Session « Nuisibilité ». Présentation des travaux d'Arvalis sur l'ergot des céréales, une maladie que certaines adventices favorisent. Photo : M. Decoin
La 22e conférence du Columa s'est déroulée au palais des congrès de Dijon. Les acteurs de la protection des plantes s'y sont rencontrés pour échanger sur les actualités de la lutte contre les adventices.
Les sessions se sont déroulées autour de thèmes majeurs : changements de réglementation, méthodes alternatives, résistance aux herbicides... Un large panel d'acteurs sont venus présenter leurs travaux donnant lieu à de multiples échanges.
Session « Nuisibilité »
Directe mais aussi indirecte
La conférence s'est ouverte sur la session « Nuisibilité ». Plusieurs présentations avaient comme objet : évaluer et quantifier la nuisibilité directe exercée par les adventices. Mais d'autres concernaient leur nuisibilité indirecte. Celle-ci peut être liée à la présence d'agents phytopathogènes favorisée par la flore adventice. C'est le cas de l'ergot du seigle, qui infeste le seigle mais aussi le blé et qui est favorisé par la présence de graminées adventices. La nuisibilité pour la santé publique a été également évoquée (ex. : ambroisie à feuilles d'armoise).
Session « Cultures méditerranéennes et tropicales »
Différences notables
À l'issue de la session « Cultures méditerranéennes et tropicales », une différence notable en termes de lutte contre les adventices entre Dom-Tom et pays africains apparaît.
Alors que dans les Dom-Tom les pratiques de lutte sont les mêmes qu'en métropole, du fait d'objectifs communs (optimisation de l'utilisation des pesticides, réduction des pollutions), un retard dans les recherches pour lutter contre les adventices est mis en évidence dans les pays du sud.
Certains pays sont encore dans une phase de recensement et d'approfondissement des connaissances des espèces adventices. La situation économique de ces pays entraîne des méthodes de lutte faiblement mécanisées.
Techniques émergentes
Néanmoins, des techniques alternatives émergent, telles que l'introduction de légumineuses de couverture en interrang impactant la densité des adventices dans la culture du coton en Côte-d'Ivoire.
Toujours en Côte-d'Ivoire, il a été lancé un projet qui consiste à identifier les stades phénologiques des adventices du riz afin d'optimiser leur contrôle. En parallèle, certaines adventices tendent à être préservées car elles sont utilisées en médecine traditionnelle.
Session « Résistance »
Sur l'origine du phénomène
Au cours de la session « Résistances », plusieurs aspects de la résistance aux herbicides ont été abordés. D'abord, les mécanismes de résistance.
Le postulat de départ est : les résistances sont liées aux usages répétés des herbicides. Plusieurs exposés concernaient des études permettant de décrire et comprendre ce phénomène, au travers notamment de travaux de type phénotypage et génotypage de biotypes résistants.
L'Inra a mis en évidence un biotype « vulpin résistant » dans un échantillon d'herbier daté de 1888. Ceci laisse présager que la résistance serait l'expression de mutation préexistante. C'est donc toute la difficulté de gérer les résistances aux herbicides.
Évaluer les risques
Les autres travaux présentés, tels que ceux d'Arvalis, cherchent à établir un état des lieux des résistances en identifiant des lieux et des pratiques favorisant leur apparition.
C'est à partir de telles données que des logiciels tels que R-SIM sont conçus. Cet outil évalue le risque d'apparition de résistance sur une exploitation en croisant les pratiques culturales et traitements réalisés. L'utilisation de tels outils d'aide à la décision risque de s'avérer cruciale dans les années à venir.
Pratiques à risque repérées
Quoi qu'il en soit, tous les orateurs sont d'accord sur le fait que les usages répétés de substances actives à même mode d'action (même en association) ainsi que le sous-dosage favorisent la survie de biotypes résistants au détriment des biotypes sensibles. Ces biotypes résistants se reproduisent alors plus facilement puisque les adventices « sensibles » ont été détruites.
La forte diminution du nombre de substances actives homologuées alerte la communauté sur le danger que cela présente en termes d'apparition de résistances.
Session « Transfert aux milieux »
Le constat
La session « Transfert aux milieux » décrivait le transfert des substances actives dans l'eau, soit par infiltration soit par ruissellement.
Il en ressort que les phénomènes de pollution dépendent essentiellement du climat, du type de sol, de la quantité et du type de substances actives épandues. Pour évaluer et maîtriser ces phénomènes, des suivis sur le terrain et des modélisations sont mis en place.
À la Réunion, les suivis ont révélé la présence de 200 substances actives, dont 50 herbicides, transférés dans les aquifères sommitaux, de surface, de transition et au niveau littoral.
Les expérimentations
Grâce à ces suivis, les organismes comme le Cirad ou Arvalis-Institut du végétal réalisent des expérimentations et des modélisations. Celles-ci permettent d'identifier, de suivre et aussi de prédire le devenir des substances actives qui ont été, sont ou seront utilisées.
Ces outils de recherche sont également employés lors de la conception de nouvelles substances actives en vue de l'homologation et de l'autorisation de mise sur le marché de produits qui les contiennent.
Session « Agriculteurs »
Témoignages TCS, jusqu'au semis direct
La session « Agriculteurs » était consacrée aux témoignages d'agriculteurs qui présentaient leurs moyens de gestion des adventices dans le cadre de pratiques agricoles innovantes. Agriculteurs et conseillers de coopératives ou de chambre d'agriculture ont exposé leurs expériences sur la pratique du semis direct sous couverture végétale, un aboutissement selon eux des TCSL (techniques culturales sans labour).
Manque de références, pression des adventices
Il en ressort une inquiétude quant à l'absence de référence scientifique sur le sujet en France ainsi qu'à l'augmentation de la pression adventice en non-labour (vulpins, géraniums), voire l'apparition d'espèces arbustives dans les parcelles.
Conditions de la maîtrise
Selon les témoignages, les conditions de réussite de ces systèmes exigent une maîtrise plus accrue de la gestion des adventices, ce qui passe par un meilleur accompagnement technique. Il y a par exemple l'allongement des rotations avec insertion de culture de printemps, l'implantation de couverts d'intercultures en permanence (court ou long), l'application d'un travail minimal du sol ou encore l'alternance des substances actives. La rotation classique de type « Barrois » montre, selon eux, ses limites dans ces systèmes de culture innovants.
Interrogations restantes
Il reste aussi des interrogations sur l'application de ces techniques, notamment sur l'utilisation accrue d'herbicides en période de transition de travail du sol les premières années, sur l'évolution des interactions spécifiques au sein de ces systèmes de culture et sur la prise en compte par les agriculteurs de ces relations dans leur gestion des bioagresseurs (par ex. : relation carabes-limaces).
Sur les « Méthodes alternatives »
Une session à elles dédiée
Enfin la session « Méthodes alternatives » ouvre sur de nombreuses perspectives. À ce jour, les solutions de désherbage chimique ont fait leurs preuves en termes d'efficacité, cependant la méthode du « tout chimique » ne répond plus exactement à la demande sociétale et environnementale.
Le monde agricole recherche donc des méthodes alternatives complémentaires pour la gestion durable des systèmes de culture.
Parmi les méthodes en développement, des interventions de désherbage mécanique et combiné sont testées dans des réseaux tels que FermEcophyto et par les instituts techniques (herbi-semis du Cetiom, Arvalis et désherbinage).
D'autres méthodes, dites de biocontrôle, sont en développement, comme l'utilisation d'auxiliaires de culture tels que les carabidés, insectes connus comme prédateurs de limaces mais dont certaines espèces (photo en haut de page) peuvent consommer des graines d'adventices, et l'activité phytotoxique de rhizobactéries.
Enfin, un troisième axe cible des méthodes telles que la localisation du désherbage avec le robot I-Weed-Robot (AgroSup-Dijon, Inra), ou bien le paillage papier de l'igname développé en Guadeloupe (photo page précédente).
Mais aussi des éléments de la session « Systèmes de culture »
Au regard du plan Ecophyto et en vue de l'application de la directive européenne 2009/128/EC destinée à rendre obligatoire la lutte intégrée, un des principaux enjeux est de diminuer la dépendance des systèmes de culture aux herbicides tout en maintenant la performance des exploitations agricoles (session « Systèmes de culture »).
Des expérimentations sont mises en place pour comparer des techniques et systèmes de culture de gestion des adventices. Ces techniques (par ex. : le travail du sol, la rotation...) et systèmes montrent des résultats contrastés selon les cultures implantées et les conditions pédoclimatiques.
Suite à l'application de ces techniques, un système de note de satisfaction pour le suivi de la flore adventice a été utilisé par plusieurs organismes tels qu'Arvalis, l'Acta et le RMT Florad qui souhaiteraient le diffuser largement.
Le réseau de fermes expérimentales (réseau Dephy) a été créé dans le but d'identifier et tester des systèmes de culture performants et économes en intrants, dans les conditions auxquelles les agriculteurs sont confrontés. Ceci permet aux agriculteurs de se familiariser avec ces méthodes et d'avoir la possibilité d'être accompagnés dans cette transition.
Une dernière approche méthodologique est la modélisation. Il a été montré comment le modèle FlorSys développé par l'Inra permet de quantifier l'effet des systèmes de culture sur les adventices et d'évaluer les performances (production, biodiversité) de ces systèmes.
Approche « lutte intégrée »
Il semblerait que l'approche « lutte intégrée » soit la méthode la plus adaptée à la diversité des exploitations.
Par la combinaison de plusieurs techniques, elle permet une meilleure adaptation face aux contraintes pédoclimatiques et aux conditions socio-économiques de chaque agriculteur. Toutefois, il est parfois difficile de concilier réduction des herbicides et maintien du revenu agricole, du fait de l'augmentation des charges de mécanisation.
La conférence a fermé ses portes sur ces nombreuses perspectives et les solutions qui se profilent mettent en avant un retour en force de l'agronomie dans l'anticipation et l'application des systèmes de culture innovants.
LES 36 AUTEURS sont Jean-Philippe Guillemin et les 35 étudiants AgroSup de 3e année : Anne Bazin, Lise Jung, Marine Blin, Loïc Kersaudy, Hamida Bouksil, Louison Lancon, Nahim Boutemine, Olivier Legras, Clément Cechetto, Amélie Macéra, Alice Charalabidis, Claire Martine, Caroline Charpentier, Lucie Meyer, Sandra Chiodini, Médéric Minotte, Virginie Christophe, Alexis Omont, Pauline Cuenin, Sébastien Pelouard, Mélanie Daoudal, Alosia-Louise Relachon, Marion Delame, Frédéric Sacquet, Charlène Duvernoy, Luce Savian, Marie-Line Félix, Céline Schoving, Marianne Fournel, Camille Séjourné, Pierre Ganier, Charlotte Terrey, Charlotte Gauvin, Delphine Thiery-Lanfranchi, Henri Vandermeersch.