inhibiteurs de l'enzyme ACCase, c'est-à-dire les “fop”, “dimes” et “den”, chez le vulpin, une adventice étudiée à Dijon avant mon arrivée, explique Christophe Délye. Je me suis penché sur la recherche des mutations en cause dans cette résistance car à la base, je suis plutôt biologiste moléculaire. Dans un second temps, j'ai regardé comment la résistance évoluait dans les parcelles. » Vers 2005-2006, les agriculteurs commencent aussi à rencontrer des problèmes de résistance avec les herbicides inhibiteurs de l'ALS, et avec d'autres adventices (raygrass, coquelicot...). Le champ des recherches de Christophe Délye s'élargit rapidement pour prendre en compte ces nouvelles problématiques. « Je décide moi-même dans quelle direction orienter mes recherches en tenant compte de ce qui se passe sur le terrain. »

Des contrats encadrés

Si en 1999, deux autres chercheurs travaillaient également à temps plein sur les résistances aux herbicides, aujourd'hui Christophe Délye est le seul. Alors qu'entre-temps les problèmes de résistance se multiplient sur le terrain ! La raison : la recherche sur les techniques alternatives ayant plus le vent en poupe à l'Inra, celle sur les résistances aux pesticides a vu son soutien fondre comme neige au soleil. « Aujourd'hui, 90 % du financement de mes recherches vient des firmes phytosanitaires et d'Arvalis. Ces partenaires ont en effet besoin de comprendre les mécanismes de résistance pour préserver l'efficacité des herbicides et en optimiser l'emploi. Quand ils ont un sujet à creuser, ils me contactent. Si je suis partant, leurs juristes et ceux de l'Inra entrent alors en piste jusqu'à conclure un contrat qui convienne aux deux parties. Mes principales conditions : liberté dans la conduite de mes recherches et liberté de publier les résultats. »

Une recherche fondamentale et appliquée

La recherche est à la fois fondamentale (identifier des gènes à la base de la résistance aux herbicides, comprendre comment ces gènes sont apparus, comment ils évoluent, les conséquences pour l'adventice...) et appliquée (préconisations, tests de diagnostic...).

« Les adventices sur lesquelles nous travaillons viennent des parcelles confrontées à des problèmes de résistance. Des tests de sensibilité aux herbicides sont d'abord conduits en chambres climatisées ou en serre pour repérer les plantes résistantes. » Celles-ci serviront de matériel au laboratoire pour identifier les gènes responsables de la résistance. Quand les recherches débouchent sur la création d'un outil de diagnostic, celuici est testé sur des populations du champ.

« La recherche, c'est un aller-retour terrain-laboratoire. »

Entouré d'une équipe

Pour conduire ces travaux, Christophe Délye travaille avec l'appui de deux techniciennes pour les expériences en laboratoire, et de deux thésards et trois CDD pour les tests biologiques. Une collègue de l'Inra Dijon, spécialisée en génétique des populations, travaille également en partie sur la résistance aux herbicides. Étant maintenant le seul chercheur en France sur le sujet, Christophe Délye échange notamment avec des collègues italiens et grecs sur le coquelicot, véritable fléau chez eux, ainsi qu'avec des Australiens, pays qui rencontre beaucoup de problèmes de résistance.

Des publications aux interventions terrain

Ultime étape de la recherche à l'Inra : communiquer sur ses résultats. Publier en anglais dans les revues scientifiques est un passage obligé.

« Quand les résultats peuvent intéresser directement les gens du terrain, j'écris aussi des articles de vulgarisation dans la presse professionnelle française (dont Phytoma) qui me sollicite de plus en plus. » Et puis Christophe Délye intervient lors de rencontres organisées sur le terrain pour les distributeurs et les agriculteurs. Au niveau international, il participe à des comités scientifiques ainsi qu'à l'organisation de congrès. « Finalement, j'ai de moins en moins de temps pour la recherche proprement dite, en tout cas pas assez à mon goût. »

Vers l'étude des mécanismes complexes

Et l'avenir ? Il est assuré en termes de sujets de recherche, pour peu que les financements suivent ! Après la résistance de cible, ses travaux s'orientent maintenant vers des mécanismes complexes tels que la détoxication, principal type de résistance chez les graminées. « On ne sait actuellement rien sur les gènes impliqués et il n'existe pas de test de diagnostic simple », souligne notre chercheur pour qui « tout reste à faire ! » De plus, en réduisant le nombre de matières actives disponibles pour les agriculteurs, le nombre de modes d'action se restreint également, favorisant de plus en plus les résistances. Christophe Délye ne manquera pas de travail de sitôt !

BIO EXPRESS

CHRISTOPHE DÉLYE

1993. Diplôme d'ingénieur agronome Ina Paris-Grignon et DEA de pathologie végétale.

1994-1997. Thèse à l'Inra de Bordeaux sur la résistance de l'oïdium de la vigne aux fongicides.

1998. Concours de chargé de recherches et poursuite de ses travaux à l'Inra de Bordeaux.

Depuis 1999. Chargé de recherches à l'Inra de Dijon sur la résistance aux herbicides. 2009. Habilitation à diriger des thèses.

L'essentiel de l'offre

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