Fig. 1 : Plan de l'essai 2016 Le site d'étude de la Roseraie du Val-de-Marne, avec les trois modalités de 2016 : piégeage (en jaune), confusion sexuelle (en rouge) et le témoin (en vert). Photo : J.-C. Martin - Inra
Fig. 2 : Formule de Henderson et Tilton Elle est utilisée pour évaluer l'impact du traitement par piégeage ou par confusion sexuelle sur les chenilles de pyrale du buis pour chaque année.
Fig. 3 : La « flambée » de pyrales du printemps 2016 Résultat des dénombrements de chenilles de pyrale du buis pour les modalités piégeage, confusion et témoin pour les cinq dates de relevés entre 2015 et 2016 sur le site de la Roseraie du Val-de-Marne (rapporté à 5 mètres linéaires).
La pyrale du buis Cydalima perspectalis (Walker, 1859), lépidoptère invasif originaire d'Asie orientale, arrivée en France vers la fin des années 2000 (Brua, 2014), (Kenis et al., 2013), a colonisé le territoire national. Elle occasionne d'importants dégâts, voire la mortalité de buis, tant en espaces verts qu'en milieu naturel.
La mise au point de méthodes de gestion de l'insecte devenait nécessaire pour protéger les buis, certains étant patrimoniaux.
Méthodes alternatives
Résultats depuis 2014
L'Inra UEFM (Unité expérimentale entomologie et forêt méditerranéenne) s'est associé à plusieurs partenaires dans deux projets financés par le plan Écophyto (le premier nommé SaveBuxus, le second Optim'Phéro) pour expérimenter des stratégies de biocontrôle de la pyrale du buis.
L'usage des phéromones sexuelles à des fins de surveillance, de piégeage de masse ou de confusion sexuelle fait partie des moyens envisagés. Dès la fin de l'année 2014, un référentiel d'efficacité des diffuseurs commercialisés ou expérimentaux fournis par les firmes était établi.
Par ailleurs, plusieurs pièges ont été testés par nos équipes. Parmi eux, le piège BuxaTrap, utilisable sans adjuvant, a très vite montré ses atouts : efficace et pratique d'utilisation (Martin et al., 2015).
Travail en cours
L'étape suivante consistait à expérimenter le piégeage de masse, la confusion sexuelle et l'optimisation de l'usage des diffuseurs, avec comme objectif d'étudier l'impact de ses stratégies de gestion sur l'insecte-cible mais aussi sur la réduction des dégâts sur le buis, une observation des mésanges Parus spp. en relation avec la pyrale du buis étant conduite comme étude préliminaire.
Tests de piégeage de masse et de confusion sexuelle
Deux années d'étude sur un site francilien
Le site de la Roseraie du Val-de-Marne, à L'Haÿ-les-Roses, en banlieue parisienne (département du Val-de-Marne), fortement attaqué par la pyrale du buis et disposant à cette période-là de 5 km linéaires de bordure en buis Buxus sempervirens, a été choisi comme site d'étude du piégeage de masse et de la confusion sexuelle, grâce à un partenariat avec le Conseil départemental CD93.
En 2015, le site de la Roseraie a été partagé en deux, avec une partie piégeage de masse et une partie confusion sexuelle. Le témoin était situé à une centaine de mètres de là, sur un terrain appartenant au CD94.
En 2016, le site de la Roseraie a été divisé en trois parties : une modalité piégeage de masse, une modalité confusion sexuelle et, au centre, le témoin, soit 4 000 m² par parcelle (voir Figure 1). Le dénombrement des chenilles a été réalisé sur cinq haies de comptage d'une longueur de 1 mètre chacune en 2015 et onze haies de comptage de 1 mètre en 2016 :
- avant la première nymphose les 7 mai 2015 et 5 mai 2016 ;
- des dénombrements intermédiaires les 23 juillet 2015, 25 septembre 2015 et 15 juillet 2016.
Modalités testées
Le dispositif de piégeage de masse était le suivant :
- en 2015, 50 pièges BuxaTrap installés sur 5 000 m², soit un piège/100 m² ;
- en 2016, 50 pièges BuxaTrap installés sur 4 000 m², soit un piège/80 m².
Le dispositif de confusion sexuelle était composé d'un gel phéromonal BoxTPro, fourni par la firme M2I Life Sciences, déposé au pinceau sur les buis des haies à raison de :
- 500 points de diffusion en 2015 sur 5 000 m², équivalent à 4 g/ha ; chaque dépôt était constitué de 4 mg de phéromone gel BoxTPro micro-encapsulée ;
- 500 points de diffusion en 2016 sur 4 000 m², équivalent à 6,25 g/ha ; chaque dépôt était constitué de 5 mg de phéromone gel BoxTPro micro-encapsulée.
Favoriser la nidification des mésanges
Vingt nichoirs dont certains filmés
À l'automne 2016, vingt nichoirs à mésanges en bois ont été installés sur le site de la Roseraie du Val-de-Marne sur une surface totale de 1 hectare : dix-sept nichoirs avec un orifice d'entrée de diamètre 32 mm, adaptés à la mésange charbonnière, et trois avec un orifice de diamètre 28 mm, adaptés à la mésange bleue.
L'objectif est dans un premier temps de favoriser la nidification des mésanges sur le site afin d'intensifier par la suite la prédation de la pyrale du buis par ces oiseaux. Le travail étant conduit sur une période courte de deux années, aucune conclusion chiffrée ne peut être obtenue. Un suivi de quelques nichoirs à mésanges est fait ponctuellement par pièges photographiques (caméra) posés devant leurs entrées. À l'automne, les nichoirs seront nettoyés et remis en état le cas échéant.
Résultats
Piégeage de masse et confusion sexuelle
Les dénombrements des chenilles effectués dans la placette témoin sont un indicateur de la dynamique naturelle de la pyrale du buis sur le site de la Roseraie au cours de la période expérimentale. Ils permettent ainsi de réajuster ou corriger les données obtenues dans les placettes « confusion » et « piégeage » au cours de la même période afin d'en évaluer l'impact (formule de Henderson et Tilton, Figure 2).
Les notations de dégâts, bien qu'étant non exploitables du fait de la réduction du feuillage à chaque relevé, montrent une augmentation fulgurante au cours des 14 mois de suivis. Dans les placettes « confusion » comme « piégeage », les dégâts sont généralisés au 15 juillet 2016 avec des défoliations quasi totales identiques au témoin (Figure 3).
Du côté des mésanges : colonisation des nichoirs
Les observations des nichoirs et le suivi par photo ont permis de constater que onze nichoirs ont été colonisés sur les vingt installés, soit onze couvées pour 1 ha.
Ce fort taux obtenu dès la première année de pose des nichoirs suggère la richesse entomologique du milieu et paraît également lié à la forte abondance de la pyrale du buis. Par ailleurs, il confirme la relation positive entre le nombre de nichoirs installés à l'hectare et leur taux de colonisation, évaluée dans des travaux antérieurs (Martin et al., 2016).
Comportement alimentaire et survie des oisillons
Les chenilles de pyrale du buis sont entrées dans le régime alimentaire des mésanges. Les larves (chenilles) de pyrale du buis sont fortement chargées en alcaloïdes présents dans les feuilles de buis. Cet état de fait pouvait induire l'hypothèse que les chenilles de pyrale du buis ne seraient pas prédatées par la mésange, mais le suivi des pièges photographiques sur le site de la Roseraie au printemps 2017 a montré le contraire. Il a prouvé les qualités appétentes de la pyrale pour la mésange et son entrée dans le régime alimentaire de cette dernière.
Une autre question concernant les alcaloïdes devait être vérifiée : le nourrissage des oisillons, plus fragiles que les adultes, avec des chenilles chargées en alcaloïdes peut-il induire leur mort ?
Lors du nettoyage des onze nichoirs avec couvées à l'automne 2017, aucun poussin mort n'a été observé. Cette constatation suggère que le nourrissage des poussins de mésange par des pyrales du buis chargées elles-mêmes d'alcaloïdes ne semble pas toxique pour les oisillons.
Conclusions, difficultés rencontrées et perspectives
Difficultés ressortant de l'expérimentation réalisée
Deux années d'expérimentation montrent qu'utilisés seuls sur des surfaces n'excédant pas 4 000 m2, la confusion sexuelle avec BoxTPro ou le piégeage de masse aux doses utilisées ne permettent pas de réduire l'impact de la pyrale du buis en termes de dégâts occasionnés sur les buis.
Certes, en 2016, une réduction des populations d'environ 20 % (18,26 et 23,64 %) a été obtenue. Mais, à ce niveau d'infestation de la pyrale (plus de cent chenilles par mètre linéaire), les chenilles restantes, soit 80 % de la population initiale, ont largement suffi pour défolier tous les buis.
Il faut noter que les bordures de buis de très petite taille (environ 25 cm sur 25 cm) n'ont pas redébourré au printemps 2017. De ce fait, à ce jour, la quasi-totalité des bordures en buis du site de la Roseraie sont mortes et ont dû être arrachées.
Précisons que le produit BoxTPro utilisé dans le cadre de ces expérimentations a obtenu une autorisation de mise sur le marché dérogatoire (AMM n° 2189998) du 26 juin jusqu'au 24 octobre 2018. Depuis, la publicité et la communication sur le produit battent son plein sur l'ensemble du territoire national (exemple : La Provence, le 17/07/2016, « Face au fléau que représente la pyrale, M2i protège les buis grâce aux phéromones »).
Autres difficultés rencontrées par les gestionnaires
Les changements de modèles de diffuseurs, de distributeurs, de formes ou types de diffuseurs sont des actions courantes pour les quelques sociétés qui distribuent ces produits en France.
Ainsi, on trouve par exemple sur le marché, entre 2015 et 2018, trois types de diffuseurs sous le même nom (photo ci-dessus) :
- en 2015, un diffuseur tubulaire en caoutchouc rouge ;
- en 2016, un diffuseur type tube Eppendorf transparent ;
- depuis 2017, une seringue avec phéromone gel.
Les trois diffuseurs consécutifs ont été distribués sous le même nom commercial. Ils ont fait l'objet de tests comparatifs par l'Inra, dans le cadre du programme SaveBuxus, avec les résultats suivants :
- celui de 2015 était peu performant ;
- celui de 2016 était performant mais avec une persistance d'action de deux mois seulement, ce qui nécessite de le changer deux mois après ;
- celui de 2017 et 2018 est peu attractif au départ et devient performant après deux mois de mise sur le terrain, réduisant ainsi les captures lors du premier vol produisant des dégâts importants par la suite (voir fiche de synthèse SaveBuxus en ligne).
Avec un même nom commercial pour des produits différents à performances inégales, le gestionnaire ne peut pas s'y retrouver et le travail de développement fait par la recherche n'a plus d'intérêt. Une obligation de traçabilité et une référence unique de chaque type de diffuseurs sont nécessaires.
Les mésanges se mettent au « régime pyrale »
Les premières observations faites autour des nichoirs à mésanges installés à la Roseraie du Val-de-Marne nous amènent à penser que favoriser la nidification des mésanges pourrait être une stratégie de régulation biologique de la pyrale du buis, à combiner avec d'autres méthodes (piégeage phéromonal, confusion sexuelle, mais aussi lâchers de parasitoïdes oophages...) comme cela a été montré sur d'autres ravageurs en jevi et forêts, dont la chenille processionnaire du pin (Martin et al., 2016).
Nécessité de combiner les outils
Le gestionnaire d'espaces comprenant des buis doit combiner les outils de biocontrôle dans le cadre de stratégies pour protéger efficacement ses buis (Guérin M., 2016). Dans le cas de fortes attaques, le traitement à base de Bacillus thuringiensis Kurstaki (BtK) est nécessaire sur les chenilles au printemps. Par la suite, le piégeage de masse au cours du premier vol (en général mai/juin) permettra de ralentir la recolonisation du site par la pyrale du buis. Sur les mêmes lieux, la pose puis l'entretien annuel de nichoirs adaptés aux mésanges sur les sites infestés par la pyrale du buis favoriseront la nidification de ces oiseaux. Ceux-ci contribueront aussi à réguler les chenilles défoliatrices, en association avec les autres stratégies alternatives.
Confusion sexuelle et autres techniques : les travaux continuent
À ce jour, les études sur la confusion sexuelle se poursuivent avec d'autres méthodes d'application de la phéromone (projet SaveBuxus 2) et à des doses plus importantes (protocole confidentiel) afin d'apporter une réponse plus satisfaisante pour le gestionnaire.
Les recherches de substances répulsives ou non appétentes ainsi que d'une souche de parasitoïdes efficaces sont également des voies étudiées afin de maîtriser cet « incontrôlable » ravageur !
RÉSUMÉ
CONSTATS - Des expérimentations de plus grande envergure ont montré les limites du piégeage de masse et de la confusion sexuelle comme stratégies de biocontrôle si elles sont utilisées seules. Certains produits, commercialisés, de monitoring ou de lutte, montrent des limites d'efficacité, non décrites dans les guides d'utilisation fournis par leurs distributeurs. Un même nom de diffuseur référencé commercialisé ne correspond pas toujours au même diffuseur d'année en année. D'où, pour le gestionnaire, des difficultés à se retrouver.
Des observations de suivis de mésanges Parus spp. montrent que la pyrale du buis est entrée dans le régime alimentaire de ces oiseaux et que les alcaloïdes présents dans le buis n'ont pas d'action néfaste sur les oisillons dans le nid.
CONSEILS - À ce jour, seule la combinaison du traitement BtK au printemps et du piégeage phéromonal sur toute la saison de vol permet une réduction significative des dégâts dus à la pyrale du buis. La pose de nichoirs à mésanges est compatible avec ces stratégies.
MOTS-CLÉS - Jevi (jardins, espaces végétalisés et infrastructures), bonnes pratiques, buis Buxus spp., pyrale du buis Cydalima perspectalis, phéromone, biocontrôle, mass trapping, confusion sexuelle, mésange, Parus spp.
POUR EN SAVOIR PLUS
CONTACTS : anne-sophie.brinquin@inra.fr
jean-claude.martin@inra.fr
BIBLIOGRAPHIE : - Guérin M., Tabone É., Martin J.-C., Lacordaire A.-I., Gutleben C. et Robert F., 2016, Pyrale du buis : vers une stratégie de gestion durable, Phytoma n° 697, octobre 2016, 26-30.
- Martin J.-C., Brinquin A.-S., Morel E., Tabone É. et Guérin M., 2015, Vers un outil de biocontrôle innovant et performant contre la pyrale du buis, Phytoma n° 680, janvier 2015, 41-44.
- Martin J.-C., 2018, La Roseraie abrite de nouvelles générations de mésanges pour mieux se protéger. https://prodinra.inra.fr/record/432639
https://Roseraie.valdemarne.fr/Roseraie-abrite-nouvelles-generations-mesanges-pour-mieux-se-proteger
- Martin J.-C., Pringarbe M., Correard M., Turion N., Gilg O. et Jean F., 2016, Des nichoirs à mésanges contre la processionnaire du pin, Phytoma n° 697, octobre 2016, 20-25.
- Rédaction Phytoma, Paparazzer le frelon et la processionnaire, Phytoma n° 671, février 2014, p. 5.
REMERCIEMENTS
Les auteurs remercient le Conseil départemental du Val-de-Marne pour la mise à disposition du site de la Roseraie et sa compréhension malgré les échecs dans la protection des buis. Cette étude a été menée dans le cadre du plan Écophyto :
- programme SaveBuxus, coordonné par Astredhor et Plante & Cité, en partenariat avec l'Inra et la firme Koppert, bénéficiant du soutien financier de l'interprofession, du FRB Écophyto et de France-AgriMer ;
- programme Optim'Phero, initié par l'UEFM en partenariat avec la firme M2I Life Sciences et la Fredon PACA (financement FRB/Écophyto).