DOSSIER - Bonnes pratiques

Protection individuelle : sortir du « tout ou rien »

MARIANNE DECOIN* - Phytoma - n°683 - avril 2015 - page 22

En matière d'ÉPI, équipements de protection individuelle, la bonne pratique n'est pas de se harnacher façon « cosmonaute » tout le temps, mais pas non plus de ne rien porter ! C'est vrai pour les travaux liés aux produits phyto, et certains autres.
« Ce cosmonaute » est équipé pour préparer une bouillie avec produits dangereux par inhalation (d'où le masque).  Photo : Axe Environnement

« Ce cosmonaute » est équipé pour préparer une bouillie avec produits dangereux par inhalation (d'où le masque). Photo : Axe Environnement

Trois équipements de protection faciale : deux modèles de demi-masques filtrants et un écran facial.  Axe Environnement

Trois équipements de protection faciale : deux modèles de demi-masques filtrants et un écran facial. Axe Environnement

Modèle de tablier Microchem pour préparer la bouillie. Attention, l'équipement n'est pas complet : il reste à mettre au moins les gants !

Modèle de tablier Microchem pour préparer la bouillie. Attention, l'équipement n'est pas complet : il reste à mettre au moins les gants !

Pour laver le pulvérisateur, il faut porter des bottes, des gants et une protection faciale type lunette ou écran (plus un tablier). Axe Environnement

Pour laver le pulvérisateur, il faut porter des bottes, des gants et une protection faciale type lunette ou écran (plus un tablier). Axe Environnement

Modèle de tablier pour préparer la bouillie (et nettoyer l'appareil) S-protec.  Photo : Axe Environnement

Modèle de tablier pour préparer la bouillie (et nettoyer l'appareil) S-protec. Photo : Axe Environnement

Tableau 1 : Bonnes pratiques d'utilisation des gants en nitrile réutilisables

Tableau 1 : Bonnes pratiques d'utilisation des gants en nitrile réutilisables

Tableau 2 : Pendant le traitement, quels ÉPI porter, de la tête aux pieds

Tableau 2 : Pendant le traitement, quels ÉPI porter, de la tête aux pieds

Tableau 3 : Toxicité des produits, nombre et gravité des signalements à la MSA de 2008 à 2010

Tableau 3 : Toxicité des produits, nombre et gravité des signalements à la MSA de 2008 à 2010

Tableau 4 : Quels ÉPI porter et quand, l'exemple de la protection respiratoire

Tableau 4 : Quels ÉPI porter et quand, l'exemple de la protection respiratoire

Plusieurs types d'ÉPI sont proposés aux agriculteurs. Commençons par les gants car ils sont à conseiller de façon quasi générale, les études scientifiques concordent là-dessus(1).

Mais attention, il ne s'agit pas de n'importe quels gants, utilisés n'importe quand et n'importe comment.

Incontournables gants

Deux types bien précis

Voyons d'abord la recommandation « pas n'importe quels gants » : seuls certains modèles sont préscrits.

Il s'agit des gants en nitrile reconnus comme des ÉPI normalisés. Deux types existent :

- les gants certifiés « risques chimiques EN 374-3 » (ceux visibles sur la photo de cette page en sont un exemple), qui sont lavables et réutilisables ;

- les gants certifiés « EN 374-2 », plus fins et à usage unique.

Les autres gants (cuir, laine, coton, etc., voire « caoutchouc » non normalisé) sont à proscrire car ils risquent d'être perméables aux produits phyto, puis de confiner ces produits entre gant et peau.

S'adapter aux circonstances

Voyons ensuite la consigne « pas n'importe quand » : pour choisir entre les deux types de gants certifiés, et pour les porter, on tiendra compte des circonstances.

Les gants « EN 374-3 » sont indispensables pour préparer le traitement. Toutes les études d'exposition en conviennent : c'est par les mains que se produit la plus grande part de l'exposition à ce moment-là(2).

Ils s'utilisent aussi pour traiter avec un pulvérisateur manuel ou un tracteur sans cabine, pour nettoyer le matériel et toute autre activité en contact avec des produits phyto - comme traiter des plants ou des semences de ferme ou encore manipuler des semences traitées.

En revanche, avant de partir traiter dans une cabine fermée, il faut nettoyer ces gants et les ôter.

Les gants fins « EN 374-2 » sont destinés au traitement en cabine fermée... si l'agriculteur doit sortir pour déboucher des buses ou régler tout autre incident.

Ensuite, comme ils sont probablement souillés de produits, il faut les retirer avant de remonter dans la cabine et ne pas les garder avec soi (avoir une boîte à gants usagés à l'extérieur).

Bonnes pratiques d'utilisation

Enfin, les gants ne se manient pas n'importe comment : il existe des bonnes pratiques en la matière. Le Tableau 1 récapitule celles concernant les gants réutilisables.

Un point à souligner est le nombre de lavages nécessaires : se laver les mains avant d'enfiler ses gants, se laver les gants avant de les enlever, puis se laver à nouveau les mains le plus vite possible après.

Pour les gants fins à usage unique, le rinçage des mains gantées est moins nécessaire. Il peut être utile pour limiter les risques de contamination lors de leur enlèvement, mais cela n'est possible que si l'on dispose d'un « lave-main » sur le pulvérisateur. Cet équipement permettra surtout de se rincer les mains après avoir enlevé les gants. Il faudra alors se sécher les mains (prendre du papier essuie-tout, à placer dans la boîte à gants usagés après utilisation).

En revanche, il est inutile de laver les gants à usage unique après utilisation avant de les placer dans la boîte à gants usagés.

Ôter ses gants : lire l'INRS

Quels que soient les gants, il faut les retirer en prenant garde à ne pas se contaminer.

L'INRS (Institut national de recherche et de sécurité) a édité des dépliants, en accès libre sur internet, donnant des instructions de bonnes pratiques pour ôter ses gants. Les gestes ne sont pas les mêmes pour les gants à usage unique et les gants réutilisables.

Les ÉPI de l'avant traitement

La préparation, une phase cruciale : nouvel indice par la MSA

Nous l'avons vu, il ne faut pas porter le même modèle de gants en toutes circonstances. C'est encore plus vrai des autres ÉPI. Leur port dépendra du type de tâche effectuée et du moment auquel la tâche est effectuée.

D'abord, la préparation d'un traitement est une des étapes les plus « à risque ». Cela fait plus de cinq ans que Phytoma relaie cette information(3), mais un nouvel argument en sa faveur a été mis en ligne sur le site de la MSA.

Il s'agit du rapport d'activité de Phyt'attitude pour les années 2008, 2009 et 2010, qui recense les moments ayant donné lieu à des « signalements de pathologies aiguës ou subaiguës » (Figure 1).

Le traitement lui-même représente 32,2 % des cas : 20,8 % pour l'application mécanisée et 11,4 % pour l'application manuelle ; sachant que cette dernière est beaucoup plus rare, cela suggère qu'elle est davantage « à risque ».

Mais la préparation du traitement (de la « préparation de la bouillie », qui pèse 18 % des cas, au remplissage du matériel qui en fournit 18,4 %) occasionne pas moins de 36,4 % des cas ! Pourtant, la durée de ces activités est bien inférieure à celle des traitements proprement dits. L'utilisation d'ÉPI leur est donc particulièrement utile.

Gants, protections du visage et tabliers

De plus, comme le moment est court, l'utilisateur peut porter :

- les incontournables gants, bien sûr...

Mais aussi des équipements de protection du visage et du corps normalisés et relativement contraignants :

- éventuellement, un équipement de protection faciale (voir Encadré 1 et photos ci-dessous) : soit un écran facial soit des lunettes de protection, dites aussi antiprojections (une éclaboussure dans l'oeil est si vite arrivée) et, pour certains produits (lesquels ? nous y reviendrons), un appareil de protection respiratoire filtrant (masque ou demi-masque, ce dernier étant associé à des lunettes ou un écran) à cartouche A2P3, qu'il soit à ventilation dite libre ou assistée ;

- généralement, un tablier de protection certifié « catégorie III type 3 » (voir Encadré 1 pour comprendre ce que cela signifie) de type PB (« partial body », c'est-à-dire protégeant uniquement certaines parties du corps) ; ce tablier est à porter par dessus ses vêtements et à enlever une fois la préparation terminée.

Il existe à notre connaissance quatre types de tablier « catégorie III type 3 » proposés aux agriculteurs : la « blouse Tychem » de DuPont (photo page 22), le Microchem de Microgard (photo ci-dessous) et le S-protec de Manulatex (photo p. 26), tous trois disponibles en particulier chez Axe Environnement ; le quatrième modèle, le Phytosur, est proposé par la société Pulvécenter.

Tous sont d'un matériau garanti protecteur testé et normalisé. Leur forme est étudiée pour leur permettre de protéger les parties exposées au risque de contact avec les produits, soit les bras et le devant du corps (pour les mains, encore plus exposées, ce sont les gants qui font le travail).

Comme ces tabliers sont ouverts à l'arrière, ils sont à la fois plus faciles à mettre et à retirer et moins inconfortables à porter que des combinaisons de protection complètes.

Pendant le traitement, selon la culture et l'appareil

Trois cas de culture, trois types d'appareils d'application

Pour la réalisation du traitement, le port d'ÉPI dépend notamment du type d'application « manuelle ou mécanique » mais aussi, pour les traitements dits mécaniques, du type d'appareil utilisé.

Le type de culture protégée compte aussi, il est même essentiel. Le Tableau 2 récapitule les pratiques conseillées pour différents cas de couple matériel/culture.

Pratiques adaptées à l'exposition

La protection de l'opérateur doit être extrêmement rigoureuse en cultures sous abris car le confinement de l'espace augmente les risques d'exposition aux produits - dans ce cas, on ne sera pas très loin de la tenue de cosmonaute !

La protection doit aussi être très forte en plein air pour les applications manuelles et pour celles depuis un tracteur sans cabine filtrante en cultures hautes (vergers, houblonnières, pépinières arbustives). En effet, dans les deux cas, le risque d'exposition à la pulvérisation est important.

Les équipements de protection faciale seront nécessaires, mais à moduler selon le produit appliqué, nous y reviendrons.

À noter, pour les applications manuelles, la présence d'un type d'équipement qui n'avait pas été cité jusqu'ici : les bottes. Le matériau idéal est, là encore, le nitrile. Sont exigées des bottes de protection chimique conformes à la norme EN 13 832-3.

En revanche, pour les cultures basses traitées mécaniquement et pour les applications depuis un appareil à cabine (attention ! filtrante...), l'applicateur est en principe nettement moins exposé à la pulvérisation, voire pas du tout.

Il peut donc se contenter d'une protection faciale plus légère voire absente et, pour le reste, soit d'une combinaison de type 4, moins protectrice mais plus confortable (voir Encadré 1), soit même d'un vêtement de travail.

Le conseil est alors, citons un avis de l'Anses, « une combinaison de travail ou un vêtement de travail 65 % polyester, 35 % coton d'un grammage au minimum de 230 g/m2 avec un traitement déperlant ».

Après le traitement aussi les ÉPI sont indispensables

Résidus visibles et invisibles

L'existence d'un risque de contamination au moment de l'après-traitement était encore sous-estimée voire ignorée il y a quelques années. Pourtant elle est réelle, Phytoma le répète depuis 2010(4). Elle se voit encore confirmée par les résultats de Phyt'attitude (Figure 1 p. 23).

Cela s'explique par le fait que les appareils de traitement sont visiblement souillés par la poussière, la boue séchée et d'éventuels débris végétaux... mais aussi de façon invisible par des résidus de produits phyto issus du brouillard de pulvérisation ou de la poussière du poudrage.

Sans compter l'intérieur de la cuve si l'agriculteur n'a pas pu la rincer au champ en diluant son fond de cuve par six, puis pulvérisé cette eau de rinçage sur la parcelle traitée elle-même(5).

Revenons au lavage au siège d'exploitation. Si celui-ci est bien équipé avec aire de lavage munie d'une rétention, les eaux de lavage souillées iront filer vers la cuve de rétention et le système de stockage et/ou traitement des effluents(6).

Mais de toute façon, l'opérateur qui nettoie l'appareil risque de patauger dans de l'eau chargée en résidus phytosanitaires.

Bottes, tablier, gants, lunettes, écran facial...

Les bottes de protection sont donc particulièrement utiles à ce moment-là ! Rappelons que ce ne sont pas des bottes classiques mais des bottes de protection chimique normalisées.

Par ailleurs, les éclaboussures ne sont pas rares. C'est pourquoi les gants en nitrile et le tablier de protection (ou la combinaison de type 3 ou 4 si on vient de traiter avec elle) serviront aussi bien pour nettoyer l'appareil que pour préparer la bouillie. Il faut aussi se protéger le visage des projections, en particulier les yeux. C'est pourquoi une protection faciale est nécessaire : lunettes de protection (photos ci-dessus) ou écran facial. En revanche, les masques filtrants ne sont pas utiles.

S'adapter au produit

Toxicité et signalements

À noter : le choix de l'ÉPI peut dépendre aussi du produit... Car tous les produits phyto ne sont pas identiques ! N'en déplaise à leurs détracteurs qui condamnent bruyamment tous les « pesticides chimiques » même les plus doux, pour peu qu'ils soient issus de la chimie de synthèse et non d'origine naturelle. N'en déplaise également à certains de leurs défenseurs qui, de façon moins médiatique, cherchent à soutenir l'ensemble de la phytopharmacopée actuelle.

En 2005(7), nous avions déjà signalé la relation entre la toxicité des produits et le nombre de signalements ainsi que la gravité des incidents (arrêts de travail et hospitalisations) suivis par le réseau Phyt'attitude. Les résultats 2008-2010 du réseau confirment la tendance (Tableau 3).

Les substances incriminées le plus souvent (dans au moins dix signalements) mais pas forcément le plus gravement sont :

- parmi les fongicides, le bitertanol (interdit depuis lors), le folpel, le fosétyl-al et le mancozèbe ; ce sont des anciens produits très largement utilisés, tous classés Xn (nocifs), sauf le fosétyl-al qui est seulement irritant (et cause essentiellement des symptômes cutanés) ;

- dans les herbicides, le glyphosate (c'est aussi l'herbicide le plus utilisé, et on ne connaît pas le classement des spécialités commerciales en cause, certaines, pas toutes, étant Xn « nocif ») ;

- dans les insecticides, la lambda-cyhalothrine classée T+ (très toxique) et la téfluthrine classée T, utilisée seulement en traitement des semences et qui occasionne 32 signalements, le record de la période.

À noter également que les insecticides, qui représentent 1,7 % des tonnages vendus en France sur la période suivie, sont incriminés dans 31,4 % des signalements.

Bien entendu, ces signalements correspondent à des intoxications aiguës en lien avec la toxicité aiguë des produits.

Ils n'ont a priori pas de lien avec la toxicité chronique. Celle-ci peut être impliquée dans les maladies professionnelles.

L'exposition du visage

En tout cas, il est logique d'adapter la protection à la toxicité des produits, toujours en fonction de son degré d'exposition.

En particulier les masques (ou demi-masques) filtrants, qui sont des ÉPI contraignants, sont particulièrement utiles en cas de risque d'exposition à des produits dangereux par inhalation. Ces dangers sont signalés par l'étiquette des produits.

Le Tableau 4 indique les bonnes pratiques conseillées en fonction des indications dans les deux systèmes de classement/étiquetage qui coexistent aujourd'hui sur le terrain.

À noter aussi : plusieurs produits différents à base d'une même substance active peuvent avoir des caractéristiques différentes selon leur formulation.

Ainsi un produit en poudre mouillable sera relativement contaminant lors de la préparation de la bouillie, en général davantage qu'une autre spécialité titrant la même quantité de substance active mais formulée sous forme liquide.

Et que dire des poudres pour poudrage à utiliser en cultures hautes, ou encore en milieu plus ou moins confiné pour traiter les plants de pomme de terre ! Certaines d'entre elles sont toujours autorisées...

Il faut parler aussi de la réalisation du traitement des semences. Qu'elle ait lieu en station de semences ou à la ferme, c'est un véritable traitement phytopharmaceutique.

Les règles de sécurité sont les mêmes que pour les traitements dits « manuels ». De plus, si la réalisation du traitement ne se fait pas en plein air, l'applicateur est bien dans des conditions de milieu fermé, celles qui exigent le plus de précautions (revoir le Tableau 2)...

D'autres activités ont besoin des ÉPI

Penser au contact avec des semences traitées

Certaines circonstances dans lesquelles il faut se protéger des produits phyto sont souvent négligées. Elles concernent des personnes qui ne réalisent pas les traitements elles-mêmes et des circonstances autres que leur application. Au sujet du contact avec les produits de traitement des semences, il existe, d'une part, des possibilités de contact direct avec des semences traitées, donc avec les produits de traitement lors de la préparation du semis.

D'autre part, pendant la réalisation du semis lui-même, il peut se produire un risque d'exposition aux poussières de semis. À noter que plus le pelliculage de la semence est de qualité, moins le risque est fort.

En tout cas, la manipulation des semences exige le port de gants en nitrile et d'un tablier de protection ainsi qu'une protection respiratoire adaptée :

- en cas de semences traitées avec un produit toxique par inhalation, c'est-à-dire étiqueté R26 ou son équivalent H330 (il n'en existe pas actuellement) ou encore R23 ou son équivalent H331 (il y en a ! Voir l'Encadré 2 p. 28), un masque filtrant ;

- sinon, un masque à poussières (P) car ce sont bien les poussières qui sont contaminantes ;

Par ailleurs, pour le semis des semences traitées, comme pour l'application de produits phyto sur cultures basses, il est nécessaire de porter une combinaison de travail déperlante en polyester/coton et, en cas d'intervention sur le semoir, des gants en nitrile fins à usage unique.

Proximité et réentrée : penser aux autres travailleurs

Les personnes se situant à proximité du traitement pendant qu'il a lieu, puis celles entrant dans la parcelle après l'opération, sont également exposées. Les premières bonnes pratiques pour minimiser ces expositions sont le respect de la réglementation en vigueur.

Afin d'éviter la « dérive » du brouillard de pulvérisation risquant de toucher les personnes présentes sur les parcelles voisines, aucun traitement par pulvérisation ou poudrage ne doit être effectué si le vent dépasse la force 3 sur l'échelle de Beaufort.

Celle-ci, mieux connue des marins que des agriculteurs, correspond à un maximum de 19 km/h, soit une petite brise agitant légèrement les feuilles des arbres, mais pas encore leurs branches. Cette règle existe depuis un arrêté ministériel du 12 septembre 2006 présenté dans Phytoma en mars 2007 (voir bibliographie) ; avant, il fallait déjà éviter la dérive mais la loi ne précisait pas les règles pour respecter cette exigence.

Pour éviter l'exposition des personnes se rendant sur la parcelle après le traitement, les produits sont tous affectés d'un « délai de rentrée » durant lequel personne ne doit entrer sur la parcelle traitée. Nous l'avons déjà écrit mais il est bon de le répéter, ces délais sont :

- six heures au minimum en plein air ; si rien n'est inscrit sur l'étiquette d'un produit phyto, il faut respecter ce délai ;

- huit heures au minimum en milieu confiné (serre, abri, local de stockage, etc.) ; là encore, à respecter si l'étiquette ne donne pas d'indication ;

- vingt-quatre ou quarante-huit heures pour certains produits, toxiques (quelques exemples dans l'Encadré 2) voire simplement irritants ; dans ce cas-là, l'étiquette le mentionne forcément.

Éloge de l'étiquette

Et c'est l'occasion, pour conclure, de souligner à nouveau l'intérêt d'une pratique souvent négligée : lire soigneusement l'étiquette des produits !

C'est une bonne pratique phytosanitaire...mais aussi une bonne pratique vétérinaire, d'hygiène d'élevage et pour toute manipulation de « produit chimique » (même d'origine naturelle) quel qu'il soit, du médicament au pot de peinture en passant par certains produits ménagers...

(1) Voir par exemple l'étude américaine incluse dans l'AHS (Coble & al. 2011, voir biblio p. 28) montrant la différence de contamination après traitement (y compris des résultats d'analyse d'urine) selon que l'opérateur portait ou non des gants. Ou encore les résultats de l'étude française Pestexpo (Lebailly & al., 2009, voir biblio p. 28).(2) « Des gants aux adjuvants, tout est dans la manière », Phytoma n° 626-627, octobre 2009, p. 26.(3) Voir la note (2).(4) « Traiter en sécurité, les ÉPI en question », Phytoma n° 634, mai 2010, p. 32. « Les OFDI, mais ça existe », Phytoma n° 644, mai 2011, p. 27. « Outils de sécurité pour l'applicateur », Phytoma n° 653, avril 2012, p. 26. « Outils des bonnes pratiques, des matériels mobiles », Phytoma n° 663, avril 2013, p. 32. « Cadre réglementaire : nouveaux conseils sur les ÉPI », Phytoma n° 673, avril 2014, p. 12. (5) Autorisée par un arrêté ministériel du 12 septembre 2006, cette bonne pratique est vivement conseillée ! Mais elle n'est possible que s'il existe un point d'eau à proximité immédiate de la parcelle, ou si le pulvérisateur dispose d'une cuve de rinçage embarquée. (6) Pour les agriculteurs n'ayant pas encore de telles installations, il est préférable de réaliser le nettoyage du pulvérisateur sur une surface filtrante (sol perméable, enherbé si possible) plutôt que dans la cour de ferme bétonnée si l'eau de lavage risque de filer rapidement vers un cours d'eau ou point d'eau... (7) « Pesticides et santé, la MSA informe », Phytoma n° 585, septembre 2005, p. 8.

Fig. 1 : Risques phytosanitaires « aigus » : le poids des circonstances

Tâches durant lesquelles ont eu lieu les incidents ayant entraîné des signalements de pathologies aiguës ou subaiguës dans le cadre du réseau Phyt'attitude. Chiffres basés sur les 245 signalements imputables à des produits phytopharmaceutiques pour la période du 1er janvier 2008 au 31 décembre 2010 inclus. Source : bilan des observations du réseau Phyt'attitude 2008-2010, mis en ligne en 2015.

1 - Pour comprendre quelques termes techniques sur les ÉPI de protection du visage et du corps

Les ÉPI de protection faciale sont :

- les masques à cartouche filtrante, soit complets à porter seuls, soit demi-masques à associer à des lunettes ou un écran facial ; à porter en cas de risques liés à l'inhalation (produits dangereux par inhalation et volatils, d'où une exposition notable) ;

- les masques à poussière, à porter face à des poudres (poudres mouillables durant la préparation, poudres pour poudrage durant la préparation et l'application) pour protéger les voies respiratoires des particules solides ;

- les lunettes de protection et écran faciaux ; à porter avec un demi-masque pour compléter la protection du visage, ou bien seuls pour protéger les yeux (le visage pour l'écran) des éclaboussures puis du brouillard de pulvérisation si ceux-ci sont irritants ou corrosifs sans que les risques liés à l'inhalation (état gazeux) soient importants.

À propos des vêtements de protection du corps (combinaison, tablier), que signifient les termes « catégorie III », « type 3 » et « type 4 » cités dans cet article ?

Le terme de « catégorie III » signifie que le vêtement de protection chimique et son procédé de fabrication ont été certifiés par des organismes habilités.

Un vêtement de « type 3 » est certifié étanche aux liquides (donc aussi, forcément, aux pulvérisations). Il est donc plus protecteur (mais souvent moins confortable) qu'un vêtement de « type 4 ».

Ce dernier n'est étanche qu'aux pulvérisations mais pas aux projections de liquides.

Par ailleurs, les deux types protègent des poussières.

2 - Produits toxiques et très toxiques : quels ÉPI et quels délais de rentrée ?

E-phy, la base de données du ministère de l'Agriculture (consultée le 3 avril), fournit la liste des produits classés T+ (très toxiques) ou T (toxiques) selon le système de classement DPD encore en vigueur en avril 2015 (voir « Réglementation : quoi de neuf pour les bonnes pratiques ? » p. 17) autorisés en France.

Douze spécialités classées T+ y sont recensées.

Huit sont des fumigants pour denrées stockées à base de phosphure de magnésium ou d'aluminium. Dégageant la très toxique phosphine, ils ne sont utilisables que par des applicateurs certifiés dans le cadre d'entreprises agréées.

Trois produits sont autorisés en verger : l'acaricide Nexter Pro et les deux fongicides identiques Carbazinc Flash et Thionit autodispersible. Classés très toxiques par inhalation (ils sont « R26 » bientôt « H330 ») et dangereux pour les yeux, ils exigent une protection respiratoire et des yeux (masque filtrant complet ou demi-masque filtrant + lunettes de protection) pour préparer le traitement et pour l'appliquer sans cabine.

Le délai de rentrée (DR) de l'acaricide est de 24 heures (personne ne doit entrer dans la parcelle moins de 24 h après la fin de l'application), celui des fongicides de 48 heures.

Romenil, un antimildiou pour pomme de terre, semble ne plus être vendu : il est absent de l'Index phytosanitaire Acta 2015 et du site de la société détentrice. Avis à qui en aurait en stock : lui aussi « R26 », il exige une protection respiratoire pour préparer la bouillie et l'appliquer sans cabine, et son DR est 48 heures.

Soixante et onze spécialités classées T sont recensées dans la base e-phy. Leurs délais de rentrée varient de 6 heures (produits toxiques mais peu rémanents) à 48 heures.

On y trouve 36 spécialités portant la phrase de risque R23, donc exigeant une protection respiratoire pour préparer le traitement et l'appliquer sans cabine (voir Tableau 4).

Vingt-six sont des herbicides/défanants à base de diquat.

Trois sont des adjuvants à base d'amines grasses éthoxylées qui ne semblent pas vendus en France (d'autres adjuvants à base de ces amines sont vendus et pas classés toxiques).

Trois sont des fongicides : les jumeaux Gringo et Sari Plus qui ne sont plus vendus (à ne pas confondre avec Sari TF qui n'est pas toxique ni même nocif ou irritant) et Cuproxyde Macclesfield 50, produit UAB à base d'hydroxyde de cuivre (la grande majorité des autres produits à base de cet hydroxyde ne sont pas classés toxiques).

Enfin, quatre produits visent des ravageurs : Profume ne s'utilise qu'en enceinte fermée et par des applicateurs d'entreprises agréées, et Pirigrain choc n'est plus un produit phyto (il s'utilise en locaux vides).

Restent le nématicide Vydate 10 G et enfin Korit 420 FS, répulsif corbeau autorisé en traitement des semences. Attention, donc, quand on manipule ces dernières.

Sachant qu'environ 4 000 produits phyto commerciaux sont autorisés en France selon le ministère de l'Agriculture(1), ces 83 (12 + 71) produits T+ ou T pèsent à peine 2,1 % de la phytopharmacopée française.

(1) Source : voir le 2e des liens ci-dessous.

RÉSUMÉ

CONTEXTE - Le port des ÉPI est une bonne pratique pour se protéger des risques liés aux produits phyto, à condition de respecter leur utilisation. Voici quelques éléments.

GANTS - Parmi les ÉPI utilisables pour la protection contre les produits phyto, les gants en nitrile sont particulièrement recommandés. Deux types existent (normes EN 374-3 et EN 374-2), le choix entre eux dépend des circonstances (précisées).

ÉPI ET CIRCONSTANCES - Les autres ÉPI sont passés en revue, avec les circonstances justifiant le port des un ou des autres. Car tous ne conviennent pas également :

- à tous les moments liés aux traitements (préparation, réalisation, nettoyage) et aussi à l'exposition d'autres personnes présentes à proximité d'un traitement en cours ou entrant dans la parcelle après le traitement, plus celles manipulant des semences traitées ; des résultats récents de la MSA (réseau Phyt'attitude) vont dans ce sens ;

- pendant le traitement, au type de matériel (manuel ou motorisé, avec ou sans cabine) et à la culture (sous abris ou, en plein air, haute ou basse) ;

- par ailleurs, aux différents degrés de dangers présentés par les produits, indiqués par leurs classements toxicologiques, en lien avec l'exposition aux produits résultant des facteurs précédents (moment lié au traitement et, pour celui de sa réalisation, type de matériel et de parcelle).

MOTS-CLÉS - Bonnes pratiques phytosanitaires, ÉPI (équipements de protection individuelle), gants en nitrile, protection faciale, combinaison, tablier, bottes, produits phyto (phytopharmaceutiques), danger, exposition, circonstances.

POUR EN SAVOIR PLUS

AUTEUR : *M. DECOIN, Phytoma.

CONTACT : m.decoin@gfa.fr

LIENS UTILES : http://e-phy.agriculture.gouv.fr

http://agriculture.gouv.fr/pesticides

Accès au bilan de Phyt'Attitude 2008-2010 : http://ssa.msa.fr/lfr/documents/21447876/0/Bilan+Phyt%27Attitude+2008-2010+Web.pdf

Accès aux instructions pour retirer les gants : www.inrs.fr/actualites/serie-depliants-retrait-combinaison-gant.html

Diaporama sur le port d'ÉPI : mise en ligne prévue le 8 mai 2015 sur www.lafranceagricole.fr (pour les abonnés à La France Agricole).

Accès à la publication de Coble & al. (titre en bibliographie ci-dessous) : www.mdpi.com/1660-4601/8/12/4608/html

BIBLIOGRAPHIE : Coble J.,†, Thomas K. W., Hines C. J., Hoppin J. A., Dosemeci M.,†, Curwin B., Lubin J. H., Beane Freeman L. E., Blair A., Sandler D. P. &. Alavanja M.C.R., 2011 - An Updated Algorithm for Estimation of Pesticide Exposure Intensity in the Agricultural Health Study. International Journal of Environmental Research and Public Health 2011, 8, 4608-4622.

- Lebailly P., Baldi I., Lecluse Y. et Bouchart V., 2009 - Étude Pestexpo : développement d'index d'exposition aux pesticides utilisables dans les études épidémiologiques. Colloque ORP 2009 « Mieux connaître les usages des pesticides pour comprendre les expositions », 11 et 12 mars 2009, Paris. N. B. : ORP = Observatoire des résidus de pesticides.

- Articles de Phytoma cités (publiés en 2005, 2009, 2010, 2011, 2012, 2013 et 2014) : voir notes (2), (4) et (7) dans cet article.

- Sur l'arrêté du 12 septembre 2006 (paru au Journal Officiel de la République française le 21 septembre 2006), voir le dossier « Bonnes pratiques pour l'environnement » de Phytoma mars 2007 (n° 602, p. 8 à 44).

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